Janvier 2011 : Les audios des derniers appels de Ben Ali publiés par la BBC

Janvier 2011 : Les audios des derniers appels de Ben Ali publiés par la BBC
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Des enregistrements historiques viennent d'être publiés par la BBC à l'occasion du 11ème anniversaire de la "Révolution" tunisienne. Il s'agit d'appels téléphoniques passés par l'ancien président Zine El Abidine Ben Ali, alors qu'il quittait le pays le 14 janvier 2011. "Ces derniers instants montrent dans quelle mesure son autorité s'est effondrée, scellant le sort de ses 23 ans de dictature et déclenchant la vague de soulèvements pro-démocratie du 'printemps arabe' dans la région", indique-t-elle. La BBC a assuré avoir présenté ces enregistrements à des individus qui connaissent les personnes concernées et qui ont estimé que les voix sont authentiques. Cependant certaines des personnes concernées contestent fortement leur véracité, souligne-t-elle. Le média britannique confirme également avoir passé plus d'un an à entreprendre des recherches sur l'authenticité des enregistrements. Ils ont été analysés par un certain nombre d'experts audio-légaux au Royaume-Uni et aux États-Unis qui ont recherché des signes de falsification ou d'édition, ou un traitement "deep fake" qui reproduit artificiellement les voix. Aucune suggestion d'altération ou de manipulation n'a pu être trouvée. "S'ils sont authentiques, ces enregistrements donnent un aperçu incroyable du changement d'humeur de Ben Ali au cours des 48 dernières heures de son régime, alors qu'il commence lentement à saisir le véritable impact des manifestations qui secouent son redoutable État policier.", peut-on lire. Les audios commencent le soir du 13 janvier 2011. Le premier est un appel à un proche confident, supposé être le producteur Tarak Ben Ammar. "Tu as été formidable, c'est le Ben Ali que nous attendions !" dit Tarak Ben Ammar dans l'enregistrement. Ben Ali estime toutefois que son discours manquait de fluidité, mais son confident le rassure. "Pas du tout... C'est un retour historique. Tu es un homme du peuple. Tu parles leur langue", dit son ami. Par la suite, le contenu et le timing des enregistrements indiquent que Ben Ali était à bord de l'avion. On peut l'entendre passer une série d'appels de plus en plus frénétiques à trois personnes, qui seraient son ministre de la Défense, Ridha Grira, le général Rachid Ammar, chef de l'armée et un proche confident, Kamel Letaief. Les enregistrements incluent également un appel, passé dans la matinée du 15 janvier 2011, entre Zine El Abidine Ben Ali et Ridha Grira, ancien ministre de la Défense qui admet que "l'administration ne contrôle pas ce qui se passe dans les rues". Il annonce à son président qu'on parle même d'un coup d'État. Ben Ali dénonce alors une action des "islamistes", avant de parler une fois de plus de son retour au pays. Il commence par interroger son ministre de la Défense, Ridha Grira sur la situation en Tunisie. Ridha Grira lui annonce "qu'un président par intérim est désormais en place en la personne de Mohamed Ghannouchi, ancien Premier ministre". Ben Ali demande à Grira de répéter trois fois cette information, avant de répondre qu'il sera de retour au pays "dans quelques heures". Il appelle ensuite un homme que la BBC considère comme un proche confident, Kamel Letaief. Ben Ali dit à Letaief que le ministre de la Défense l'a rassuré et que la situation est sous contrôle. Letaief corrige cette hypothèse. "Non, non, non. La situation évolue rapidement et l'armée ne suffit pas", lui dit son ami. Ben Ali l'interrompt pour lui demander : "Me conseillez-vous de revenir maintenant ou pas ?" "Les choses ne vont pas bien", répond finalement Letaief. Ben Ali passe alors un coup de fil à celui que l'on croit être le chef de l'armée, le général Rachid Ammar. Ce dernier ne semble pas reconnaître la voix du président au bout du fil. "Je suis le président", lui dit Ben Ali". Ammar le rassure que "tout va bien". Encore une fois, Ben Ali pose la même question posée à Kamel Letaief. Doit-il retourner en Tunisie maintenant ? Ammar lui dit "qu'il vaudrait mieux qu'il attende un peu". "Quand vous pourrez revenir, nous vous le ferons savoir, monsieur le Président", dit Rachid Ammar. Ben Ali appelle alors à nouveau son ministre de la Défense, lui demandant à nouveau s'il doit rentrer, et cette fois Ridha Grira est plus direct, disant à Ben Ali "qu'il ne peut pas garantir sa sécurité" s'il le fait. "Il y a de la colère dans les rues d'une manière que je ne peux pas décrire", dit Ridha Grira qui semble soucieux d'être franc avec le président, ajoutant : "Pour que vous ne disiez que je vous ai induit en erreur. La décision finale revient à vous". Ben Ali essaie de défendre sa réputation. "Qu'ai-je fait à la rue ? Je l'ai servie". "Je suis en train de vous présenter la situation, pas de l’expliquer", répond Grira. Les enregistrements suggèrent comment un autocrate qui a dirigé un État de contrôle répressif et redouté pendant 23 ans a été réduit à la confusion et était à la merci des instructions de ses ministres dans ses derniers instants au pouvoir, conclue la BBC.



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