Lors d’une conférence de presse tenue le 16 décembre, largement relayée par ses partenaires médiatiques, le PDG de BSB Toyota, Moez Belkhiria, a sorti le capot pour ausculter la loi de finances 2026. Dans le viseur : le traitement fiscal des véhicules hybrides et, surtout, le Toyota RAV4, devenu l’un des chouchous du marché tunisien.
Face à lui, l’État campe sur une ligne inchangée : la fiscalité automobile continue de se fonder sur un critère ancien mais jugé lisible et administrable, la cylindrée. Deux logiques qui se font face. Deux visions qui peinent à se croiser.
Une hausse de prix qui cristallise la polémique
L’élément déclencheur est chiffré. Actuellement commercialisé autour de 180 000 dinars, le RAV4 hybride pourrait voir son prix grimper jusqu’à 220 000 dinars à partir d’avril 2026, sous l’effet du nouveau régime fiscal prévu par le projet de loi. Une augmentation significative, sans évolution technique du véhicule, mais résultant d’un reclassement fiscal assimilant les hybrides aux motorisations thermiques classiques.
Pour Moez Belkhiria, cette évolution efface l’avantage jusque-là accordé à l’hybridation et pénalise une technologie pourtant plus sobre en consommation et en émissions, notamment en usage urbain.
Une loi générale, pas un texte sur mesure
Sur le principe, le rappel est essentiel : la loi de finances n’a pas vocation à protéger un modèle, ni à s’adapter à une réussite commerciale. L’État ne légifère pas pour un véhicule, même hybride, même leader du marché. Et de ce point de vue, le fisc est dans son rôle.
Une loi fiscale fixe des règles générales, parfois rigides, souvent indifférentes aux cas particuliers. Aux constructeurs et aux importateurs de s’y adapter, en ajustant leurs gammes, leurs motorisations ou leurs stratégies.
Cylindrée contre technologie
Mais cette rigueur de principe révèle un angle mort persistant. En continuant de raisonner quasi exclusivement en cylindrée, la fiscalité tunisienne peine à intégrer la complexité des motorisations modernes. Qu’un moteur hybride consomme moins qu’un thermique équivalent, qu’il fonctionne partiellement à l’électricité ou qu’il réduise la dépendance au carburant importé importe peu : le volume du moteur thermique reste la boussole fiscale.
Dans ce face-à-face, la technologie cède face à la simplicité administrative. Et la transition énergétique, pourtant régulièrement invoquée dans le discours public, reste difficile à traduire dans les textes budgétaires.
Concrètement, le projet de loi repose sur des seuils de cylindrée qui assimilent les véhicules hybrides aux motorisations thermiques classiques, sans tenir compte de l’électrification. Les modèles dépassant les seuils de 1,6 ou 1,7 litre se retrouvent ainsi fiscalement pénalisés, tandis que des hybrides à plus faible cylindrée, souvent positionnés sur des segments d’entrée ou de milieu de gamme, conservent un avantage compétitif.
Une critique fondée, mais intéressée
La critique formulée par Moez Belkhiria n’est pas dénuée de fondement technique. Elle souligne des incohérences réelles entre objectifs environnementaux affichés et outils fiscaux utilisés. Mais elle est aussi portée par un acteur directement concerné, défendant un modèle central de son activité.
La loi n’est ni anti-Toyota, ni conçue pour freiner un véhicule en particulier. Elle est surtout conservatrice, fidèle à des critères anciens dans un marché en mutation.
Au-delà du RAV4, la controverse révèle une question non tranchée : quelle doctrine de mobilité la Tunisie veut-elle réellement adopter ? Réduction de la facture énergétique, baisse des émissions, renouvellement du parc, ou simple maintien de règles faciles à appliquer ?
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