Tunisie : Cinq ans après, le retour subreptice du parti unique

Tunisie : Cinq ans après, le retour subreptice du parti unique
Chroniques
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Cinq ans après la révolution, la Tunisie continue à vivre au rythme des recompositions successives du paysage politique et des manœuvres politiciennes qui, tout en évacuant la dimension économique des enjeux, contribuent à enfoncer le pays dans une crise morale qui n'en finit plus.
De la majorité absolue à un front durable ?
L'alliance qualifiée de contre nature entre Ennahdha et Nidaa Tounes est en en train d'introduire un élément troublant dans les évolutions de la révolution, sous la forme d'un retour subreptice du parti unique. En effet, cette alliance, de fait et sans le soutien de Afek et de l'UPL, flirte avec la majorité absolue au parlement. Avec l'implosion de Nidaa Tounes, cette alliance pourrait connaitre une évolution intéressante avec une fusion entre l'aile droite de Nidaa, désormais seule aux commandes et... Ennahdha.
Khereddine et Thaalbi contre Bourguiba et la Gauche
Cette hypothèse pourrait prendre une forme partisane ou celle d'un front électoral qui, sous couvert de consensus et de stabilisation sécuritaire et économique, pourrait devenir une impitoyable machine à gagner les élections de quelque ordre qu'elle soient. Au nom du pragmatisme et de la real politik, nous pourrions aller vers une cohabitation des adversaires destouriens et islamistes, sous la bannière de Khereddine Pacha, Abdelaziz Thaalbi, Beji Caid Essebsi et Rached Ghannouchi.
Le parti unique qui tuera l'alternance
Avec les deux vieux briscards à la manœuvre, la discipline des nahdhaouis et celle des anciens destouriens désormais presque seuls à Nidaa Tounes, cette donne politique, sous la forme d'une grande coalition durable, d'un front électoral ou d'une fusion pure et simple, pourrait accoucher du grand parti politique de la Tunisie de demain. Fruit de la révolution, ce parti dont les contours commencent à se dessiner prendrait ainsi ses distances avec Bourguiba et comprendrait des éléments antagonistes qui avancent masqués, chacun rêvant d'étouffer l'autre.
Gare aux agendas secrets!
Allons-nous vers un mariage de raison entre islamistes et destouriens ? La formule prend forme et le recours à une synthèse dans le style de la démocratie chrétienne italienne ou du CDU allemand peut paraitre tentante. Toutefois cette option politique ne vaudrait que si les islamistes d'Ennahdha abandonnaient le référentiel qui les lie aux Frères musulmans. Sinon le risque d'un agenda secret de "frérisation" du pays, couverte par une alliance de gouvernement, est très grand.
BCE fait gagner cinq ans à Ennahdha
En tout état de cause, il apparait désormais au grand jour que l'élection de Béji Caid Essebsi à la présidence de la République constitue pour Ennahdha, un glacis de cinq ans et un gain politique qui permet au parti de Ghannouchi de gouverner sans gouverner, tout en continuant à infiltrer tous les rouages de l'Etat et tous les aspects de la société tunisienne.
Un corbeau et deux renards
Quel sera en effet le visage de la Tunisie à la fin du mandat de BCE ? Probablement celui d'un pays dominé par les islamistes qui, patiemment tissent leur toile et attendent que le fruit mûr leur tombe dans la bouche. Toutefois, même si, par certains aspects, BCE ressemble au corbeau de la fable, rien ne dit qu'il a perdu son flair de renard.
Au nom du despotisme oriental
Rira bien qui rira le dernier mais pour la gauche tunisienne, l'espoir est de plus en plus mince et pour les modernistes qui ont suivi Nidaa Tounes, il semble que leur victoire dans les urnes leur a bel et bien été volée. A ceux-là, il reste les yeux pour pleurer en attendant le retour à l'hégémonie, au nom du despotisme oriental éclairé, d'un parti unique dont les contours commencent à prendre forme.

H.B.




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