Tahar Haddad, pensée rebelle, singularité tunisienne...

Tahar Haddad, pensée rebelle, singularité tunisienne...
Chroniques
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Entre désir de liberté, discours féministe et défense des travailleurs, Tahar Haddad continue à marquer notre époque.
Celui qui nous fonde en tant qu'individus
Inspirateur du Code du Statut personnel, Haddad est, à maints égards, celui qui nous fonde en tant qu'individus. Il est celui dont le combat - parfois solitaire, souvent incompris - a posé les germes de cette singularité tunisienne que les islamistes veulent à tout prix effacer. Son courage et sa lucidité lui vaudront les anathèmes de ses contemporains. Pourtant, Tahar Haddad n'avait fait que relever les anachronismes de certains dogmes. Mais sa pensée fut jugée rebelle et les archaïsmes de son époque eurent vite fait de le passer sous le joug des idées reçues. Que savons-nous véritablement de Tahar Haddad ? Nous connaissons tous son visage glabre, sa légère moustache et la chechia stambouli qu'il portrait sur le chef.
Chronique d'un zeitounien en quête de renouveau
Nous savons tous, plus ou moins, qu'il est originaire d'El Hamma de Gabès tout en naissant à Tunis en décembre 1899 dans une famille installée de longue date dans la capitale. Pour la petite histoire, son père était un marchand de volailles dont l'échoppe se trouvait à Fondouk el Ghalla, notre actuel Marché central. Haddad a poursuivi ses études à la Zitouna qu'il fréquenta jusqu'en 1920. Compagnon de M'hamed Ali El Hammi et Abderrahmane Attia, il est en décembre 1924 le co-fondateur de la Confédération générale tunisienne du Travail (CGTT).
Pour les travailleurs tunisiens
C'est en 1927 que Tahar Haddad publie son fameux livre "Les travailleurs tunisiens et l'émergence du mouvement syndical". Il y retrace la situation des ouvriers tunisiens. Ce document est aussi un témoignage qui prend le parti des travailleurs. Il y relate la grève des dockers, celles de Bizerte et Hammam-Lif, les négociations en vue d'une solution et le contexte économique.
Pour la femme tunisienne
En 1930, Haddad publie son ouvrage "Notre femme dans la législation" qui va susciter une vaste polémique. La réaction des milieux traditionnels est des plus violentes. Son analyse de la condition féminine va déchainer contre lui les autorités religieuses et entrainer sa condamnation. Ses prises de position lui valent d'être renvoyé, maltraité, carrément excommunié. Tout cela pour avoir dénoncé l'obscurantisme et les névroses d'une société archaïque. Réduit à la misère, rejeté y compris par les siens, Tahar Haddad mourra le 7 décembre 1935.
Le cap sur l'ouragan
Peu avant sa mort, Haddad a publié un recueil de "Pensées" qui demeure à ce jour peu connu. Dans ce livre intitulé "Khawater", Haddad poursuit sa réflexion sur la liberté,le renouveau, la réforme. A relire son livre, on serait tenté de dire que cet homme mettait clairement le cap sur l'ouragan. On pourrait à son propos reprendre la fameuse phrase de Bernanos, selon laquelle: "Un homme qui juge, même s'il se trompe, fait un effort digne de respect. En effet, il court le risque de choisir, il s'engage". Qu'en est-il de nous plus de quatre-vingt années plus tard ? Que reste-t-il en nous de Tahar Haddad ? Qu'avons-nous réellement compris du singulier destin d'un homme qui, très tôt, a appelé à rompre les chaines ?
Libertés écrasées sous le poids des traditions
Paradoxalement, la pensée de Tahar Haddad est toujours d'actualité en ce début du XXIème siècle. Quelques unes de ses pensées pourraient d'ailleurs nous servir d'imperturbables repères comme par exemple: "Tout ce que nous concevons par l'esprit, nous ne voulons pas en reconnaitre la réalité. Pourquoi donc avons-nous décidé de ne sacraliser que l'histoire ?" Encore une phrase de Haddad: "Nous luttons pour la liberté. Mais nous écrasons toujours cette liberté, provisoirement conquise, sous le poids des traditions".
Des menaces qui persistent
De quoi réfléchir en ces jours où nous commémorons Tahar Haddad, en ces jours aussi où continuent à peser des menaces sur notre code du Statut personnel et ses corollaires de liberté et de dignité individuelles...

H.B.




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