Osta Morato Genovese, si je t'oublie...

Osta Morato Genovese, si je t'oublie...
Chroniques
print



Comme son nom l'indique, Osta Morato Genovese est d'origine génoise. Ce célèbre corsaire fut aussi le bey de Tunis entre 1637 et 1640. Ainsi fut-il par exemple, le fondateur de Ghar el Melh qui s'appelait alors Porto Farina.
Comptoir punique et faubourg d'Utique
Osta Mourad a construit le fort et aménagé le port de cette ville afin d'empêcher les flottes chrétiennes de chercher refuge dans le lac de Porto Farina. Cette localité a une longue histoire. Comptoir punique, elle fut aussi un faubourg d'Utique et son avant-port, à l'époque romaine. En 1535, on y assista même au débarquement d'une partie des troupes de Charles Quint.
De Porto Farina à la Goulette
A l'époque d'Osta Mourad, Porto Farina devint un arsenal important et le port principal de la flotte corsaire. Plus tard, en 1792, le port ensablé fut nettoyé mais l'ensablement se poursuivit jusqu'à la décision de 1801 de transférer la flotte beylicale à la Goulette. Depuis Ghar el Melh est devenu un paisible village d'agriculteurs et de pêcheurs. Son port de pêche se trouve à quelques kilomètres du vieux port qui se souvient encore de Osta Morato.
Corsaires barbaresques et vaisseaux chrétiens
Le lac de Ghar el Melh qui communique avec la mer par une passe d'une cinquantaine de mètres fut un refuge pour les corsaires barbaresques. La Course, activité par laquelle des navires capturent avec l'accord de leur gouvernement des vaisseaux d'autres Etats, a dominé la Méditerranée du XIVème au XVIIIème siècle. La Course prolongeait ainsi, par d'autres moyens, la guerre entre Islam et Chrétienté puis entre Turcs et Espagnols pour la domination du Mare Nostrum.
Arouj, Dragut et Barberousse
Khereddine Barberousse et son frère Arouj furent les précurseurs de l'expansion ottomane en Tunisie. En effet, ces deux corsaires furent les premiers à entreprendre la conquête territoriale de la Tunisie alors sous domination espagnole. Barberousse, Arouj et aussi Darghouth Rais, le fameux Dragut, ont ainsi contribué à chasser les occupants espagnols de Tunisie.
La ville corsaire de Osta Morato
Les corsaires venaient donc après leurs expéditions se mettre à l'abri sur les eaux tranquilles du lac de Porto Farina, jusqu'à l'époque où Osta Mourad construisit le fort et le port. Par la suite, on y ajouta un arsenal, des fortins et même, en 1837, un palais et des casernes. Mais, supplanté par la Goulette, Porto Farina périclita. Tout comme l'activité des corsaires qui deviendra marginale au dix-huitième siècle.
L'arrivée des exilés andalous
Entretemps, toute cette région au nord de Tunis, devint un havre pour de nombreux immigrés andalous, chassés d'Espagne, qui s'y installèrent comme agriculteurs, tisserands ou fabricants de chéchias. Aujourd'hui encore, cette région bordée par Jbel el Kchabta se caractérise par ses racines andalouses. De Ghar el Melh à El Alia, en passant par Ras Djebel, c'est une véritable ascension d'un relief qui s'étire entre champs de blé, routes sinueuses et plages de sable. Ici, de l'autre côté de la plaine d'Utique, ce sont les villages de Raf Raf ou Metline, bâtis à flanc de collines. Ce sont les plages de Chatt Mami ou Cap Zebib, avec au large l'ile Pilao qui émerge de l'eau et demeure un rocher inhabité.
Sidi Ali Mekki et la mer bleu marine
Ici, les maisons blanches d'El Alia s'accrochent aux flancs de Jbel Hakima. Là, les vignobles de Raf Raf et leur célèbre raisin muscat poussent sur des sols légers. Et, plus loin, au bout du cap, la zaouia de Sidi Ali Mekki, dominant la plage, semble veiller sur le golfe, tel un ribat médiéval. Depuis Bizerte jusqu'à la pointe du Cap blanc, ce sont des siècles d'histoire qui s'étirent le long d'une côte parfois déchiquetée, parfois ponctuée de bunkers allemands de la Deuxième guerre mondiale, parfois dominée par de magnifiques dunes de sable, telles des fresques peintes au-dessus de la mer bleu marine.
La naissance de la dynastie mouradite
Revenons à Osta Mourad. Il fut l'un des représentants de la dynastie mouradite qui a régné sur la Tunisie de 1628 à 1702, c'est à dire quasiment jusqu'à l’avènement de la dynastie husseinite qui a elle régné de 1705 à 1957. Comment la dynastie mouradite est-elle née? Pour le comprendre, il faut remonter jusqu'à 1534, lorsque le corsaire Barberousse s'empare de Tunis et de plusieurs ports tunisiens. En représailles, les Espagnols organisent une expédition commandée par Charles Quint et occuperont Tunis en 1535.
Sinan Pacha, le Divan et les Mouradites
La ville sera libérée quarante ans plus tard par le général ottoman Sinan Pacha. C'est alors en 1574 que la Tunisie devient une province ottomane dirigée par un pacha, lui même secondé par un Divan qui regroupe officiers et dignitaires. Les officiers du Divan, les deys, placeront ensuite le pays sous leur autorité avec Othman Dey ou Youssef Dey. Mais alors que les deys sont confrontés à un affaiblissement de l’État, Mourad Bey et son fils Hamouda Pacha el Mouradi en profitent pour prendre le pouvoir. Ils fonderont une dynastie héréditaire, celle des Mouradites. C'est dans cette généalogie que s'inscrit Osta Mourad, fondateur du village et du port de Ghar el Melh et bienfaiteur des exilés andalous.

H.B.




Vive le Club Africain : Quand le public envoie Slim Riahi à la trappe

Précédent

World Press Photo : La photo de l'année en empathie avec les souffrances du peuple palestinien

Suivant