L’été, saison bénie ou maudite pour les femmes ?

L’été, saison bénie ou maudite pour les femmes ?
Tunis-Hebdo
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La saison estivale est peut-être pour les femmes tout à la fois une sorte de juge de paix et la plus injuste des saisons. Selon que l’on a un corps désirable ou répugnant, admirable ou écœurant, l’été sera synonyme de bonheur ou de malheur. Tel est le verdict que la société du spectacle donne à lire où le corps apparaît comme motif de contentement ou d’abaissement.   C’est sans doute en été que la différence entre hommes et femmes se fait le plus sentir. Tous les deux n’ont pas, en effet, le même rapport à leur corps respectif ; ce rapport, ils le vivent différemment. Cela va sans dire, puisque les femmes perçoivent ce rapport sous l’angle exclusif de la coquetterie. Il n’a probablement pas tort celui qui a déclaré que « la coquetterie est le fait des femmes et l’œuvre des hommes ». Et tant pis pour les féministes et autres chiennes de garde qui verront dans cette boutade sinon l’expression d’une misogynie avérée tout au moins la preuve d’un sexisme invétéré. La saison estivale est peut-être pour les femmes tout à la fois une sorte de juge de paix et la plus injuste des saisons. Juge de paix car l’été offre au regard les corps dans toute leur vérité, sans possibilité de les dissimuler sous les vêtements (comme en hiver), exception faite pour les voilées et autres niqabées (pour qui les saisons se suivent et se ressemblent). La plus injuste des saisons, car selon que le corps de la femme est beau ou laid, désirable ou désagréable, gracieux ou disgracieux, l’été sera attendu impatiemment ou appréhendé terriblement, épanouissant ou déprimant.   L’emprise du paraître Les hommes et les femmes ne vivent donc pas de la même manière la succession des saisons. Avec l’arrivée du printemps où la nature déploie ses splendeurs à travers l’émergence des couleurs spectrales, commencent pour les femmes les sombres soucis liés à leurs lignes qui tournent souvent au désir obsessionnel d’un corps sculptural. Curieuse et pitoyable destinée des femmes qui, après s’être libérées du corset qui les a longtemps aliénées, après avoir brisé les chaînes de la pudibonderie voulue et décidée par la gent masculine, après avoir conquis la liberté de disposer de leur corps, voilà que depuis peu elles se retrouvent soumises au diktat impitoyable du corps beau, glorieux, orgueilleux. Nouvelles contraintes, s’il en est, imposées aux femmes par la société du spectacle qui ne jure que par le paraître et qui a pour effet pervers de diviser la gent féminine en deux : celles vaniteuses qui montrent leur corps triomphant et celles, complexées, qui le cachent honteusement. C’est ainsi qu’aller à la plage devient synonyme de bonheur pour les premières, chemin de croix pour les secondes. Seules peuvent échapper à ce supplice celles qui ont choisi le fameux et non moins controversé burkini. Conçu pour les femmes pieuses qui répugnent par pudeur à porter le maillot de bain, une pièce ou le bikini, le burkini apparaît d’une laideur innommable et se révèle contre productif puisque trempé dans l’eau, il donne à voir le corps de la femme façonné jusqu’au détail le plus infime. Où l’on voit que cet accoutrement de la pudibonderie, au lieu d’occulter la concupiscence du mâle, ne fait que l’exacerber. Au secours, les régimes ! Nous comprenons donc pourquoi, à la veille de l’été, les régimes amincissants prolifèrent à l’envi, les centres de fitness et de gym multiplient les appels et les offres en faisant miroiter aux femmes les recettes du corps parfait. Et dans la foulée, l’existence pour beaucoup de femmes se transforme en souffrance et se décline en privation et inhibition. On déclare la guerre à la cellulite et à la culotte de cheval, quand par ailleurs on donne au visage une allure juvénile à coups de botox inoculé ici et là.  Mais, à l’arrivée, les résultats seront bien maigres, en dépit des souffrances consenties. Des résultats, hélas, pas à la hauteur des attentes escomptées et qui s’avèrent inefficaces pour estomper le sentiment d’être mal dans sa peau. L’été, censé être la saison du farniente, de la détente, rythmé par les bains de mer et les bains de soleil, tourne pour beaucoup de femmes au cauchemar et à la déprime. La tyrannie du corps éternellement jeune et beau sonne pour ainsi dire l’hallali du corps vieilli, souffrant « la ride véloce, la pesante graisse, le menton triplé, le muscle avachi », ainsi que le chantait Juliette Gréco sur un ton empreint de mélancolie et de nostalgie des temps du corps de nymphe, à la taille de guêpe. On pourrait illustrer ce saisissant contraste par une scène de plage qui, pour être imaginaire, n’en est pas moins réaliste. Assise sous un parasol, une mère la cinquantaine bien sonnée, le corps métamorphosé par la ménopause, observe (non sans aigreur) sa fille, la vingtaine, sortir de la mer, le corps élancé, la poitrine joliment dressée, la peau dorée, le tout rappelant « la Naissance de Vénus », célèbre tableau de Botticelli représentant Vénus (déesse de l’amour et de la beauté) debout sur une grande coquille. Est-il besoin de rappeler que seul l’art a le monopole de la beauté pérenne.

Abbès BEN MAHJOUBA

Tunis-Hebdo du 13/08/2018



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