Tunisie : Le gouvernement entre remaniement et dissolution

Tunisie : Le gouvernement entre remaniement et dissolution
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Tunis Hebdo | Le « limogeage » du ministre de la Justice, Mohamed Salah Ben Aissa, après la démission quelques semaines auparavant de Lazhar Akremi, témoigne de la situation guère « brillante » du Gouvernement de Habib Essid. Ces deux faits nous ont donné une illustration du fonctionnement du Gouvernement et de ses modes opératoires. Lazhar Akremi a qualifié le Gouvernement d’une institution tremblotante voire complètement inopérante. L’appréciation du ministre démissionnaire ne fait, en réalité, que confirmer l’impression que l’on pouvait avoir sur l’action du gouvernement.
L’improvisation, principale règle dans les prises de décision du gouvernement
En effet, et on l’a répété à plusieurs reprises, le travail gouvernemental manquait deux types de repères, dont l’importance est primordiale. En premier lieu, l’absence totale d’un programme de travail qui apparaît clairement dans les hésitations qui caractérisent les décisions du gouvernement et son inaptitude à réaliser des réformes de fond, pourtant nécessaires en cette première période stable après quatre années d’une transition difficile. Autrement dit, le gouvernement navigue à vue et adopte une démarche où l’improvisation semble être la principale règle dans ses prises de décision.
Un gouvernement qui manque cruellement d’audace et de pertinence
En deuxième lieu, le gouvernement manque cruellement d’audace et de pertinence dans l’exécution de « sa politique ». Aucune véritable volonté de changement ne semble figurer dans son calendrier ou dans son tableau de marche. Rien qu’après avoir pris connaissance du projet de Loi de Finances, nous sommes persuadés que les seules nouveautés prévues sont trop timides et ne peuvent prétendre faire avancer les choses. Quant au limogeage du Garde des sceaux, Mohamed Salah Ben Aissa, il a mis à nu un mode de fonctionnement très particulier. Le ministre de la Justice a révélé le dysfonctionnement manifeste entre le Chef du gouvernement et ses ministres. Le fait d’adresser une correspondance, et en plus d’une importance cruciale pour un projet de loi d’une telle importance comme celui relatif au Conseil Supérieur de la Magistrature, qui contredit la conclusion du ministre compétent le mettant en porte-à-faux, et sans même le consulter ou, au pire des cas, l’informer dénote d’un manque de coordination flagrant.
Les ministres relégués à un rôle de comparse
Une telle attitude est négative à deux points de vue : d’abord, le Chef du gouvernement, dont l’une des principales attributions réside dans la coordination entre son ministère et les autres, et entre les autres départements entre eux, n’a pas assuré comme il se doit cette synchronisation. Ensuite, elle relègue les ministres à un rôle de comparse, une situation qui est incompatible avec la mission nationale d’un premier responsable d’un département. Ensuite, et si la position de l’ancien ministre de la Justice est exemplaire en termes de défense de la suprématie de la constitution, l’attitude du Chef du gouvernement, en revanche, qui aurait donné son aval à un projet de loi truffé de violations du texte suprême, est inquiétante à plus d’un titre.
Remaniement inévitable
Sur ce plan, le paradoxe qui ressort aussi de cette histoire du départ de Mohamed Salah Ben Aissa, c’est que le projet de la commission de l’Assemblée des Représentants du Peuple proposerait un projet moins libéral que le projet initial de l’ex-ministre de la justice. Ces faits vont donc imposer un remaniement ministériel que le Chef du gouvernement devrait annoncer dans les prochains jours, si ce n’est dans les prochaines heures vu l’importance et la délicatesse de la mission de ce département de souveraineté. Reste que le problème ne se situe, peut-être, pas à ce niveau ! Il paraît aussi que ce remaniement ne serait pas limité au seul département de la Justice, mais concernerait d’autres ministères. Indépendamment de ces éventuels changements, il nous semble que le changement devrait aussi, et surtout, toucher la tête du gouvernement.
Multiples zones d’ombre
M. Habib Essid bénéficie certainement de la confiance des deux octogénaires qui gouvernent ensemble la Tunisie, le Président Béji Caid Essebsi et Rached Ghannouchi, mais cela ne suffit guère à faire de lui la personne idoine capable de mener les affaires du pays dans le contexte actuel. Il ne s’agit pas là d’une conclusion arbitraire, mais elle est née de l’observation de la situation dans le pays. En effet, les multiples zones d’ombre qui caractérisent sa marche dans plusieurs domaines et secteurs, la persistance de certains problèmes et l’inexistence de solutions crédibles, l’absence de toute rupture avec les anciens modes de fonctionnement et les anciens choix structurels qui prévalaient avant le 14 janvier 2011 sont autant de comportements qui sont en train de reproduire l’ancien système économique et social. Or, celui-ci avait atteint, à un certain moment de l’histoire, son seuil de rupture qui a fait chuter le régime. Si on n’y prête pas attention, même le régime issu de 2011 pourrait connaître le même sort si l’on continue à avancer à l’aveuglette, sans orientation fiable apte à changer positivement le visage du pays vers une plus grande égalité et justice.

L.L.




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