Le Festival du Film d’El Gouna (GFF), s’est engagé à célébrer le cinéma sous ses différents aspects, en soulignant les contributions importantes non seulement des réalisateurs et acteurs, mais aussi des écrivains, des techniciens et des critiques.
A cet effet, et à l’occasion du centenaire de la naissance de l’écrivain Ihsan Abdel Quddous (1919 – 1990) le GFF a organisé une exposition rétrospective pour commémorer cette légende égyptienne. Cet écrivain, romancier, scénariste, journaliste et rédacteur en chef est l’auteur d’un grand nombre de romans, dont Le voleur d’autobus ou Je suis libre (Ana hurra), qui porté à l’écran en 1959, avec Lobna Abdel Aziz et Chokri Sarhane dans les principaux rôles, avait fait scandale par ses idées féministes et son apologie de la liberté.
Ihsan Abdel Quddous a écrit plus de 600 récits, articles, scénarios et romans, dont cinq ont été adaptés en théâtre, neuf en séries radiophoniques et dix en séries télévisées, dont la très célèbre Lan A3esh Fe Gelbab Aby en 1996, avec Nour Sherif et Abla Kamel dans les rôles principaux. Soixante cinq de ses romans ont été traduits en anglais, français, allemand, ukrainien et chinois.
Quarante neuf des romans de Ihsan Abdel Quddous ont été adaptés au cinéma – un record parmi les écrivains arabes. Parmi eux on peut citer les très célèbres longs métrages El wessada el khalia (1957), Fi baitina rajul (1961), Abi foq al-Shagara (1969), Emberatoriet meem (1972), Al-Rasassa la tazalu fe gaibi (1974), El-Raqesah wa el-Tabbal (1984) et Al-raqissa wa-l-siyasi (1990). Les plus grands acteurs du cinéma égyptiens ont tenu des rôles importants dans ces films, comme par exemple Abdel Halim Hafez, Omar Sharif, Faten Hamama, Nadia Lotfi, Ahmed Zaki…
Affiches de films inspirés de romans d’Ihsan Abdel Quddous
Lors de la préparation de l’exposition, les responsables du GFF avaient découverts dans la maison de l’écrivain, une multitude d’objets personnels tels que des meubles, de magnifiques peintures, des documents manuscrits, des photographies rares, des stylos, des trophées, des livres, des papiers d’identité, etc.… Sa famille a accepté de prêter quelques uns de ces objets dans le but de les présenter au public.
Des attestations, diplômes et prix remportés par Ihsan Abdel Quddous
Un trophée et une sculpture représentant Ihsan Abdel Quddous
Deux trophées remportés par Ihsan Abdel Quddous.[/caption]
Le bureau d’Ihsan Abdel Quddous dans sa maison.
Des photos d’Ihsan Abdel Quddous
Des médailles d’Ihsan Abdel Quddous
Des stylos d’Ihsan Abdel Quddous
Des lunettes et des papiers d’identité d’Ihsan Abdel Quddous
Des photos d’Ihsan Abdel Quddous jeune
Des livres et un manuscrit d’Ihsan Abdel Quddous
Selon Intishal Al Tamimi, directeur du GFF, l’idée initiale était d’exposer uniquement des affiches des films adaptés des livres d’Ihsan, mais qu’ensuite, en découvrant tous ces objets appartenant à l’auteur, il a été décidé d’étendre cette rétrospective et d’en faire une sorte d’ « expo-musée ». Il a par ailleurs assuré, toujours dans le but de préserver et conserver le patrimoine cinématographique de l’Égypte, que cette expérience sera renouvelée avec d’autres auteurs lors des prochaines éditions.
Ont assisté au vernissage Samih Sawiris fondateur de la ville d’El Gouna, Naguib Sawiris fondateur du festival, leur père l’homme d’affaires Onsi Sawiris, Amr Mansi et Bushra Rozza, co-fondateurs du festival, Intishal El Tamimi, directeur, Ahmed Abdel Quddous, le fils de feu l’écrivain, l’actrice Yosra, la réalisatrice Inès Al Deghedy, et d’autres personnalités du cinéma.
Vernissage de l’exposition Ihsan Abdel Quddous
En plus de cette exposition, le film Beer al herman (1969), dont le scénario a été coécrit par Ihsan Abdel Quddous a été programmé lors de cette édition III du GFF. Cinq pages du catalogue officiel lui ont été également consacrées.
Depuis bientôt quatre ans que je fréquente les festivals de cinéma qui ont lieu en Egypte, je suis toujours impressionnée par cette volonté chez les égyptiens de perpétuer la mémoire de leur cinéma et de leurs artistes et transmettre ce patrimoine aux nouvelles générations. A chaque festival, sont organisés des hommages, des expositions (comme par exemple pour commémorer la 40ème édition du Festival International du Film du Caire – CIFF – en novembre 2018), des discussions ou masters classes auxquels sont invités des artistes divers (acteurs, réalisateurs, techniciens…) pour raconter soit leurs expériences et souvenirs personnels, soit pour parler d’un artiste disparu. En 2018 par exemple, plusieurs festivals, dont le GFF ont rendu hommage à Youssef Chahine à l’occasion du 10ème anniversaire de son décès.
Des livres sont souvent distribués aux festivaliers. D’ailleurs le CIFF, a en 2018, distribué entre autres, un livre consacré à Ihsan Abdel Quddous. En fait, au fil des années, les divers festivals égyptiens ont offerts plusieurs livres, dont par exemple sur les réalisateurs Mohamed Khan et Yousry Nasrallah, sur le critique Samir Farid décédé en 2017, sur les acteurs Omar Sharif, Khaled Salah…
Quelques livres distribués ces dernières années par divers festivals égyptiens, dont un sur Ihsan Abdel Quddous
Où en sommes-nous en Tunisie de cette préservation de notre mémoire cinématographique ? Il est vrai que notre cinéma est bien plus jeune que le cinéma égyptien, mais pourquoi est-ce que nous ne faisons presque rien pour le transmettre aux jeunes générations ?
La cinémathèque de Tunis fait quelques essais, comme par exemple en organisant une rétrospective consacrée à Claudia Cardinale. Mais est-ce suffisant ?
Pourquoi est-ce que par exemple les JCC n’ont rien prévu pour commémorer leur cinquantième anniversaire en 2016 ? Pourquoi pas une exposition des affiches de toutes les éditions du festival de 1956 à 2016 ? Pourquoi pas des photos, des coupures de journaux, des catalogues, etc.… ?
Pourquoi est-ce que nos artistes ne sont pas invités à raconter leurs expériences et leurs souvenirs ? Lorsqu’ils auront disparus, il sera trop tard, ils emporteront avec eux une partie de notre histoire.
On peut quand même saluer le festival Manarat qui en juillet dernier a distribué quelques livres sur le cinéma tunisien, dont Le cinéma tunisien d’hier et d’aujourd’hui de Tarek Ben Chaabane. J’espère qu’il s’agit d’un début et que lors des prochains festivals tunisiens, une partie du programme sera consacrée à la préservation de notre patrimoine cinématographique.
Neïla Driss