A Nidaa Tounes, on se bat pour les fauteuils sur fond de Karakouz...

A Nidaa Tounes, on se bat pour les fauteuils sur fond de Karakouz...
Chroniques
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Les choses semblent tourner au vinaigre du côté de Nidaa Tounes alors que les rusés stratèges d'Ennahdha comptent les points devant la mascarade qui se joue au sein du parti élu en première position par la Tunisie, il y a un an. La parodie de démocratie vient de tourner au pugilat pur et simple entre les avocats des uns et les barbouzes des autres. Spectacle pitoyable, risée de débat démocratique, attitudes affligeantes que montrent d'eux-mêmes les cadres d'un mouvement qui pourrait se fracturer avant même son premier congrès. Au grand bénéfice d'Ennahdha qui tire les marrons du feu et finira bien par retomber sur ses pattes en n'ayant en fin de compte que reculé pour mieux sauter.
Le père lndulgent et le fils opportuniste
Deux hommes portent la responsabilité de cette pantalonnade qui vire au jeu de massacre. Le premier, c'est bel et bien Béji Caid Essebsi, notre président de la République encore recouvert de lauriers et ayant commis la grave erreur de laisser son fils jouer le syndrome "Junior" au sein du mouvement. Je n'ai de parti-pris contre personne mais j'ai du mal à accepter que Hafedh Caid Essebsi, le second responsable in fine, hante les allées du palais de Carthage et soit même chargé, en toute hypothèse, de missions délicates par son père, au nom de la République. J'ai la même réticence en constatant que le fils du président, comme dans n'importe quelle république bananière, s'accroche au pouvoir et tente de profiter de la dynamique victorieuse de son père pour s'emparer de Nidaa Tounes. En laissant faire et en se rendant tacitement complice de ces faits, Beji Caid Essebsi met la Deuxième république devant une répétition malvenue de "traditions de famille" que nous croyions révolues.
Comme Bourguiba, Ben Ali et la Troika...
En son temps, Bourguiba avait mis le pied à l'étrier à Bibi Junior mais en prenant soin de ne pas brûler les étapes. Plus tard, le même Bourguiba avait accordé une importance démesurée à sa nièce Saida Sassi alors que Wassila Ben Ammar, sa seconde épouse dont il divorcera, agissait en coulisses et que les loyautés monastiriennes se taillaient la part du lion. Ben Ali fera de même en se laissant coupablement déborder par sa belle famille laissant les Trabelsi de sinistre mémoire mettre le pays en coupe réglée dans un climat d'affairisme et d'oligarchie corrompue. Dramatiquement, l'après-révolution allait ressembler aux dérives destouriennes avec le nahdhaoui Rafik Abdesslem, gendre de Rached Ghannouchi, bombardé ministre des Affaires étrangères pour ne citer que cet exemple qui d'ailleurs débouchera sur un risible Sheratongate.
Le dérisoire Appel des fauteuils et des dignités
Dommage que cette même et malheureuse partition soit jouée aujourd'hui sous nos yeux par un parti auquel le peuple tunisien a donné la majorité et dont les membres devraient apprendre à mieux se tenir. Et qu'on ne vienne pas me parler de crise de croissance ou de vilaines manœuvres précédant le congrès ! Il s'agit d'autre chose de plus grave et plus profond, une sorte de "Nidaa el Korsi" ( un dérisoire appel des fauteuils et des dignités) qui est en train de supplanter Nidaa Tounes, le parti majoritaire qui s'étripe, s'effrite, se bastonne et se livre au ridicule. De fait, il semble bien que Nidaa Tounes est en voie de scission (ce qui, répétons-le, mettra du baume au cœur des islamistes de tous bords car, avec le recul ou la division de ce parti, la majorité leur reviendra mécaniquement et démocratiquement). D'autre part, cette scission pourrrit tout aussi mécaniquement emporter le gouvernement Essid, toujours en difficulté et sans idée motrice car paralysé par une union des contraires qui au lieu de faire la force génère faiblesse et immobilisme. Enfin, et dans la perspective des Municipales de 2016, les modernistes tunisiens risquent - si ce cirque et ce pugilat continuent- de se présenter dans la pire des configurations face à un camp islamiste aguerri et occupant méthodiquement et sans concessions le terrain local.
Les visages glabres de l'épouvantail islamiste
Le paysage politique va entrer dans une nouvelle tectonique des plaques partisanes et, la crise nidaiste qui se précise risque de donner un peu plus d'air au centre mou de l'échiquier politique avec ses Chebbi, Ben Jaafar, Marzouki et consorts, toujours en embuscade et disposés a servir le plus fort en prêtant leurs visages glabres à l'épouvantail islamiste. Finalement, la transition est loin d'être terminée et nous n'avons pas fini de goûter aux couleuvres démocratiques, aux retournements de veste et de pantalon ainsi qu'aux félonies les plus élémentaires. Au fond, nous avons la classe politique que nous ne mériterions pas et les faits, toujours aussi têtus, démontrent jour après jour que les politiciens qui font et défont leurs alliances sont, tous ensemble hormis de trop rares exceptions, responsables de ce sordide karakouz qu'on veut faire passer pour la démocratie...

H.B.




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