Moncef Bey, le bey martyr

Moncef Bey, le bey martyr
Tunis-Hebdo
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Contrairement à d’autres beys à qui peu d’ouvrages ont été consacrés, l’on a beaucoup écrit sur Moncef Bey. Citons quelques titres : « Le Livre blanc » écrit par Abed Bouhafa et Mohamed Badra, en 1946, et publié par le comité de défense de Moncef Bey, « La Tragédie d’un trône », de Mohieddine Klibi, du Vieux Destour, publié au Caire, fin 1948, « Espoir et déceptions en Tunisie » (1942-1943) de Sadok Zmerli, ami personnel et directeur du protocole de Moncef Bey, publié en français dans les années soixante-dix et traduit en arabe par Hamadi Sahli, « Moncef Bey » par Saïd Mestiri publié en 2 tomes, en 1998, puis en un seul volume, en mars 2008, et « Moncef Bey, le Roi martyr » d’Omar Khlifi,publié en 1994, etc… Moncef Bey est l’un des meilleurs souverains qu’ait connus la Tunisie. Il est le 18ème souverain (l’avant-dernier) de la dynastie husseïnite et son règne n’a duré qu’onze mois (du 19 juin 1942 au 15 mai 1943). Fils aîné de Mohamed En-Naceur, qui a régné sur notre pays du 11 mai 1906 au 8 juillet 1922, il est né le 4 mars 1881. Dans l’ordre de succession à son prédécesseur, il était en 4ème position. Dieu a voulu que les trois beys du camp qui devaient hériter du trône avant lui meurent du vivant du bey régnant pour que Moncef Bey monte sur le trône à la mort d’Ahmed Bey II. En montant sur le trône, il fit le serment solennel sur le Coran de servir la Tunisie avec une loyauté constante. Il était, fermement, décidé à gouverner par lui-même et, non plus à simplement régner comme ses prédécesseurs et, pour ce faire, à œuvrer sans cesse pour la restauration de l’autorité beylicale. A cet effet, il réalise progressivement un plan se décomposant comme suit : Restaurer le prestige de la dynastie et lui inféoder les institutions et administrations strictement tunisiennes. Gagner la sympathie voire l’attachement aveugle des masses, en faisant cesser les abus pour faire régner la justice. Faire primer, en définitive, la souveraineté du Bey sur celle des autorités françaises. Aussi, plusieurs heurts se produisirent entre lui et le Résident général de France à Tunis, l’Amiral Jean-Pierre Esteva. La première crise a lieu le 8 septembre 1942. Un contrôleur civil du Cap Bon a interdit la venue à Tunis de délégations auprès du Bey. Celui-ci, informé, réagit en menaçant de démissionner. Toujours en septembre, il affirme son autorité sur la Cour beylicale et les Caïds. En s’adressant à ces derniers, il leur précise : « Vous êtes mes seuls représentants dans le pays. Je n’ignore pas que dans votre tâche, vous n’avez pas les mains libres, par suite de l’action des contrôleurs civils. Cependant, n’oubliez pas que vous êtes mes représentants et que je suis le Roi. Quant aux contrôleurs civils, ils sont aux ordres de la Résidence générale. Si l’un d’eux vous gêne, n’hésitez pas à venir me trouver. Mais la crise la plus grave survint le 12 octobre 1942, deuxième jour de l’Aïd Esseghir. Le Bey devait recevoir, ce jour-là, les vœux du Résident général, du corps diplomatique, de la colonie française et des corps constitués de la Régence. Or, Moncef Bey fut frappé par le fait que parmi les hauts fonctionnaires des différentes directions (de la Sécurité nationale, de l’Instruction publique et des Beaux-Arts) etc.. et de la délégation du Tribunal mixte, il n’y avait aucun Tunisien. Il fit alors un véritable scandale. Le Résident général eut le culot de répondre : « Monseigneur, ces Messieurs ont tous assuré leurs charges avec honneur et loyauté. Si l’un d’eux avait failli, je n’aurais pas hésité à le remplacer. Je maintiens qu’ils ont mérité ma confiance et la vôtre » et d’un geste péremptoire : « Ils y sont, ils y resteront ! ». Outre ces crises très graves, Moncef Bey prendra plusieurs initiatives sans même consulter le Résident général. La plus importante de ces initiatives, à mon avis, est la constitution du Ministère Chenik. Le 1er janvier 1943, en effet, au cours d’une cérémonie spéciale du Sceau, ce Bey pas comme les autres crée la surprise en prenant cette décision unilatéralement sans l’assentiment de l’Amiral Esteva, et porte son choix pour occuper le poste de Premier ministre sur M’Hamed Chenik, un ami dont il apprécie les idées libérales et la gouvernance économique. Il l’entoure de deux personnalités talentueuses et militantes nationalistes, le Dr Mahmoud El Materi (ancien président du Néo-Destour) et Salah Farhat (Secrétaire général du Vieux-Destour). Entouré et conseillé par ses fidèles amis, Moncef Bey poursuivit son action et obtint principalement : -l’annulation du décret du 30 janvier 1898, concernant l’acquisition des terres habous, favorable aux colons français. -L’égalité des traitements entre fonctionnaires tunisiens et français. - la libération des militants destouriens emprisonnés en Tunisie et à l’étranger. (à suivre)

Moncef Charfeddine

Tunis-Hebdo du 13/08/2018




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