Cela fait quelques jours que s’est achevée la 74ème édition du Festival de Cannes, qui s’est exceptionnellement déroulée cette année du 6 au 17 juillet 2021 à cause de la pandémie de la Covid 19.
C’était ma 7ème couverture du Festival de Cannes. Mais cette année, tout était différent. Le virus circule, et les organisateurs ont dû mettre en place des procédures nouvelles pour essayer de sauvegarder la santé de tous. Ils y ont réussi. Bravo.
Être à Cannes en 2021 relevait presque du miracle. Jusqu’à la dernière minute, je ne pensais pas pouvoir voyager en France !
Ma première accréditation en 2013 avait aussi été un miracle.
En effet, lorsque j'avais appris que j’avais un badge me permettant de participer au Festival de Cannes en tant que bloggeuse, je n'en croyais pas mes yeux. C’était un vrai miracle. Le Festival de Cannes était un mythe, un rêve inaccessible !
Sur place, cela avait été la découverte. Tout me semblait extraordinaire. J'étais au pays des merveilles!
J'essayais de voir le maximum de films possible mais j’étais aussi à l’affut des stars et diverses célébrités. Tout me semblait étonnant. Les soirées, les fans, les yachts, le plateau Canal+, les boutiques hyper luxueuses, les vitrines des grands bijoutiers, les œuvres d’art exposées sur la Croisette, les gens dans la rue, ceux qui étaient en smoking et robes de soirées dès le matin, ceux qui étaient déguisés, ceux qui tenaient une pancarte demandant un ticket... Bref, je ne savais pas qui et quoi regarder et photographier.
A chaque fois que je le pouvais, je me prenais en photos avec les célébrités. Rien que cette année-là, j’en avais pris avec l’acteur américain Forest Whitaker, le réalisateur danois Thomas Vinterberg (dont le film Drunk en sélection 2020 du festival de Cannes a remporté l’oscar 2021 du meilleur film international), l'actrice iranienne Golshifteh Farahani, le réalisateur marocain Nabil Ayouch (dont le film Haut et Fort était en compétition officielle cette année) et les acteurs palestiniens Adam Bakri, Waleed Zuaiter et Samer Bisharat. J’essayais aussi de prendre en photo toutes les stars que je pouvais, c’est ainsi que j’avais pu photographier Nicole Kidman, le producteur Harvey Weinstein, bien-sûr avant le scandale des agressions sexuelles et le mouvement #MeeToo, Guillaume Canet, Clive Owen, James Caan, Marion Cotillard, Lea Seydoux, Abdellatif Kechiche, Mads Mikkelsen et d’autres encore !
Le Village International était une merveille. J'étais si heureuse d'y trouver un pavillon tunisien et bien sûr, j'avais pris une photo avec notre drapeau.
Quant à la boutique souvenirs, j'aurais voulu tout acheter, mais j'avais dû me contenter de l'affiche officielle et de celles des sections parallèles: La Semaine de la Critique et La Quinzaine des Réalisateurs, que j'avais faites encadrer et accrocher en rentrant à Tunis.
Je n'oublierais jamais ma première montée des marches. C'était pour le très film La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino. Je portais une tenue inspirée du patrimoine traditionnel tunisien, avec un burnous sur les épaules. Je représentais mon pays et j'en étais fière.
J'avais aussi eu la chance de faire la montée des marches de La vie d'Adèle de Abdellatif Kechiche. Le film avait d'ailleurs remporté la Palme d'Or, que le réalisateur avait dédié « aux jeunes de la révolution tunisienne, pour leur aspiration à vivre librement, s’exprimer librement et aimer librement ».
Après la projection, j'avais pu passer quelques moments avec l'acteur palestinien Adam Bakri qui jouait le rôle principal de film Omar de Hany Abu-Assad, en compétition dans la section Un certain regard, où il avait remporté le Prix spécial du Jury, et qui quelques mois plus tard avait aussi gagné le Tanit d'Or aux Journées Cinématographiques de Carthage (JCC) 2013.
Coïncidence, pour ma première année au Festival de Cannes, j’avais assisté à la projection, dans la section Cannes Classics, du premier film tunisien d’après l’indépendance Goha, qui venait d’être restauré. Claudia Cardinale qui y avait joué son premier rôle était présente. C’était très émouvant. Dommage que le bel Omar Sharif qui y tenait le rôle principal n’était pas là aussi !
Ma 2ème année, en 2014, j’avais commencé à "apprivoiser" le festival. J’étais devenue de plus en plus efficace pour jongler avec les horaires des films, et surtout pour essayer de deviner lesquels seraient les plus intéressants. Evidemment, autant que possible, je mettais à profit ma présence à Cannes pour voir les films de pays étrangers lointains, tels que les films indiens, japonais, coréens, sud-américains, suédois, norvégiens, uzbek, iraniens.... Bref, découvrir des cinémas que nous, tunisiens, n'avons pas l'occasion de voir en dehors de ce genre de manifestations. Et j'avoue avoir vu des films sublimes, en particulier ceux de la section Un certain regard que je privilégie toujours par rapport aux autres compétitions.
En 2014, j'avais également eu la chance de participer à la projection du film Le Challat de Tunis de Kaouther Ben Hania, dans le cadre de la section ACID. J'avais pu également assister à la soirée tunisienne donnée à cette occasion. J'étais si fière de ce film tunisien !
Cannes 2014 - Invitation à la soirée donnée à l'occasion de la projection du film "Le Challat de Tunis"
En 2015, pour ma troisième année, j'avais pu avoir une accréditation Presse, cela m'avait octroyé certains privilèges, comme d'avoir accès aux projections réservées à la presse, aux conférences, et d'être dans les files d’attente Presse, qui sont prioritaires, et de pouvoir donc voir plus de films. Cela m'avait aussi donné accès aux espaces réservés à la presse et permis de faire de belles rencontres.
Cette année-là, Tahar Rahim et Nadine Labaki étaient membres du Jury Un Certain Regard, l’occasion pour moi de les croiser souvent et d’échanger avec eux quelques paroles et bien-sûr aussi prendre des photos. J’avais été merveilleusement surprise par la gentillesse et la patience de Tahar Rahim. J’étais (et je suis encore) tellement maladroite avec les selfies, qu’avec le sourire, il avait fini par m'ôter mon téléphone des mains et prendre la photo lui-même ! Mais bien sûr, comme je ne sais jamais où il faut regarder…
Cannes 2015 - Avec l'acteur Tahar Rahim, membre du Jury Un Certain Regard
C’est aussi en 2015 que la ministre française de la Culture et de la Communication, Mme Fleur Pellerin, avait remis à la cinéaste tunisienne, Dorra Bouchoucha, les insignes de Commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres. J’avais assisté à la cérémonie qui avait eu lieu au Palais des Festivals.
Cannes 2015 - Dorra Bouchouhca, décorée par la Ministre française de la Culture et de la Communication, avec des professionnels tunisiens du cinéma.
En 2016, pour ma quatrième année, le film égyptien Clash du réalisateur Mohamed Diab, était en compétition dans la section Un Certain Regard. Bien que je n’eusse pas pu assister à la cérémonie d'ouverture ni voir le film, j'avais quand même ressenti une certaine fierté pour ce film arabe dont tous faisaient l'éloge. Quelle déception lorsqu'il n'avait eu aucun prix ! L’année d’après j’avais pu échanger quelques mots avec Mohamed Diab, membre du Jury Un Certain Regard. J’avais également pu l’interviewer !
Le Festival de Cannes est aussi l’occasion pour les professionnels du cinéma de faire des rencontres, conclure des accords, trouver des financements pour leurs films…
En 2016, alors que je me promenais du coté du Village International, j'avais vu passer une femme dont le visage ne m’était pas inconnu. J’avais fini par reconnaitre la réalisatrice palestinienne Najwa Najjar. Je l’avais abordée tout simplement. Elle était à Cannes justement pour son film en préparation Entre ciel et terre qui fera en 2019 sa première au Festival International du Film du Caire et y recevra le prix du Meilleur scénario. Cette rencontre avait été le début d’une amitié.
Cannes 2016 - Avec la réalisatrice palestinienne Najwa Najjar
En 2017 pour ma cinquième année, des découvertes encore et encore. Comme au fil des années, j’avais connu de plus en plus de professionnels du cinéma, je recevais des newsletters, des invitations pour assister aux tables rondes, conférences de presse, inaugurations, premières.... Et c'est encore un autre aspect du festival de Cannes que le public ne connait pas, mais qui est très intéressant.
Par contre, mon intérêt pour les grandes stars s’était complètement envolé. En 2013, j'avais attendu plus de deux heures pour voir sortir Nicole Kidman et la prendre en photos. Aujourd'hui je n'attendrais même pas quelques secondes.
Mais je patientais encore des heures et des heures dans les files d'attente pour voir les films. Si les premières années je m’ennuyais ferme, en 2015 et 2016, j’avais eu l’idée de télécharger des romans sur mon iPad, et c’est ainsi que sur deux éditions du festival, j'avais dû lire 5 ou 6 livres d'Émile Zola. A partir de 2017, changement de tactique: désormais je profitais de cette attente soit pour écrire mes propres articles, soit pour discuter avec les autres journalistes et critiques du monde entier et avoir leurs avis sur les divers films, soit lire tous les magazines cinéma que je trouvais.
Parfois d’ailleurs, il vaut mieux ne pas rencontrer ces stars et en garder une belle image. En 2017 par exemple, je n’étais pas loin d'une vieille et frêle dame, botoxée, mais dont le visage me semblait familier. En l’observant attentivement, je m’étais aperçue qu'il s'agissait de Faye Dunaway. Où était passée la belle et forte Faye ? Celle qui avait été une magnifique Bonnie dans Bonnie and Clyde (1967) d'Arthur Penn et surtout une éblouissante Évita dans Evita Péron (1981) de Marvin J. Chomsky ou la belle Vicki Anderson dans L'Affaire Thomas Crown (1968). J’aurais préféré ne pas la voir ainsi !
C'était du moins le premier réflexe que j'avais eu. Mais ensuite, le hasard nous réservant bien des surprises…
C’était dans la salle Le soixantième. Pendant toute la durée du film j'avais conscience de la présence de Faye Dunaway, qui était à quelques fauteuils de moi. À la fin de la projection, je m’étais approchée d'elle.
Elle m'avait regardée et avait dit : « No ! » J'avais répondu : « Ok » Elle m'avait encore dit : « What do you want ? » (Que voulez-vous?) J'avais répondu : « A photo please » (Une photo s'il vous plait) Elle avait dit : « No. No photos » J'avais souris et dit : « Ok, I understand ». (Ok, je comprends)
Et là elle avait trébuché et était tombée sur moi. Elle avait besoin d'aide. Elle avait pris mon bras et s’était appuyée sur moi. Je l'avais aidée à quitter la salle.
Elle m’avait regardé et dit avec force : « Thank you !». Et m’avait fait un sourire qui disait : « Tu comprends n'est-ce pas ? Je suis devenue vieille, je suis devenue faible. Je ne veux pas que les gens me voient ainsi ».
Je lui avais fait un grand sourire. Je comprenais en effet. Et j’avais été très heureuse qu’elle m'ait parlée ainsi. Elle avait effacé l'image de la vieille dame et elle était redevenue Faye Dunaway !!!
J'avais tenu la belle Faye Dunaway dans mes bras ! C'était incroyable ! Je n'arrivais pas à réaliser que j'avais tenu dans mes bras cette légende du cinéma ! Pendant toute la soirée j'avais été submergée par cette émotion. Un souvenir que je n’oublierais jamais !
Toujours en 2017, le film tunisien La belle et la meute de Kaouther Ben Hania, était en compétition dans la section Un Certain Regard. Bien qu’elle m’eût donné une invitation pour le soir, je n’avais pas pu attendre et j'avais assisté à la première projection à 14h00, en première mondiale. Mon dieu quelle émotion ! J’en avais les larmes aux yeux ! Le soir, j'avais revu le film une deuxième fois lors de la projection officielle avec montée des marches. Quelle fierté ! Quelle fierté d'avoir un beau film en compétition et de le voir apprécié par de grands cinéastes. Ensuite, soirée tunisienne avec les acteurs, producteurs et quelques invités de prestige.
Cannes 2017 - Avec Ghanem Zrelli et Mariam Al Ferjani, les acteurs principaux du film "La Belle et la Meute"
Cette année-là, c’était également la naissance du Festival d’El Gouna (Egypte), avec une belle soirée de lancement sur le yacht des deux frères Sawiris amarré à Cannes, en présence de l’équipe du festival et de personnalités du monde du cinéma, surtout arabe.
Cannes 2019 - Mon badge Presse bleu!
En 2019, quelle belle surprise en allant chercher mon badge : j'avais avancé d'un grade dans l'ordre des badges en passant du jaune au bleu, ce qui prouvait que le festival appréciait mon travail et j'avoue que cela avait été un bel encouragement. Il faut vous expliquer que les badges du festival de Cannes sont hiérarchisés, tous les journalistes n’étant pas sur le même pied d’égalité.
Grace à ce nouveau badge, je perdais beaucoup moins de temps dans les files d’attente, et je pouvais donc regarder plus de films et participer à plus d’activités.
De l’édition 2019, je garde le souvenir des longues ovations pour les deux films, Papicha de l’algérienne Mounia Meddour et Adam de la marocaine Maryam Touzani, en compétition dans la section Un Certain Regard. Surtout pour Papicha, que j’avais vu en compagnie de la productrice Dorra Bouchoucha et à l’issu duquel nous avions dû pleurer pendant une vingtaine de minutes !!!
Je garde aussi le souvenir d'une déception: alors que j’étais dans le Palais du festival, je m’étais retrouvée nez à nez avec Pedro Almodovar et Antonio Banderas, à Cannes avec le film Douleur et gloire. Or le vrai Antonio Banderas n'est pas aussi bel homme qu'à l'écran et surtout il n’est pas grand de taille !
Lors de cette même édition, quels fous rires aussi avec les réalisateurs égyptiens Amir Ramses et Hisham Abdelkalek et l'actrice Boshra Ahmed, surtout après la cérémonie de la remise des prix des Arab Critics Awards, alors que nous rentrions à pieds sous la pluie!
Cannes 2019 - Fou rire sous la pluie, avec l'actrice égyptienne Boshra Ahmed
Malheureusement en 2020, la pandémie de la Covid nous avait privé de la 73ème édition, et également de voir Souad, réalisé par l’égyptienne Ayten Amine, et coproduit par Nomadis Images (Tunisie) et qui avait bénéficié du label « Sélection officielle Cannes 2020 ».
Cannes 2020 - Affiche du film Souad, arborant le loge Sélection Officielle 2020
Mais quel bonheur en 2021 de retourner sur la Croisette. Tous les festivaliers étaient heureux de retrouver le chemin des salles de cinéma. En fait de reprendre une vie normale.
Bien qu’à cause des restrictions de voyage, plusieurs de mes amis, aussi bien journalistes que professionnels du cinéma, n’avaient hélas pas pu assister à cette édition, et qu’il n’y a pas eu les rencontres habituelles, les longues discussions à propos de films, les pronostics des uns et des autres, j’ai quand même profité au maximum. J’ai pu voir 39 films au total, donc certains étaient très très beaux. Comme par exemple Un héros de Asghar Farhadi, dont la projection avait été suivie par une longue ovation et qui aurait mérité de remporter la Palme d’Or. J’ai également pu voir le film Une histoire d’amour et de désir réalisé par Leyla Bouzid que j’ai eu le très grand plaisir d’interviewer.
Cela fait une dizaine de jours que cette édition 2021 s’est achevée, mais j’ai encore plein d’étoiles dans les yeux. Cannes et moi, c’est une histoire d’amour, et l’occasion chaque année de faire le plein de films, de rêves et d’émotions. Cannes et moi, c’est aussi de très beaux souvenirs, de très belles rencontres, des amitiés qui se sont créées et surtout des films inoubliables.
Neïla Driss
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