Une initiative, un programme et des hommes…

Une initiative, un programme et des hommes…
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Tunis Hebdo | Le Chef de l’Etat, Béji Caid Essebsi, a tenté de réveiller le pays de sa torpeur jeudi dernier en alertant l’opinion publique sur une situation économique et sociale qui devient tout simplement catastrophique et qui risque d’emporter le pays vers les abysses de la banqueroute avec tout ce que cela pourrait impliquer comme conséquences désastreuses sur l’ensemble des citoyens. Chiffres à l’appui, Béji Caid Essebsi a montré que la Tunisie a perdu depuis 2011 plusieurs milliards de dollars annuellement pour diverses raisons, certaines liées à des faits exogènes comme le terrorisme, alors que d’autres peuvent être ramenées à l’incapacité des gouvernements qui se sont succédé durant les cinq dernières années. Le chef de l’Etat fait aussi assumer à l’actuel gouvernement dirigé par Habib Essid une grande part de responsabilité dans la perpétuation de cette situation. Partant de ce constat objectif, le Chef de l’Etat a lancé son initiative et son appel à la formation d’un gouvernement d’union nationale. En réalité, le Chef de l’Etat, de par son autorité morale et sa responsabilité politique, a entendu provoquer un séisme, une onde de choc, non seulement au sein de la classe politique, mais aussi au sein de l’opinion publique afin que toutes les parties prennent conscience de l’extrême gravité de la situation actuelle et de la nécessité de trouver les solutions adéquates pour nous sortir de cette impasse. L’effet d’annonce a été important parmi les partis politiques ainsi que parmi les organisations nationales concernées. En revanche, il nous paraît que les citoyens n’ont pas encore saisi la délicatesse de la conjoncture, plongés qu’ils sont dans les « préparatifs du mois saint » ! Béji Caid Essebsi a donc clairement annoncé que le pays est pratiquement au bord de la faillite, et que cette crise économique et sociale ne peut être dépassée que si l’on fasse preuve de sens de l’unité de l’ensemble des forces politiques et de la mobilisation des partenaires sociaux. Son appel à un gouvernement d’union nationale part de l’idée que la Tunisie a besoin, dans le contexte actuel, de l’unité, du moins du soutien, de l’ensemble des acteurs politiques et sociaux dans le pays. Le Chef de l’Etat considère que cette crise socio-économique est due, en très grande partie, à l’actuel gouvernement qui a échoué dans la gestion des affaires de l’Etat, ne parvenant pas à garantir l’application de la loi, ce qui a conduit à un double constat. Le gouvernement n’a pas réussi à rétablir l’image de l’Etat, vœu cher à Béji Caid Essebsi et l’une de ses promesses électorales, ni à éviter des résultats économiques calamiteux. Car, les deux aspects sont intimement liés et s’influencent réciproquement. Autrement dit, Béji Caid Essebsi a signé l’arrêt de mort politique du gouvernement actuel et de son chef. Implicitement, Béji Caid Essebsi pense que ces derniers devraient céder leur place à une autre équipe capable de relever le défi et de trouver des solutions pouvant contribuer à l’amélioration de la situation. Mais, et malgré cette « condamnation » politique explicite, le Chef du gouvernement, Habib Essid, ne semble pas vouloir quitter son poste. Au contraire, il paraît s’accrocher à son poste contre vents et marées, se présentant comme un « soldat » à la disposition du pays. Cependant, ce que le Chef du gouvernement n’a pas encore compris, c’est que le Chef de l’Etat considère que l’équipe actuelle n’a plus aucun avenir d’autant plus qu’il a mis en exergue les défis futurs du prochain gouvernement d’union nationale à mettre en place. Ce dernier doit être capable, tout d’abord, de faire respecter la loi afin de tirer de nouveau le pays vers le haut en rétablissant l’image et l’autorité de la loi. Ensuite, il doit lutter contre l’un des fléaux les plus nocifs au sein de notre société, la corruption qui gangrène le pays. En troisième lieu, le prochain gouvernement doit continuer sa lutte sans merci contre le terrorisme. Ces trois axes doivent s’inscrire dans un programme clair et une feuille de route limpide pour remettre le pays sur les rails. Maintenant, il s’agit de voir quelle est l’issue de cette initiative ? S’agissant des partis politiques, et à l’exception d’Ennahdha qui ne s’est pas encore officiellement exprimée sur la question, les autres partis paraissent l’accueillir positivement même si certains d’entre eux entendent temporiser encore, le temps de se concerter davantage au sein de leurs structures internes. Quant aux deux grands partenaires sociaux, l’UGTT et l’UTICA, ils ont exprimé leur soutien à l’initiative du Chef de l’Etat sans pour autant vouloir y participer directement ou s’y impliquer à travers leur participation effective dans le prochain gouvernement. Pour ce qui est du Chef du gouvernement, qui ne bénéficie plus que du soutien politique des Islamistes, il est appelé à partir de son propre gré pour éviter au pays d’entrer dans une crise politique et constitutionnelle qui pourrait ajouter à la complexité de la situation risquant de provoquer la paralysie totale des rouages de l’Etat. C’est dire que le Chef de l’Etat lui-même ainsi que les partis politiques ou les partenaires sociaux concernés sont appelés à agir assez rapidement pour éviter au pays de sombrer. La réunion de l’ensemble des acteurs doit se faire dans les plus brefs délais pour mettre en place un programme commun de gouvernement qui exigera de chacun d’eux une sorte de compromis pour relancer la machine. La tâche d’arriver à une entente sur tous les aspects, notamment ceux ayant un caractère économique ou social, ne sera pas simple, ni aisé tant les antagonismes idéologiques pourraient être aux antipodes les uns des autres. Mais, l’urgence de la situation ainsi que son acuité doivent amener les uns à décréter la paix sociale, les autres à s’engager à la transparence et à un effort d’engagement soutenu. Le « discours » du Chef de l’Etat a montré que notre pays a besoin aujourd’hui d’être autrement géré et selon de nouvelles priorités, avec des instruments neufs et une vision qui part de l’intérêt du pays. La Tunisie a besoin de dirigeants intègres et patriotes tout en étant dotés d’un esprit novateur et moderne afin d’avancer. Autrement dit, un pareil tournant ne peut pas se faire avec des hommes usés qui rappellent le passé, y compris le plus récent…

L.L.




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