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Au lieu de vendre à la France un costume à 38 euros, on le vend à 13 euros !»
Lors du Congrès annuel de la Fédération tunisienne du textile et de l’habillement (FTTH) qui s’est tenu du 27 janvier au 1er février 2019 à Sousse, le chef du Gouvernement, Youssef Chahed, est revenu sur la nécessité de réformer le secteur du textile afin qu’il puisse générer quatre milliards d’euros d’exportation à l’horizon 2023.
Nos politiques sont passés maîtres dans l’art d’embobiner les gens en avançant les recettes astronomiques que la Tunisie fera, d’ici quelque temps, dans tel ou tel secteur. On a prêté au secteur «textile et habillement» qu’il exportera pour 4 milliards d’euros (13, 3 milliards de dinars) d’ici quatre ans. Nul besoin d’avoir une licence en économie pour savoir qu’il est inutile d’évoquer la valeur des exportations sans mentionner celle des importations. Car à quoi bon vendre pour quatre milliards, si l’on achète pour cinq ? Passons au crible l’historique chiffré de ce secteur... En perdition depuis la révolution, le secteur du textile et de l’habillement tente, un tant soit peu, de s’en sortir, malgré la concurrence déloyale du marché turc, les ravages du chômage et la mauvaise gestion du ministère de tutelle. D’après les chiffres de l’Institut national de la statistique (INS), la balance commerciale des produits «textile et habillement» est, certes, excédentaire depuis 2013, mais elle ne fait que diminuer d’année en année. En 2013, nous avons exporté pour 6227,2 millions de dinars (MD) et importé pour 4473,4 MD, soit un taux de couverture de 139%. Ce taux n’a pas cessé de diminuer au cours de ces dernières années pour atteindre 134% en 2014, 129% en 2015, 126% en 2016 et 123% en 2017. A ce rythme, les importations du secteur «textile et habillement» excèderont les exportations d’ici 2025. Hosni Boufaden, président de la Fédération tunisienne du textile et de l’habillement (FTTH), a bien voulu nous expliquer les tenants et les aboutissants de ce congrès et nous éclairer sur la situation actuelle du secteur : «L’objectif des 4 milliards d’euros d’exportations n’est pas une simple estimation des recettes en terme de quantité, mais une remise en question du secteur afin de récupérer ce manque à gagner qui nous échappe depuis tant d’années. Cela s’inscrit dans le cadre d’un pacte sectoriel et de la mise en place d’une série de mesures que la Fédération a présentée à M. Chahed lors de ce congrès». M. Boufaden nous a, par la suite, donné un aperçu de la situation actuelle : «En 2018, nous avons exporté pour 2,36 milliards d’euros pour un taux de couverture de 126%, ce qui est assez faible. L’ennui c’est que nous ne faisons que de la sous-traitance en Tunisie. Par sous-traitance j’entends la couture, qui est l’étape finale de la conception du vêtement. Or, cette sous-traitance ne représente que 30% du coût global du produit. Le fait d’importer de Turquie les matières premières nécessaires à la fabrication de nos articles nous fait perdre plus de 70% de notre chiffre d’affaires. Au lieu de vendre à la France un costume à 38 euros, on est obligé de le vendre au prix du travail à façon, soit 13 euros !» Le président de la FTTH a conclu par une petite note d’optimisme : «Il est grand temps d’envisager la création d’une industrie en amont de la filière de sous-traitance pour nous libérer de ces importations onéreuses. Dans cette optique, dix projets de développement de tissus ont été présentés au Premier ministre afin d’augmenter notre chiffre d’affaires de plus de 2 milliards d’euros d’ici 2023.»Mohamed Habib LADJIMI Tunis-Hebdo du 04/02/2019