Le compromis entre les deux cheikhs est-il encore viable ?!

Le compromis entre les deux cheikhs est-il encore viable ?!
Tunis-Hebdo
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Cinq années se sont écoulées depuis la fameuse, et fort inattendue, rencontre de Paris entre les deux Cheikhs, celui des « Modernistes », Béji Caied Essebsi, et celui des Islamistes, Rached Ghannouchi où ils ont scellé le « compromis historique » à la Tunisienne ! Aujourd’hui, le leader islamiste s’en prévaut comme un choix stratégique qui aurait épargné au pays des affrontements sanglants de nature à mettre en péril, voire à faire avorter la « révolution », et a permis à « l’exception tunisienne » de triompher, tranchant ainsi avec ce qui s’est produit dans les autres pays arabes. Il considère ce compromis comme une expérience réussie laissant croire, là-aussi, que les Islamistes privilégient l’intérêt de la Tunisie au détriment de leur parti ! Et il appelle à sa poursuite, estimant qu’il s’agit du cadre le plus propice pour gérer les conflits de quelque nature qu’ils soient (voir Achourouk du 17 août). Mais, l’histoire a la peau dure. Il convient de rappeler à Rached Ghannouchi les circonstances historiques qui avaient entouré cette rencontre parisienne. Sur ce plan, et contrairement à ce qu’il affirme, elle était devenue une obligation politique pour les Nahdhaouis à l’époque où le contexte promettait des changements qui leur étaient totalement défavorables. En effet, et après les assassinats politiques qui sont venus secouer le pays, et dont on attend d’en toujours connaître les tenants et les aboutissants, ainsi que le projet de constitution de juin 2013 qui mettait en place un Etat islamique en Tunisie, notre pays a connu un sursaut populaire sans précédent avec le «sit in» du départ (Errahil). Cet événement avait précipité, et exigé, la destitution du gouvernement de la Troïka, en vérité le gouvernement islamiste, donnant le coup d’envoi, ainsi, au dialogue national. Le vent aussi a tourné contre Rached Ghannouchi et les Islamistes à cause du contexte international. Il y a d’abord les événements en Egypte avec les manifestations millionnaires contre le pouvoir islamiste, puis l’arrivée de général Sissi au sommet de l’Etat. Il y a, ensuite, le changement de position de l’Occident vis-à-vis de l’Islam politique, désormais considéré comme proche, voire assimilé aux mouvements terroristes. Il y a, enfin, le revirement saoudien et émirati exprimant ouvertement une hostilité au mouvement «frériste». En fait, le compromis historique a surtout permis aux islamistes tunisiens de se préserver d’éventuels retours de manivelle qui auraient pu leur être politiquement fatal et les auraient définitivement emporté. Tout ça pour dire que si ce compromis continue d’être encensé par Rached Ghannouchi, c’est parce qu’il permet aux Islamistes de s’emparer graduellement, des institutions de l’Etat et de son administration de manière pacifique tout en continuant à apparaître aux yeux de l’Occident comme un mouvement modéré et démocratique, et obtenir grâce à ses yeux ! Mais, ce compromis, protecteur pour Rached Ghannouchi et les siens, s’est avéré un élément de blocage pour l’ensemble du pays qui connaît une véritable paralysie et cela à tous les niveaux. La situation économique, et malgré les affirmations du gouvernement, semble être catastrophique et le dernier trimestre de l’année s’annonce délicat. La gestion des affaires de l’Etat connaît, de son côté, des ratés monstrueux et un populisme corruptible (la dernière annonce du versement des pensions de retraite et son échec), alors que les institutions sensées achever le processus de mise en place du nouvel Etat tunisien sont en panne (l’ISIE, la Cour Constitutionnelle, etc.). Autrement dit, le compromis a montré ses limites et se placer aux rangs de l’opposition ne signifie nullement un affrontement entre deux camps. Dès lors que l’on est aux antipodes les uns des autres sur le modèle de société (le rapport de la COLIBE l’indique), il devient inutile de le poursuivre puisqu’il est voué à l’échec…

Lotfi LARGUET Tunis-Hebdo du 27-08-2018




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