La Tunisie est en train de payer la rançon de ses quatre millions d’analphabètes et d’illettrés.
La fiction d’un pays singulier, moderniste, constituant une exception dans le monde arabe et musulman, est en train de s’effondrer sous les coups de boutoir des atavismes qui remontent à la surface.
La poussée de fièvre haineuse prenant pour cible la communauté africaine subsaharienne a été odieusement manipulée par des mains coupables qui en aucun cas, ne méritent de la Tunisie.
Sommes-nous devenus ainsi ou l’étions-nous sans le reconnaître ? Je reviens du cœur de l’Afrique où je viens de passer une semaine. Pour la première fois, j’ai du subir des remarques inédites quant au racisme avéré de mon pays.
Sur un autre plan, des amis qui vivent et travaillent en Afrique de l’ouest, ne sortent plus de chez eux depuis plusieurs jours.
Ils essaient d’éviter les critiques et qui sait, une réciprocité qui reste toujours à craindre. Ces amis sont en général dans les travaux publics mais d’autres investisseurs tunisiens sont présents, des universitaires viennent donner des cours, des commerciaux tentent de gagner des marchés.
Tout cela a été torpillé par la déferlante haineuse qui nous vaut d’être mis au ban des humanistes. En Guinée, en Côte d’Ivoire et dans plusieurs autres pays, la Tunisie n’a plus bonne presse.
Il va falloir des années pour panser cette nouvelle blessure qui nous coupe d’un espace vital que d’autres se bousculent pour l’investir.
Toute cette affaire de migrants clandestins et d’illégaux, aurait pu être gérée différemment, sans porter atteinte à l’honneur d’un pays irréprochable, hier encore cité en exemple.
L’hospitalité n’est pas un vain mot et nous sommes en train de l’apprendre à nos dépens. La gestion des flux migratoires dans le respect des droits humains s’apprend et, malgré notre expertise, nous sommes tombés dans le panneau autant par l’aveuglement des uns que par le populisme de ceux qui les manipulent.
Du temps de Bourguiba, on répétait à l’envi que les lois du pays étaient en avance sur certains secteurs de la population. Et par conséquent, on travaillait à la promotion morale et matérielle du peuple. Avec succès et aussi d’énormes ratages.
Aujourd’hui, les actes xénophobes et les propos racistes tombent sous le coup de la loi mais, malgré les mobilisations, il est difficile d’échapper aux éthiques défaillantes et aux ressentiments ordinaires envers des migrants si fragiles, si vulnérables et pour certains si confiants en nous.
Bien sûr cet épisode scabreux fait partie d’un feuilleton plus touffu où les rapports de force ne sont pas clairement énoncés. Qualifiée de « cul-de-sac de la forteresse Europe », la Tunisie saura-t-elle rationaliser et structurer sa relation aux migrants d’où qu’ils viennent et où qu’ils aillent ?
Pour l’heure, il s’agit de revenir à certains fondamentaux qui ne devraient en aucun cas être remis en question. Et que la loi prime ne fait aucun doute. Mais toujours dans le respect de l’éthique, de l’équité et de la nécessaire hospitalité.