Tunisie : Un prestige à reconquérir !

Tunisie : Un prestige à reconquérir !
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Tunis Hebdo | Ce qu’on appelle désormais « l’affaire de Sidi Hassine » est symptomatique de la situation qui prévaut actuellement au sein de l’administration en particulier, et du pays d’une manière générale. Assister à l’agression d’un délégué d’une région par deux agents publics est une image inédite, une image dont on ne peut tirer aucune fierté tant elle est le témoignage d’une anarchie dans laquelle nous plongeons insidieusement, mais irrésistiblement, et qui commence à devenir très inquiétante quant à un éventuel redressement.On ne connaît pas encore, avec exactitude, les véritables raisons et causes qui ont déclenché cette sordide affaire - il semblerait que des dossiers de corruption en seraient le motif réel en attendant que l’enquête et la justice dévoilent la vérité - et indépendamment des péripéties qui ont suivi avec l’arrestation de deux agents et l’engagement de poursuites contre eux, elle est « exemplaire » en ce sens qu’elle décrit la réalité de ce qui se passe au sein de l’administration, et au sein des institutions de l’Etat. Sur ce plan, il convient de souligner que les principaux responsables de cette érosion de l’image de l’administration, de la perte de son aura et par conséquent de l’Etat, et celle de leur autorité est en grande partie le fait même des agents publics eux-mêmes. En effet, et depuis le 14 janvier 2011, les premières contestations à l’égard des chefs hiérarchique au sein de l’administration ont été déclenchées par les fonctionnaires ou les employés de différentes entreprises publiques qui ont « dégagé » plusieurs responsables qu’ils accusaient de dépassements et d’abus, le plus souvent d’une manière agressive pour ne pas dire violente, et au mépris du minimum de respect. Ces réactions ont touché pratiquement tous les secteurs et tous les domaines à l’exception des forces armées qui ont totalement échappé à ce mouvement « révolutionnaire » ! On pourrait mettre cela sur le compte de « l’euphorie » qui a suivi le changement de régime d’autant plus que les citoyens ont pris le relais pour contester tel ou tel responsable en adoptant parfois des comportements d’une rare agressivité. Ainsi, on a vu des délégués ou des gouverneurs « dégagés », d’autres attaqués et menacés même chez eux ou dans les sièges de leurs fonctions, et certains ne durent leur salut qu’à la fuite ou à la protection de l’armée. Il nous est impossible d’adopter une position tranchée et objective sur ce phénomène, sachant que plusieurs de ces responsables ont été victimes de manipulations de la part de leurs « ennemis », mais on peut affirmer, sans risque d’erreur, qu’il a été déterminant dans l’atteinte à l’image et à l’autorité de l’Etat. On peut se rappeler que le Président de la République, Béji Caied Essebsi, ou ses deux chefs de gouvernement, Habib Essid et Youssef Chahed, ont fait de la « restauration » de l’autorité de l’Etat l’un de leurs chevaux de bataille. Car, il faut dire qu’il s’agit d’une condition sine qua non pour entamer la reconstruction du pays. Ils ont toujours soigneusement accompagné ce vœu de « l’application de la loi ». Mais, dans leurs commentaires, beaucoup d’observateurs ou d’hommes politiques font planer le risque de retour de la répression et de la violence d’Etat. Autrement dit, ils entretiennent, volontairement ou d’une manière involontaire, une sorte de refus de toute éventuelle reconstitution de l’image de l’Etat et de son prestige. Pourtant, cette opération est obligatoire et nécessaire. Elle doit commencer par le fonctionnement au sein de notre administration. L’application de la loi doit être entamée par le rétablissement de l’autorité entre les supérieurs hiérarchiques et les subordonnés. Il convient de rappeler que le système étatique est fondé sur la hiérarchie. Celle-ci se situe sur un double plan. Autant sur le plan des textes que sur le plan des fonctions administratives, celui qui est placé au-dessus s’impose à celui qui lui est inférieur. Cette hiérarchie est organisée par le principe de l’égalité, autrement dit par la règle de droit afin d’éviter les abus éventuels. Aujourd’hui, il est urgent que les supérieurs hiérarchiques reprennent l’initiative et installent de nouveau l’ordre et la discipline au sein de leurs services, de leurs directions, de leurs départements ou de leurs entreprises. Il s’agit d’une action qui tire sa source justement dans ce principe de respect de la loi. Les supérieurs hiérarchiques possèdent les moyens juridiques nécessaires pour atteindre cet objectif. Ils disposent du pouvoir d’instruction, écrit ou verbal, c’est-à-dire d’ordonner au subordonné de faire ou de refaire, et du pouvoir de substitution, c’est-à-dire de le remplacer quitte à sanctionner ce subordonné qui ne respecte pas les injonctions qui lui ont été adressées. Car, le subordonné a un devoir d’obéissance. C’est cet aspect qui est devenu le plus problématique dans notre administration. Or ce dernier utilise désormais tous les subterfuges possibles pour échapper à ces ordres ou pour les contester. Certains usent de leur filouterie en se comportant de manière dilatoire et « cinématographique ». Ils font semblant de ne pas comprendre, piquent une crise hystérique et s’évanouissent ou, pire, agressent verbalement leurs supérieurs. D’autres recourent à d’autres stratagèmes en appelant surtout leurs collègues de travail à la rescousse pour bloquer le supérieur, voire pour l’isoler, ou aux syndicats pour y chercher appui et refuge. Sur ce plan, les syndicalistes ont un grand rôle à jouer dans le rétablissement du fonctionnement normal de l’administration. Leur soutien aveugle de leurs collègues est un encouragement à la poursuite de ces dépassements qui ne peuvent que bloquer toute reconstruction. La seule ligne qui doit être respectée par toutes les parties est le respect de la loi. Celle-ci permet au supérieur hiérarchique d’adresser ses ordres au subordonné qui lui doit obéissance dans les limites de la loi et de la fonction dont il est responsable. Si chacun de nous ne connaît pas sa véritable place et si personne parmi nous ne saisisse l’importance de cette donne, la restauration de l’image et du prestige de l’Etat se feront encore attendre pour bien longtemps. Or, on n’a plus beaucoup de temps pour sauver l’Etat et le pays de la déconfiture…

L.L.




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