Et maintenant le parti islamiste destourien...

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Chroniques
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Et si l'on allait au bout du consensus ! Et si un aggiornamento véritable avait lieu poussant dans les bras l'un de l'autre les ennemis d'hier, aujourd'hui alliés au sein du gouvernement ? Au fond, le Dialogue national désormais nobelisé avait montré la voie pendant cet été 2013 de tous les périls. Défrichant ce chemin du consensus, l'action du Quartette, pourtant contestée avec véhémence, poussera les deux vieux sages, Béji Caid Essebsi et Rached Ghannouchi, à une négociation dont nous goûtons désormais les fruits aigres-doux.
Pour isoler Bourguiba, une lecture conservatrice de l'héritage moderniste
Car au fond, l'alliance Nidaa-Ennahdha est une conséquence du Dialogue national et une expression de ce consensus qui offre un socle plus large à l'action gouvernementale. Cette grande coalition, issue des élections de 2014, est à l'image du Dialogue national une manière d'arrondir les angles, façonner les compromis et stabiliser le pays en rapprochant des forces antagonistes. Les uns sont ulcérés par ce tandem Nidaa-Ennahdha alors que d'autres s'en réjouissent. A tout prendre, et quoiqu'on en dise, il s'agit bien d'un signe de maturité de la jeune démocratie tunisienne. En effet, des pays comme l'Allemagne, en temps de crise, ont toujours eu recours à ce type d'alliance pour conjurer les situations difficiles. Cette logique de consensus ira-t-elle un jour encore plus loin ? Verrons-nous un jour naitre un parti islamiste destourien réunissant les antagonistes de l'histoire contemporaine de la Tunisie autour d'un programme économique libéral et une lecture conservatrice de l'héritage moderniste, lecture qui relativiserait le personnage de Bourguiba ?
Pourquoi ressort-on Abdelaziz Thaalbi du placard...
En ce sens, ressortir Abdelaziz Thaalbi du placard revient à retrouver les racines conservatrices du Destour, celles que Bourguiba avait bousculées, mises à l'encan et révolutionnées avec la fondation du Néo-Destour. A ce titre, les appels du pied à l'héritage de l'Archéo-Destour, celui de Thaalbi, sont loin d'être innocents. Tout comme les discussions passionnées autour de l'héritage de Kheireddine qui pour les uns serait un nahdhaoui avant l'heure et pour les autres un père spirituel du mouvement destourien. Cette drôle de convergence entre deux familles politiques, résolument tournées vers le passé afin de se trouver une racine commune, pourrait, disons-le par boutade, mener un jour à l'émergence d'un parti islamiste destourien dans lequel fusionneraient des éléments modérés d'Ennahdha avec des destouriens de Nidaa Tounes ou d'autres formations de la nébuleuse héritière des partis de Bourguiba et Ben Ali.
Aussi bien Nidaa qu'Ennahdha pourraient imploser
Malgré les apparences, il ne s'agit pas de politique-fiction mais d'un scénario plausible, à l'ordre du jour dans certaines chancelleries influents, qui verraient bien les irréductibles d'hier se retrouver autour d'un programme économique libéral. Car, parler d'une potentielle implosion du Nidaa, qui reviendrait à une scission de la gauche de ce parti, revient aussi à poser la toujours possible implosion d'Ennahdha avec la séparation des républicains encore hésitants, des fréristes intransigeants et des intégristes radicaux qui se partagent les rangs de cette formation. Ce scénario pourrait mener à une confluence inédite dans l'histoire politique tunisienne, une confluence commandée par la conjoncture et dont le moteur serait le pragmatisme.
Un pacte libéral pour encercler la gauche
Les voies de la politique sont impénétrables et les stratégies des uns et des autres encore opaques. Tous les coups seront sans doute permis dans un contexte qui cherche à isoler la gauche tout en étant tenté par la construction d'un grand parti de convergence. Ce serait alors une sorte de pacte de stabilité, conjurant les extrêmes et faisant le choix d'une démocratie libérale classique avec trois grands partis, conservateur, libéral et socialiste et une mosaïque de petites formations minoritaires. L'alliance qui se dessine pour les municipales entre Nidaa Tounes et Ennahdha n'est elle pas un indice en ce sens ?
Etouffer les destouriens en attendant l'inéluctable islamisation
Qui l'aurait dit, il y a seulement deux ans, lorsque la Troika tentait de remodeler la Tunisie ? Et qui aurait parié qu'un jour, les frères musulmans tunisiens, alliés aux anciens destouriens, seraient aux sources de cette convergence dont ils pensent qu'ils seront les ultimes bénéficiaires, en étouffant lentement l'idée destourienne (car seul le Coran doit, selon eux eux, avoir valeur de constitution) tout en prenant le temps d'agir sur le tissu social par une islamisation diffuse mais inéluctable ?

Hatem Bourial




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