Cannes 2021 - Immersion dans "Un monde" parfois cruel des enfants

Cannes 2021 - Immersion dans "Un monde" parfois cruel des enfants
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Cannes 2021

Un monde, réalisé par la belge Laura Wandel, avec dans les principaux rôles les jeunes comédiens Maya Vanderbeque et Gunter Duret, est un des films les plus touchants de la section Un certain regard de cette 74ème édition du festival de Cannes, qui s’est tenue exceptionnellement du 6 au 17 Juillet 2021.

« Cette sélection dans un Certain Regard, c’est juste incroyable, je suis évidemment hyper heureuse que le film puisse avoir une telle visibilité. Un Certain Regard pour moi représente en fait la mise en avant de points de vue forts et de partis pris de mise en scène. Je suis très heureuse que mon premier long métrage fasse partie de cette section et surtout lors de cette édition. Cela va être un festival de Cannes particulier, premier grand évènement culturel après la « crise » et cela est extraordinaire que le festival puisse avoir lieu et que les gens puissent retourner enfin en salles » a déclaré la réalisatrice.

Ce qui est étonnant est qu’Un monde, très bien réalisé et très émouvant, n’a remporté aucun des prix octroyés par le jury de cette section, mais il vient heureusement d’obtenir le prix FIPRESCI de la critique internationale parce que « Le film explore la frontière ténue qu’il y a entre amour et violence dans les relations entre enfants dans la cour de récréation de leur école », a justifié le jury. « Cette frontière a été filmée de façon réaliste, brute et sans compromis. La tension entre subtilité et évidence est maintenue du début à la fin. Le magnifique premier film de Laura Wandel est à la fois déstabilisant et profondément empli de compassion ».

Cannes 2021 Un monde Cannes 2021 - Laura Wandel, réalisatrice du film "Un monde"

Initialement sélectionnée pour l’édition 2020, annulée en raison de la pandémie, la réalisatrice a choisi de retarder la sortie de son premier long métrage d’un an pour le proposer en première mondiale cette année au festival de Cannes.  « Je suis très émue d’être ici et de pouvoir enfin montrer ce film en salle (…) Le cinéma m’a énormément manqué », a souligné Laura Wandel sur scène, entourée des acteurs du film. Avec Un monde, la cinéaste, ancienne étudiante de l’Institut des arts de diffusion (IAD) retrouve le chemin de la Croisette, sept ans après la sélection de son court métrage Les Corps étrangers, présenté en compétition en 2014.

Synopsis Nora entre en primaire lorsqu’elle est confrontée au harcèlement dont son grand frère Abel est victime. Tiraillée entre son père qui l’incite à réagir, son besoin de s’intégrer et son frère qui lui demande de garder le silence, Nora se trouve prise dans un terrible conflit de loyauté. Une plongée immersive, à hauteur d’enfant, dans le monde de l’école…

Cannes 2021 Un monde
Cannes 2021 - Maya Vanderbeque et Gunter Duret, les acteurs principaux du film « Un monde », réalisé par Laura Wandel

 

Un monde est réellement un des meilleurs films de cette 74ème édition du festival pour essentiellement deux raisons.

D’abord pour son sujet très important : le harcèlement dans une école primaire, qu’on ne quitte d’ailleurs jamais pendant tout le film. Or il est rare au cinéma qu’on parle des écoles primaires. Généralement lorsqu’on aborde le thème du harcèlement, cela se passe dans les collèges et lycées, entre adolescents. On ne s’imagine pas que des enfants, si jeunes, puissent être aussi violents, ni que le harcèlement puisse être si grave, et ressenti aussi violemment aussi bien sur le plan physique que moral.

Ensuite parce qu’Un monde est tourné à hauteur d’enfant tout le temps. La caméra est toujours à la hauteur de Nora, ne filme et ne voit que le monde de Nora, à travers ses yeux de petite fille, qui assiste, impuissante, au harcèlement de son frère Abel et qui essaye de lui venir en aide, tout en aspirant à trouver sa propre place parmi les autres élèves. On entre à l’école avec elle, on traverse la cour de récréation avec elle, on est en classe avec elle, on déjeune à la cantine avec elle, au point de devenir elle, de comprendre ses pensées, ses souffrances et ses dilemmes. Les adultes (enseignants, surveillants, parents…) ne sont que des silhouettes floues qu’on ne distingue clairement que lorsqu’ils se mettent eux-mêmes à la hauteur des enfants, par exemple pour leur parler, pour les soigner, les consoler…

Le spectateur est immergé dans ce monde de l’enfant à l’école. La découverte est déconcertante. En passant à l’âge adulte, on oublie cet univers de l’enfant, qui peut être très cruel parfois, et dans lequel on trouve également la méchanceté, le racisme, les préjugés, l’exclusion, l’oppression, le harcèlement…. Et c’est à l’enfant d’apprendre à se débrouiller, à se défendre, et même parfois essayer de trouver de l’aide, une écoute, une amitié…

Apprendre la vie est une vraie souffrance parfois. Et souvent les adultes n’aident pas, en étant absents, en ne comprenant pas, et même en n’accordant pas assez d’importance à ce qu’ils considèrent des gamineries, des enfantillages ou même des caprices.

Le propos est poignant et le choix de réalisation réfléchi. Les acteurs sont excellents, très bien dirigés. La réalisatrice a très bien su les encadrer.

Cannes 2021 Un monde
Cannes 2021 – Maya Vanderbeque dans le rôle de Nora, dans le film « Un monde » de Laura Wandel

« J’ai voulu raconter les premiers moments d’une enfant, dans le milieu de l’école, en dehors de la famille. J’ai vraiment voulu montrer la force et la résilience des enfants, d’une enfant en particulier, Nora, et comment elle va se comporter pour trouver sa place dans ce nouveau monde » a déclaré la réalisatrice. « J’ai fait ce film parce qu’il est nécessaire pour moi. J’ai l’impression que l’école est le premier moment où on apprend la vie sociale, où on doit se battre pour trouver sa place. J’aimerais arriver à ce que le spectateur retrouve sa peau d’enfant, qu’il soit Nora ».

C’est dans ce but que pendant des mois, pour la préparation de son film, Laura Wandel est allée dans la cour de récréation d’une école, quelle y a observé ce qu’il s’y passait. Elle a parlé avec des enfants, les a attentivement écoutés et essayé de confronter ses propres souvenirs à leurs expériences. Elle a également rencontré des pédopsychiatres et parlé avec des enfants harcelés. C’est peut-être aussi ce travail minutieux qui lui a permis de donner ce ton si juste à son film.

Neïla Driss

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