Ambiance tendue, atmosphère étouffante : Quel scénario pour la Tunisie en janvier ?

Ambiance tendue, atmosphère étouffante : Quel scénario pour la Tunisie en janvier ?
National
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Loin d’un discours alarmant, nous le sentons et constatons au quotidien, une ambiance très tendue plane aujourd’hui sur la Tunisie. Violence, protestations, descendre dans la rue, nouvelle révolte et même guerre civile… ce sont les maître-mots, que nous avons tous entendus dans le paysage médiatique et politique, ces derniers temps.
Et si on sait que le mois de janvier en Tunisie, a toujours été lié à des protestations et à des troubles populaires, le pessimisme quant à un scénario « noir » pourrait perdurer chez les Tunisiens, d’autant plus que la crise politique, sociale et économique ne cesse de s’aggraver. Tout a commencé, avec la rupture politique annoncée entre Nidaa Tounes et Ennahdha, mais aussi le conflit qui oppose le palais de la Kasbah à celui de Carthage. Depuis, des bouleversements politiques ont eu lieu, à commencer par la fusion entre Nidaa et l’Union patriotique Libre de Slim Riahi. Ce dernier, qui a, de son plein gré ou pas, évoqué un coup d’Etat visant Caid Essebsi, qui serait planifié par Chahed. Dans cette nouvelle ère politique en Tunisie qui est, nous le sentons, marquée par une tension sans équivoque rappelant l’année 2014 quand la Tunisie était au bord du gouffre, toutes les armes sont légitimes. Accusations politiques, alliance contre-nature, orchestration du pouvoir législatif (inutile de rappeler ce qui s’est passé lors de l’adoption de la loi de Finances 2019 ou le rejet de la loi portant sur l’augmentation de l’âge de la retraite…), tout est permis à quelques mois des élections de 2019.
Dossier Belaid-Brahmi
C’est notamment le dossier des deux martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi qui pèse dans ce nouveau paysage politique, médiatique et même sécuritaire puisqu’on ne cesse d’évoquer un appareil sécuritaire parallèle en connivence avec un parti politique au pouvoir. En effet, le dossier a brusquement surgi avec les révélations du comité de défense des deux martyrs qui ont directement accusé Ennahdha d’avoir un appareil sécuritaire parallèle impliqué dans ces assassinats politiques, et même dans une éventuelle tentative d’assassinat du président de la République, Beji Caid Essebsi. Ce dernier, qui semble avoir saisi une occasion en or pour faire pression sur son ancien allié, Ennahdha, a pour la première fois, depuis son élection, pris les choses au sérieux et a tenu un conseil de sécurité nationale pour en discuter. Alors s’agit-il d’une simple manœuvre politique, ou d’une concrétisation de promesse électorale, car, rappelons-le, Caid Essebsi avait promis de révéler les assassins des deux martyrs ?
Retour sur scène du terrorisme
Pendant ce temps-là, les groupes terroristes semblent être en train de « gagner des points », à travers deux opérations terroristes, l’une en plein cœur de Tunis, et l’autre à Kasserine, digne d’un film hollywoodien. En effet, vendredi dernier, un groupe de 12 terroristes est parvenu à s’infiltrer dans la ville de Sbiba à Kasserine, pour y rester plus de 40 minutes, suffisantes pour dérober 320 mille dinars, et tuer le martyr Khaled Ghozlani devant sa famille, dans une opération spectaculaire.
Tension sociale inquiétante
On le constate au quotidien, les Tunisiens sont devenus de plus en plus inquiet face à la flambée des prix, la baisse du dinar et les problèmes économiques du pays, en tout cas, ils ne parviennent pas à voir le bout du tunnel. A ceci s’ajoute, la crise de l’enseignement secondaire, dont les premières victimes sont, sans doute, les élèves et leurs parents, voilà que les vacances hivernales ont commencé, et aucun examen n’a eu lieu. L’UGTT qui a exprimé son insatisfaction par rapport à la loi de finances, met en garde contre un mois de janvier très chaud. D’ailleurs, rappelons-le, une grève générale dans tout le secteur public a été maintenue pour le 17 janvier prochain, vu que les négociations avec le gouvernement sont au point mort. [pull_quote_center]« La situation sociale dans le pays est extrêmement dangereuse » a mis en garde, dimanche, le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), Noureddine Tabboubi.[/pull_quote_center] Tabboubi a appelé les différentes parties à assumer leur responsabilité, et à parvenir à un accord dans la fonction publique, soulignant l’importance de prendre en considération l’intérêt général du pays, sa stabilité et sa souveraineté. Dans un communiqué rendu public, mardi 11 décembre 2018, le Front Populaire a appelé les Tunisiens à se « mobiliser » pour défendre les intérêts de la nation. « Nous appelons les Tunisiens à se mobiliser pour défendre leurs droits et préserver le pays contre les partis lobbyistes, les intermédiaires, les appareils secrets et l’économie parallèle » pouvons-nous lire dans le communiqué. A cet égard le FP appelle ses adhérents et sympathisants à descendre dans la rue, pour rejoindre toutes les catégories du peuple tunisien. Pour le FP, la Tunisie connait des moments très difficiles en raison des choix politiques de ce gouvernement dont notamment l’adoption de la loi de finances 2019, qui sert les intérêts des lobbies.
Les Gilets Rouges, plus qu’un simple mouvement spontané ?
Alors que le pays ne parvient toujours pas à se stabiliser à la lumière de la crise politique actuelle, un mouvement qui se dit spontané et influencé par celui des Gilets Jaune en France a brusquement surgi et est parvenu à s’imposer sur nos écrans et nos radios. Leurs revendications sont, certes, légitimes puisqu’ils appellent notamment à la baisse des prix, et au renforcement du pouvoir d’achat des Tunisiens, mais on ne sait rien sur leurs moyens de financement, ni leur appui politique. Ces Gilets Rouges appellent en effet à des protestations dans tout le territoire tunisien et même à un sit-in à la Kasbah, promettant un caractère pacifique, loin de la violence. Mais pour le secrétaire-général de Machrouu Tounes, ce mouvement est plus qu’un simple mouvement spontané. A cet effet, Mohsen Marzouk, a mis en garde hier dimanche 9 décembre contre la gravité des manœuvres orchestrées par certaines parties pour entraîner la Tunisie dans une spirale de chaos et de violence. « Connues par tous ces parties appellent les Tunisiens à descendre dans la rue », a-t-il regretté mettant en garde contre la campagne « Gilets Rouges » lancée récemment par des jeunes tunisiens.
Entre déclarations alarmantes et prédictions effrayantes
Plusieurs acteurs de la scène politique et médiatique tunisienne prévoient des scénarios sombres pour la Tunisie, et entre déclarations alarmantes et prédictions effrayantes, les Tunisiens semblent perplexes et parfois pessimiste quant à l’avenir de leur pays. A commencer par la veuve du martyr Belaid, Basma Belaid qui évoque même des craintes du déclenchement d’une guerre civile en Tunisie, vu la tension sociale. L’ancien ministre des Domaines de l'État, Hatem El Euchi, a aussi son mot à dire. Pour lui un événement sécuritaire majeur aura lieu en janvier prochain. « Je discute avec des politiciens et je fouille dans les coulisses, pour dire qu’un événement majeur et dangereux aura lieu en janvier prochain, j’en suis sûr, et j’appelle les forces sécuritaires à la vigilance », a-t-il mystérieusement posté, il y a trois jours sur son compte Facebook. L'universitaire et spécialiste en droit constitutionnel, Jawhar Ben Mbarak a, quant à lui, mis en garde contre des événements dangereux en janvier 2019, qui commencent par de simples mouvements protestataires et qui pourraient finir par un chaos total dans le pays, pour faire avorter le modèle démocratique tunisien. En tout état de cause, si le paysage et l'ambiance qui prévalent actuellement sur le pays sont, le moins qu'on puisse dire, inquiétants, le peuple tunisien, principal acteur dans ces circonstances, n'a pas dit encore son mot et pourrait à tout moment faire avorter tout projet visant l'intégrité de la Tunisie.



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