"Qu’avons-nous fait de la démocratie ?"

"Qu’avons-nous fait  de la démocratie ?"
Tunis-Hebdo
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A l’heure où un vent putschiste rétrograde ballote le monde dit arabe, la question lancinante qui n’a cessé, depuis huit ans, de nous tarauder l’esprit est : «Qu’avons-nous fait de la démocratie ?». Tous les indicateurs augurent d’une banqueroute imminente et d’une débâcle totale qui emportera dans son sillage quasiment tout. Du social au culturel en passant par ce qui, jusque-là, faisait la spécificité de ce pays, notamment les valeurs qui l’ont hissé au rang de nations respectables, et que, désormais, plus personne ne respecte. Tout fout le camp. Tout a foutu le camp depuis que le régime de Ben Ali, digne héritier d’une tradition autocratique, est tombé à la faveur d’un sombre coup d’Etat savamment enveloppé de soulèvement populaire. Huit ans après le fatidique 14 janvier 2011, le pouvoir d’achat des Tunisiens a chuté de 88%, le déficit de la balance commerciale a atteint, tenez-vous bien, 15592 millions de dinars, l’inflation est au seuil astronomique de 7,3% et, pour couronner le tout, l’euro se négocie à 3,5 dinars. Ces chiffres sont on ne peut plus officiels et fort révélateurs quant à ce qui attend ce pays, loin des discours enjôleurs et fourbes du gouvernement. Nous allons d’un pas sûr vers le chaos accompagné par la fanfare de nos dirigeants, de la magistrature suprême au plus petit secrétaire d’Etat qui cherche une Rolex à se mettre sous la dent. « Qu’avons-nous fait de la démocratie ? ». Aujourd’hui, dit-on, le Tunisien peut dire tout haut « Merde » à ceux qui le gouvernent. Dans la rue, à la télé ou sur les réseaux sociaux. Il peut le dire sans peur ni reproche. Et ceux qui le gouvernent ont compris que tant qu’ils le laissent aboyer, leur caravane peut passer sans fard. Ils le destituent, en chemin, de ses acquis, de sa dignité, l’affament. Il peut brailler comme il veut. Les Tunisiens appellent ça la liberté d’expression, et considèrent que c’est l’unique chose qu’ils ont pu obtenir de leur prétendu soulèvement. Ceux qui ont le sort du pays en main ont compris que cette illusion de liberté est le prix à payer pour dépouiller ce pays de tout et s’enrichir aux dépens des pauvres quidams qui ont cru en des lendemains meilleurs. Et encore, cette liberté d’expression est, actuellement, plus que jamais menacée, nous assistons chaque jour, à un retour, certes, encore timide des bonnes vieilles méthodes de Ben Ali. Des gens sont jetés en prison, par pures représailles, sans motif apparent, comme au bon vieux temps du déchu. Moralité : dans peu de temps, le résultat sera des plus cataclysmiques, les Tunisiens seront affamés, quasi-ignorants et à la traîne de toutes les autres nations. De quoi faire regretter, à tous les pauvres bougres que nous sommes, la dictature instaurée par l’artisan du 7-Novembre. Ironie du sort, et pour vous montrer que nous n’avons rien fichu de la démocratie, les prochaines élections verront des taux d’abstentions supérieurs à ceux des temps ou Zaba se faisait élire à 99,9%.

Imed BEN HAMIDA Tunis-Hebdo du 15/04/2019




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