Gare à l’implosion !

Gare à l’implosion !
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Tunis Hebdo | Alors que des projets de loi d’une extrême importance devraient être prochainement discutés au sein de l’Assemblée des Représentants du Peuple, des projets qui peuvent être considérés comme décisifs et cruciaux pour l’avenir de la démocratie dans notre pays, à l’instar de la législation se rapportant au Conseil Supérieur de la Magistrature ou à la Cour Constitutionnelle, ou encore celle concernant certains choix à caractère économique comme cette fameuse loi sur le partenariat public-privé, déjà qualifié par l’UGTT, à juste titre d’ailleurs, comme étant « un programme de privatisation qui ne dit pas son nom », voilà que l’intérêt de l’opinion publique est plutôt accaparé par la situation qui prévaut au sein du parti majoritaire, Nidaa Tounes.

Il semble que les conflits ont atteint ces derniers temps une telle proportion que les différents protagonistes semblent vouloir les trancher d’une manière radicale, d’un côté ou d’un autre.
Le Parti, dont le Président de la République avait voulu, à l’époque, en faire un rassemblement de forces et de personnalités porteuses d’une certaine idée de la modernité et du progrès, pour s’opposer au projet sociétal et politique rétrograde des Islamistes, semble sur le point d’imploser sous les coups de boutoir de nombreuses forces visibles ou occultes.

Fondé sur le principe d’un ralliement des forces démocratiques et modernistes, héritières du legs bourguibiste dans sa dimension sociétale, Nidaa Tounes avait répondu à l’époque à une demande expresse de l’opinion publique qui voyait avec beaucoup d’inquiétude le pays glisser dans les affres des ténèbres de l’obscurantisme. Toutes les tendances non organisées en partis, et même d’autres, se retrouvèrent, donc, unies dans cette structure qui visait à protéger le pays en s’érigeant en tant que force alternative crédible aux Islamistes d’Ennahdha et de ses satellites.

Le succès électoral relatif de Nidaa Tounes a constitué une semi victoire dans la mesure où le corps électoral ne lui a pas accordé une majorité pouvant lui permettre de gouverner le pays sans s’appuyer sur d’autres forces au sein du nouveau parlement, y compris sur l’ennemi d’hier ! C’est à partir de ce moment que les conflits ont commencé à se faire jour. Trois grands dossiers ont envenimé l’ambiance au sein du parti.

D’abord, la désignation du Chef du gouvernement ! Certains souhaitaient la nomination d’une personnalité « nidaiste », comme le voudrait la logique politique, ou une personnalité « indépendante », le choix qui a été opéré par le Président de la République, mais qui n’a jamais vraiment fait l’unanimité.

Ensuite, le choix d’une coalition ou d’une alliance avec les islamistes, un choix peut-être rendu nécessaire par la configuration de l’Assemblée des Représentants du Peuple, mais pas inévitable, a créé une grande tension au sein du parti, sans négliger la déception d’une grande partie des électeurs qui se sont sentis floués par ceux qui ont voté pour cette option.

En troisième lieu, la course invétérée vers les postes de responsabilité a fini par créer des tensions entre plusieurs groupes, qui appuyaient certains, ou plus simplement des individus qui se voyaient déjà bien installés dans de nouvelles fonctions au sein de l’appareil d’Etat, au gouvernement ou ailleurs.

Ce sont là, à notre humble avis, les principaux faits qui ont concouru à l’évolution de la crise au sein de Nidaa Tounès. Cependant, d’autres considérations, non moins importantes, ont contribué à la crise actuelle.

Il y a, en premier lieu, l’absence de structuration du parti laquelle a pris beaucoup de temps, et elle constitue aujourd’hui le principal enjeu entre les différents protagonistes. La confusion règne entre les différentes structures actuelles, le Conseil national, le bureau politique, le bureau exécutif, le Secrétariat général, la présidence du parti, avec notamment la question de la légitimité qui paraît la plus complexe à assurer. Autrement dit, la tenue d’un congrès pour la mise en place de structures stables est plus qu’urgente à condition qu’elle se fasse dans la transparence et dans une ambiance démocratique pour éviter son implosion.

Il y a, en second lieu, la position hésitante du fondateur Béji Caid Essebsi qui n’a pas pu ou voulu encore intervenir pour essayer de trancher certaines questions qui mettent en danger la survie du parti. Son intervention, vu qu’il bénéficie encore d’une sympathie certaine dans les rangs du parti, pourrait débloquer la situation et ramener les adversaires d’aujourd’hui à trouver un compromis pour réaliser la transition d’un parti électoral vers un parti de masse, stable et organisé.

En troisième lieu, il ne faut point négliger les manœuvres douteuses de forces occultes, à l’intérieur du parti ou à l’extérieur, qui visent non seulement à le déstabiliser pour l’affaiblir, mais aussi à tenter d’en prendre les commandes par personnes interposées pour en faire un instrument au service de leurs propres intérêts.

Les réunions qui se sont tenues à la fin de la semaine à Tunis ou à Djerba montrent que le fossé risque de s’agrandir entre les uns et les autres. Pourtant, tous les « Nidaistes » ont intérêt à agir autrement afin de retrouver une certaine forme d’unité. Pour y arriver, il convient qu’ils mettent leurs égos au placard pour essayer de restaurer une image plus sereine de leur parti, afin de rassurer leurs partisans et de trouver des compromis durables pour assurer sa survie.

Car, l’existence d’un grand parti moderniste est une condition sine qua non pour le renforcement de la démocratie en Tunisie. Et ceux qui, par leurs agissements, veulent voir s’écrouler « Nidaa Tounès » préparent le lit à une Tunisie conservatrice…

L.L.




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