Le blues des bouquinistes de la rue d'Angleterre

Le blues des bouquinistes de la rue d'Angleterre
Chroniques
print



Les victimes collatérales de la clochardisation du centre-ville de la capitale sont toutes désignées. Il s'agit des bouquinistes historiques de la rue d'Angleterre, une artère passée du statut de beau quartier à celui de véritable dépotoir. Dramatique est la situation de cette rue. On y pisse partout, on s'y bagarre régulièrement avec des règlements de comptes entre petits délinquants et vendeurs à la sauvette en mal de territoire. Les rues environnantes, c'est bien pire ! De la rue Charles de Gaulle à la rue d'Espagne en passant par la rue Gamal Abdenasser, les citadins n'ont plus que leurs yeux pour pleurer les vestiges d'un passé rayonnant. Partout, des étalages à même le sol, des voitures garées à la diable, des livraisons de tout ce que la Chine et la Turquie peuvent produire comme babioles et de la crasse, encore de la crasse, toujours de la crasse... Dans cet environnement déclassé, les deux bouquinistes historiques de la rue d'Angleterre sont en train de mourir à petit feu. D'abord, on ne lit plus. Ensuite, plus personne ne vient. Les lecteurs et clients sont en effet rebutés par l'atmosphère des lieux et la violence palpable qui y règne. On a simplement peur d'aller jusqu'à la rue d'Angleterre, selon les bouquinistes. Du coup, les enseignes de feu Abdessatar Mzoughi et Faouzi Hedhili sont à la peine et parviennent de plus en plus difficilement à joindre les deux bouts. En panne de solutions, ils songent à s'installer ailleurs. En fait, ils suivent un mouvement déjà engagé car nombreux sont les habitants des immeubles environnants à avoir quitté les appartements dont ils sont pourtant propriétaires. Chaque jour, les choses se compliquent davantage dans ce centre-ville en détresse. En attendant mieux, Tunis risque de perdre deux de ses bouquinistes historiques. Les plus cyniques diront que Tunis a perdu bien plus ces dernières années... Le mal semble être fait pour nos bouquinistes qui ont le blues. A moins d'un improbable sursaut, les carottes ont l'air d'être cuites pour eux. Et, croyez-moi, c'est une nouvelle terrible pour tous ceux qui aiment les livres et dont les jeunesses ont été bercées par les mille et uns ouvrages cachés dans ces grottes d'Ali Baba. J'ai le secret espoir que le ministère des Affaires culturelles fera quelque chose pour ces institutions informelles qui ont tant donné au livre et à la lecture. J'ai aussi la ferme conviction que les amis de ces libraires pas comme les autres sauront réagir avant qu'il ne soit trop tard. Pour ma part, tout en écrivant cette chronique, je commence à réunir les bonnes volontés qui se mobiliseront pour sauver deux antiquaires du livre et deux vecteurs de culture. Nous en reparlerons prochainement, amis lecteurs...



Vive le Club Africain : Quand le public envoie Slim Riahi à la trappe

Précédent

A bord de Cinématdour, un camion qui rapproche le cinéma des publics

Suivant