Face à une société tunisienne rythmée par une surconsommation de plastique sans précédent et une conscience écologique qui peine à montrer le bout de son nez, un projet apportant du renouveau semble vital.
Ce cri d’alarme, c’est le groupe Plastic Odyssey qui y a répondu, et ils n’ont pas fait les choses à moitié. Ce groupe de jeunes visionnaires passionnés d’environnement ont eu l’idée de transformer un navire d’exploration de 35 mètres en atelier flottant du recyclage.
Au gré des vagues ce navire réalisera 30 escales dans des pays en développement durant 3 ans et avec un unique objectif : démocratiser une gestion intelligente des déchets plastiques.
C’est ainsi qu’en décembre 2022, le navire Plastic Odyssey venant tout droit d’Egypte a jeté l’ancre à Bizerte pour sa troisième escale. Nous avons alors eu l’honneur d’interviewer celui qui était à l’origine de l’idée:
Simon Bernard m’a fait part des enjeux de ce projet qui a le potentiel d’avoir un impact colossal à l’international.
Le mot “renouveau” utilisé précédemment est judicieusement choisi, car le projet Plastic Odyssey représente un réel changement de paradigme dans la mesure où son impact est pérenne, contrairement aux moyens auxquels on pense généralement pour lutter contre la pollution tels que pêcher le plastique en mer, dont les effets sont finalement nuls puisqu’il suffira de trois jours pour que la mer se repollue.
Plastic Odyssey va alors s’intéresser à la racine même du problème, la source de l’utilisation du plastique :
Pourquoi le plastique se prolifère-t-il ? Pourquoi le jetons-nous avec indifférence ?
La réponse est simple, il s’agit tout bonnement d’un produit à faible valeur ajoutée dans lequel nous ne distinguons aucune sorte de profit, et que l’on ne collecte donc pas. Et pour cause, aujourd’hui un kilo de sac en plastique s’achète à quelques centimes.
Et c’est bien là l’erreur ! Simon Bernard explique que la solution pour que l’écologie soit pérenne est qu’elle soit économiquement viable, et pour ce faire, il faut faire du plastique un produit à forte valeur ajoutée soit, un produit fini qui va se vendre cher.
Tout ça a l’air bien beau mais, comment faire ?
Outre l’ambitieux équipage de Plastic Odyssey, le navire embarque de nombreuses machines de valorisation, à des fins de test et de démonstration pour prouver que les déchets ont de la valeur.
Une d’entre elles permet de produire du carburant consommable directement à bord avec des déchets plastiques. Une autre a pour fonction de transformer le plastique en de nouveaux objets tels que des tuiles pour les maisons ou encore des tables.
Les actions du groupe aux différentes escales se déploient sur trois volets : à bord, l’incubation d’entrepreneurs, des formations intensives et conférences, à terre, l’implantation de conteneurs-usines clé en main, et enfin en ligne, en fédérant une communauté autour de programmes de formation et webinaires. Deux micros usines existent déjà au Togo et en Guinée.
L’histoire de la micro usine guinéenne est d’ailleurs surprenante. Durant une visite en Guinée l’équipe a rencontré, par pur hasard, une femme nommée Myriam qui vivait du recyclage de plastique pour en faire des pavés.
Cependant, faute de moyens, Myriam travaillait avec peu d’outils, il suffisait de quelques ustensiles, d’un moule et de la force de ses mains, et bien qu’efficace, cette méthode était dangereuse pour sa santé car elle respirait des gaz nocifs à longueur de journée.
Epatés par la force et l’ambition de cette femme, les jeunes innovateurs ont alors fourni une micro usine à Myriam. Cette dernière sera financée en “crédit plastique” soit 30 centimes par kilo plastique, un moyen de remboursement qui enjoint inévitablement à recycler davantage.
Remontons à nouveau le continent africain, qu’a fait le groupe Plastic Odyssey de façon concrète en Tunisie ?
Ils ont rencontré de nombreux de nos entrepreneurs, tout autant ambitieux les uns que les autres et certains d’entre eux sont intéressés par l’idée de se procurer des micro-usines.
Durant ma visite sur le navire, j’ai également eu l’honneur de rencontrer la vice-maire de l’Ariana, Nihel Ben Ammar qui est venu s’inspirer de tels projets et est consciente que le soutien de l’Etat est indispensable pour éveiller une conscience écologique chez ses citoyens et ainsi établir un socle sur lequel peut se fonder les potentiels projets de nos entrepreneurs.
De plus, la situation en Tunisie est singulière car est déjà implanté un large secteur informel de l’économie dans le recyclage des déchets plastiques : les barbéchas.
C’est ainsi que Nihel Ben Ammar discutait avec un entrepreneur tunisien de l’idée de les organiser dans un circuit formel. A l’image de cette discussion, des échanges et partenariats entre l’Etat et les entrepreneurs tunisiens bourrés d’idées, est un échelon à gravir si l’on veut réellement évoluer.
Alors, je remercie Plastic Odyssey d’avoir apporté sa pierre à l’édifice, je suis persuadée qu’il s’agissait de l’élan dont avait besoin nos entrepreneurs, et je souhaite à Plastic Odyssey une traversée riche en rencontres, reste à espérer que les entrepreneurs du monde n’aient pas le mal de mer.
Amina Zannad
