Du mariage impossible des contraires !

Du mariage impossible des contraires !
Tunis-Hebdo
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Depuis leur fameux projet de constitution salafiste de juin 2013 et le sursaut salutaire de la société civile et des partis démocratiques, les Islamistes d’Ennahdha tentent, désespérément, de convaincre l’opinion publique nationale et internationale de leurs « nouvelles » convictions en un Etat civil et en une république démocratique et laïque. Leur leader Ghannouchi n’a pas manqué la grande possibilité de renoncer au nom d’Ennahdha à connotation religieuse au profit d’une autre appellation plus acceptable. Mais il n’en fut rien ! Par ailleurs, aurait-il pu le faire, sans risque de provoquer, irrémédiablement, une scission dans sa propre formation religieuse ? Ils ont exploité leur congrès de mai 2016 pour proclamer pompeusement leur nouvelle orientation qui consiste en la séparation de leurs activités politiques de leurs activités de prédication. Ils laissaient croire qu’Ennahdha était sur la voie d’une forme de mutation de ses fondements idéologiques qui le transformerait graduellement vers celle des partis chrétiens démocrates occidentaux. La parution du rapport de la COLIBE et le débat sur l’égalité en matière d’héritage les a fait sortir, en quelque sorte, de leur tanière en les obligeant à clamer une position claire sur le sujet et sur les libertés individuelles d’une manière générale. Le communiqué de leur Conseil de la Choura, qui fonctionne comme un véritable parlement parallèle, surtout sous le règne de la Troïka, vient d’exprimer la position officielle du parti islamiste sur plusieurs questions. Sur ce plan, nous allons nous intéresser à deux aspects qui démontrent la volonté de domination des Islamistes. Ceux-ci entendent que tout soit soumis à leur volonté, du moins à leur accord ! Le premier de ces aspects est, bien sûr, leur refus de l’égalité dans l’héritage en se fondant sur le caractère clair du texte coranique et l’impossibilité de le contredire ou, même, de l’interpréter de manière autre que littérale. Ils justifient cela par le fait que « cette égalité successorale est contraire aux commandements de la foi, de la Constitution et au code du statut personnel ». En face de ce refus catégorique et sans aucune ambiguïté, ils affirment, en même temps, que « leur mouvement s’engage à promouvoir les droits des femmes et à améliorer leur statut dans les textes et sur le terrain réel » ! Autrement dit, les Islamistes sont favorables au développement des « droits de la femme » mais sans que cela ne puisse aller jusqu’à l’égalité prônée et consacrée par la Constitution. Une constitution qu’ils interprètent et veulent soumettre aujourd’hui, comme ils l’ont proclamé en 2013, à la suprématie des textes religieux ! Quant au second aspect, il se rapporte à la stabilité du gouvernement. D’un côté, ils parlent « du besoin du pays d’avoir un gouvernement stable voué à la concrétisation des réformes, au relèvement des défis et à la préparation du pays aux élections de 2019 » ; et en même temps, ils précisent que « ses membres (du gouvernement) ne doivent pas être concernés par la candidature, car il y va de la réussite de leur mission ». Autrement dit, d’un côté, on veut faire croire à la suprématie de l’intérêt du pays dans la détermination de leurs positions en prônant la stabilité gouvernementale, alors qu’en réalité, ils ne laissent aucun choix aux membres du gouvernement, surtout à Youssef Chahed. Sinon de démissionner s’il ambitionne, réellement, présenter sa candidature aux prochaines échéances électorales. Ce qui signifie que l’on prône d’un côté la stabilité et de l’autre, on opte pour son contraire ! Il faudrait croire aussi qu’ils ont probablement, dans l’ombre et en coulisses, donné un ultimatum au Chef du gouvernement pour se prononcer ouvertement… Rien que ces deux aspects démontrent le double langage des Islamistes d’Ennahdha qui continuent, ainsi, à vouloir entretenir l’ambigüité quant à leur discours et à leurs positions. Leur succès relatif aux dernières élections municipales semble relancer leur discours arrogant (souvenez-vous du 0,..) et reprendre leur véritable visage. Ennahdha est un parti religieux et ne pourrait jamais s’en écarter. Croire le contraire serait d’une désarmante naïveté !

Lotfi LARGUET Tunis-Hebdo du 03/09/2018




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