Lettre à un Don Quichotte

Lettre à un Don Quichotte
National
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Si je prends ma plume, ce n’est pas pour pleurer le bon compagnon que tu as été, mais pour te rappeler, après ton départ, combien était vain ton combat contre les moulins à vent, qui, comme tu le vois, ont fini par avoir raison de ton entêtement. Tu voulais changer le monde et en faire un paradis de justice et d’égalité, mais tu avais oublié que les instincts de possession et de domination, ancrés profondément dans la plupart d’entre nous, étaient irréversiblement plus forts que tous les idéaux égalitaires. Tu voulais qu’il n’y eût plus ni maître ni esclave sur terre, mais tu es obligé aujourd’hui de reconnaître que le destin de l’homme est d’être maître ou esclave. Ton tort aura été de croire que les maîtres étaient prêts à se déposséder, de gré ou de force, de leurs privilèges au profit des plus faibles, et que les esclaves voulaient, tous, briser les chaînes de leur asservissement. Tu ignorais peut-être que certaines chaînes dorées valaient parfois beaucoup plus qu’une liberté si dure à acquérir puis à assumer. Tu voulais bannir la famine de la terre, mais très occupé que tu étais à combattre les moulins à vent et à semer la bonne parole, dans une sorte de délire mal contrôlé, tu n’avais pas su trouver les moyens de donner du pain aux bouches qui le réclamaient. Tu voulais combattre l’exploitation, la pauvreté, la misère et la maladie partout dans le monde, mais tu n’as pas toujours été un modèle de persuasion pour ceux-là mêmes que tu voulais sauver de ces calamités. Estimant que la vérité était sans cesse de ton côté, croyant au bonheur des autres plus qu’eux-mêmes, mais reculant de jour en jour en jour la réalisation du paradis promis, tu as utilisé un langage pompeux et creux, puis franchement menaçant lorsque tu avais remarqué que les gens étaient indifférents à ton discours ou totalement incrédules. A la longue, ils ne voulaient plus ni de toi ni de ton discours. Ils voulaient uniquement du pain et un peu d’eau fraîche. Cher ami, il est grand temps que tu saches que tes idéaux sont aujourd’hui morts, rêves brisés, mais sois certain que beaucoup de gens de notre village attendent impatiemment ton retour, mais reviendras-tu jamais ? Un certain Sancho Pança

Adel LAHMAR




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