La longue histoire du Chalet goulettois en fait l’une des tables les plus réputées de la Goulette, sous la houlette de Hechmi Krandel, maître des céans.
A La Goulette, les restaurants, ce n’est pas ce qui manque ! Toutefois, certains d’entre eux peuvent se prévaloir d’une longue histoire. C’est le cas par exemple du Chalet goulettois qui se trouve en plein cœur de l’avenue Franklin Roosevelt.
Créé à la fin des années 1940 par une famille juive, ce restaurant n’était au début qu’un simple grill. Ce qui fit sa notoriété, c’est un palmier qui se trouvait en plein milieu de l’établissement et autour duquel allait s’installer une terrasse. Le Chalet disposait en effet d’une double terrasse : l’une entourant le palmier et l’autre, s’étalant le long de la façade.
Au fil des ans, ce restaurant devint une référence dans le petit village de la Goulette. De nos jours encore, Le Chalet maintient sa longue tradition, avec une prédilection pour les fruits de mer et le poisson grillé. Ayant gardé ses atouts d’hier, le Chalet les conjugue à ceux d’aujourd’hui.
L’histoire du Chalet goulettois est inséparable de celle des restaurants cacher dont la plupart se trouvaient entre Tunis, l’Ariana et la Goulette. Ces enseignes qui respectaient strictement la cacherout, n’étaient pas très nombreux. Certains sont demeurés dans la mémoire collective qui se souvient encore de la Brasserie suisse, de Tantonville, du Novelty ou du Robinson.
A la Goulette, le Chalet était un bastion de la communauté et de la gastronomie juives. C’est l’un des plus anciens restaurants du village. Son ouverture remonte à l’époque où les estivants peuplaient la belle saison goulettoise. Le nom de son fondateur s’est pour le moment perdu.
Ce qui est certain et avéré par contre, c’est que le Chalet goulettois a été repris par Hédi Krandel en 1947. Ce commerçant en étoffes était un tisserand qui comptait parmi les soyeux les plus en vue de la capitale. D’ascendance andalouse, il avait racheté le restaurant sans en prendre les commandes, préférant laisser l’enseigne à sa clientèle habituelle. C’est ainsi que le Chalet goulettois continuera à servir des plats traditionnels sous le label cacher.
Cette tradition va se poursuivre jusqu’en 1983 sous la férule de Hechmi Krandel qui continue de nos jours, à gérer cette table profondément liée à notre mémoire juive.
Durant plus d’un quart de siècle, le Chalet goulettois sera un bastion incontournable de la cuisine juive et aussi un lieu de vie puisque des centaines de bar mitzvah, d’outia de mariages et de cérémonies familiales se déroulaient dans le jardin du restaurant. Ali Riahi ou Safia Chamia se produisaient souvent en ces lieux qui se souviennent encore de cette époque si harmonieuse.
Une autre salle du Chalet goulettois était dédiée aux joueurs, avec des tables recouvertes de feutre et des clients qui venaient taper le carton entre belote, poker, chkoba et rami.
Bijoutiers, avocats et hommes d’affaires constituaient la clientèle du restaurant dont la carte proposait autant les grillades que les spécialités juives qui vont de la bkaila au couscous boulettes, en passant par toutes sortes de tfina et autres sabayons.
En salle et en cuisine, le restaurant comptait aussi bien des juifs que des musulmans. Deux cordons bleus juifs animaient la cuisine et un troisième tenait le grill. À un moment, une quatrième personne devait être recrutée pour l’ouverture des bouteilles de vin cacher sous l’étiquette de l’Union des caves viticoles.
Toutefois, cela ne se fera pas puisque devant la rareté de la clientèle attirée par la cacherout et l’évaporation progressive de la communauté juive, le restaurant abandonnera le label cacher en 1983.
A la Goulette, le label cacher ne revivra qu’à la fin des années 1990, avec l’ouverture presque simultanée de Mamy Lily et du Club Jasmins. Ces deux enseignes fermeront leurs portes après une brève période d’activité pour le Club Jasmins qui se trouvait juste derrière le Vénus et une durée plus longue pour Mamy Lily que tenaient les regrettés Jacob Lellouche et sa mère dont le restaurant portait le prénom.
Le Chalet goulettois reste de nos jours, une authentique référence dans le paysage gastronomique du grand Tunis. On y poursuit la tradition de la cuisine juive misant plus sur la qualité et l’accueil chaleureux que le tapage et le buzz.
Veillant sur tout, Hechmi Krandel se souvient des premières heures du restaurant au temps où le fer forgé ornait la façade, lorsque des théories de merguez séchaient au-dessus du grill, dans le petit jardin central qui sert encore de terrasse.
Lieu de la mémoire juive tunisienne, le Chalet goulettois demeure un must des plus appréciés grâce à une carte qui maintient la tradition et propose la quintessence de la cuisine juive et la réminiscence des années cacher, lorsque le Café vert, le Casino et le Petit Casino brassaient toute la diversité de la Tunisie plurielle.