La 4ème édition du Festival International du Film de la Mer Rouge (RSIFF) a ouvert ses portes avec une distinction toute particulière pour Mona Zaki, l’une des actrices les plus emblématiques du cinéma égyptien et arabe. Une carrière de plus de 20 ans, marquée par des rôles aussi variés que profonds, la place aujourd’hui parmi les grandes figures du cinéma mondial. Lors de cette cérémonie d’ouverture, Mona Zaki a reçu un hommage mérité. Deux jours plus tard, elle a eu l’occasion de discuter de sa carrière, de ses réflexions sur l’industrie du cinéma et de ses défis personnels avec le public. Un moment inoubliable, riche en émotions et en anecdotes.
Mona Zaki, après un périple aux États-Unis pour la promotion de son dernier film Flight 404, réalisé par Hany Khalifa et présenté par l’Egypte à l’Oscar 2025 du Meilleur Film international, a exprimé sa gratitude envers l’accueil chaleureux qu’elle a reçu au RSIFF. « Je suis honorée et heureuse de tous ces honneurs. Je ressens des ondes positives d’amour, et je suis ravie d’être reconnue par ce festival, jeune mais déjà grand », a-t-elle déclaré, visiblement émue.
Ce film, Flight 404, est le fruit de 11 années de persévérance et de travail. « J’ai lu ce film il y a 11 ans, et chaque fois, pour une raison ou une autre, il n’a pas pu se faire. Nous avons proposé le projet à plusieurs producteurs, mais il a été refusé. Puis Mohamed Hefzy a accepté de le produire, et c’est ainsi que ce projet a vu le jour », raconte Mona.
Pour elle, la clé du succès de ce film réside dans sa philosophie profonde et les interrogations du personnage principal. « Le personnage est plein de questionnements. Il nous ressemble tous d’une certaine manière, ce qui permet au public de s’identifier facilement », affirme Mona. Ce film semble donc avoir trouvé une résonance particulière dans le cœur des spectateurs.
Lors de cette conversation, Mona Zaki a également fait un retour sur ses débuts au cinéma, notamment dans le film Sahar Layali (2003), réalisé par le même Hany Khalifa. « Hany est un excellent réalisateur, il sait lire un scénario d’une manière exceptionnelle. Avec lui, j’ai appris à comprendre le film dans sa globalité », confie Mona. Le film, qui avait réuni une nouvelle génération d’acteurs, a marqué un tournant dans sa carrière. « Nous étions tous des débutants, mais avec Hany, il a su extraire le meilleur de chacun d’entre nous. »
Elle souligne également que l’expérience avec Hany Khalifa a été marquée par un perfectionnisme très particulier. « Hany savait dès le début de chaque scène ce qu’il voulait. Il nous faisait répéter inlassablement, jusqu’à ce que chaque geste, chaque réplique, devienne naturel. Il savait que c’était le seul moyen d’obtenir le meilleur de nous-mêmes. » Pour Mona, c’est ce processus de répétition intense qui a fait en sorte que ses performances soient aussi authentiques.
En parallèle de ses collaborations avec des réalisateurs de renom, Mona Zaki a également évoqué l’importance de se renouveler constamment dans son métier. « Je suis toujours curieuse des personnages que je joue. Cela me pousse à aller au-delà de ce que je connais. J’ai étudié le théâtre aux États-Unis, et aujourd’hui, en Égypte, je travaille souvent avec des coachs d’acteurs », confie-t-elle. Elle ajoute que cette approche n’est jamais une contrainte, mais plutôt une opportunité de se réinventer : « Chaque coach m’apprend quelque chose de nouveau. Cela me permet d’enrichir mes performances et de mieux incarner les rôles. »
Mona Zaki est convaincue que l’acteur doit constamment évoluer, se remettre en question pour offrir la meilleure version de soi-même à chaque nouveau projet. Cette quête de perfection et ce désir de se renouveler sont des moteurs puissants dans sa carrière.
Au fil des années, Mona Zaki a eu la chance de travailler avec plusieurs réalisateurs de renom, chacun ayant sa propre méthode et sa propre vision du cinéma. Si, dans ses premiers rôles, elle a été marquée par la nervosité d’Ashraf Fahmy, qui lui faisait même peur, elle évoque avec admiration le professionnalisme de Sherif Arafa. « Sherif est ponctuel, très organisé. Il travaille sans relâche pendant des heures. J’ai beaucoup appris de lui », dit-elle.
Le passage sous la direction de Youssry Nasrallah a aussi été un tournant important dans sa carrière. « Avec Youssry, j’ai voulu sortir des rôles de jeune fille et passer à des rôles plus matures. C’est un tournant dans ma carrière. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de ne plus choisir des films pour les attentes des autres, mais pour ce que j’aimais », raconte Mona.
Elle se souvient aussi de sa collaboration avec Mhamed Hassine, qui avait une approche très précise de ses personnages. « Il a une ‘bible’ pour chaque personnage, et il savait exactement ce qu’il voulait pour chacun d’entre nous. Je savais exactement quel était le rôle que je devais jouer dans Afrah Qobba, et cela m’a permis d’incarner ce personnage avec une grande précision », souligne Mona.
Une question particulièrement pertinente lui a été posée par Tarek Elshinawy lors de cette rencontre. Il est fort probable qu’il se référait à la campagne de dénigrements, voire d’insultes, dont a été victime Mona suite à son rôle dans le film Ashab wala Aaz (2022). « À l’époque de tes débuts, notre société était beaucoup plus conservatrice, et les actrices étaient jugées en fonction de leurs rôles. Et cela perdure encore. Comment fais-tu face à cette pression, surtout à l’ère des réseaux sociaux, où les jugements peuvent être sévères ? » Mona a répondu avec une grande sagesse : « Je viens d’une époque où la société était encore plus conservatrice, et je dois avouer que, jeune, cela m’effrayait. Mais aujourd’hui, je pense que nous avons fait de grands progrès. » Cependant, elle reconnaît que les réseaux sociaux ont changé la donne. « Aujourd’hui, la pression est bien plus forte. Les gens peuvent être très cruels, et les opinions sur les réseaux sociaux peuvent être dévastatrices. Mais je me protège de cela. Ce qui compte pour moi, c’est de choisir des films qui me plaisent et de les jouer de manière authentique. Je n’ai plus peur des jugements externes, ce qui m’effraie, c’est de ne pas réussir un rôle. »
Mona Zaki se montre résolument optimiste quant à l’évolution de la société, soulignant que la reconnaissance des actrices et des artistes a changé. « Aujourd’hui, je n’ai plus peur de ce que les gens pensent. Ce qui m’importe, c’est d’incarner des personnages qui me parlent et de le faire de manière juste. Je crois que les femmes, et les actrices en particulier, ont maintenant plus d’opportunités et de liberté d’expression qu’auparavant. »
En préparation de cette 4ème édition du festival, Mona Zaki avait été invitée à choisir un film à restaurer, et elle n’a pas hésité à rendre hommage à Shafik et Metwally, un film qu’elle adore en raison de la grande Souad Hosny, ainsi que de ses autres icônes, Ahmed Zaki et Mahmoud Abdelaziz. « Ce film fait partie de l’histoire du cinéma arabe. Souad Hosny a marqué toute une génération, et c’était pour moi une façon d’honorer non seulement l’héritage de cette grande actrice, mais aussi de remercier ceux qui ont contribué à façonner l’industrie cinématographique égyptienne », explique-t-elle.
Interrogée sur ses ambitions futures, Mona Zaki a répondu avec la passion qui la caractérise : « Apprendre, toujours. Je veux continuer à recevoir des rôles qui me permettent de grandir et de me renouveler. Ce qui m’intéresse, c’est de continuer à évoluer en tant qu’artiste et de me lancer de nouveaux défis. »
Elle conclut sur cette note d’espoir : « L’essentiel est de jouer des rôles qui m’inspirent, peu importe ce que les autres peuvent en penser. Si je réussis à faire mon travail avec passion et authenticité, alors c’est tout ce qui compte. »
Cet hommage au RSIFF 2024 confirme que Mona Zaki est non seulement une actrice exceptionnelle, mais également une figure clé du cinéma arabe, avec une vision unique et une carrière marquée par la rigueur, la passion et la recherche incessante du renouveau.
Neïla Driss