Tunisie : La dégringolade a été vertigineuse en 5 ans

Tunisie : La dégringolade a été vertigineuse en 5 ans
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Tunis Hebdo | Le contexte tunisien est complexe. Il comporte un nombre important de dossiers dans lesquels les institutions semblent s’embourber implacablement et inévitablement. Ces dossiers se multiplient non sans quelques ballons d’essai qui viennent mesurer le pouls, à la fois de l’opinion publique et de la société civile. Sans être exhaustif, on dira que l’une des problématiques qui soulèveront probablement le plus de polémiques dans les prochains jours se rapportent à ce que l’on appelle déjà le retour des centaines de djihadistes avec, à l’horizon, un texte législatif spécial, une sorte de loi pour les futurs « repentis » et ceux qui souhaitent rentrer dans les rangs et revenir dans le « droit chemin ».
60 places de perdues depuis 2010
La déroute de Daech, qui se dessine après l’entrée « fracassante » sur la scène de de la Russie de Poutine, pourrait rapidement amener l’opinion publique tunisienne à se préoccuper de cette question d’une très haute importance pour la sécurité et l’avenir du pays. Cependant, un autre sujet tout aussi préoccupant attire l’attention cette semaine avec ce classement publié par le World Economic Forum dans son rapport consacré à la compétitivité globale pour 2015-2016 où il place la Tunisie au 92ème rang mondial sur 140 pays. Tout d’abord, la dégringolade a été vertigineuse puisque en l’espace de cinq années, la Tunisie classée à la 32ème position en 2010, a donc perdu 60 places, elle est désormais devancée par plusieurs pays arabes, dont le Maroc et l’Algérie, et africains. Une chute très inquiétante dans un pays où le changement politique de 2011 avait fait naître de grands espoirs chez toutes les catégories sociales.
97ème place pour le crime organisé ; 128ème pour les risques terroristes
Ensuite, et ce qui est encore plus ennuyeux, c’est lorsqu’on analyse les critères sur lesquels ce classement a été élaboré, on peut remarquer que certains aspects qui constituent les piliers d’une activité économique saine à même de relancer le pays, devraient inciter non seulement à la réflexion mais aussi à l’action. Sans passer en revue ces critères dans leur totalité, nous avons choisi ceux qui nous semblent avoir un impact plus direct sur l’économie. Ainsi, la Tunisie se retrouve à la 133ème place en ce qui concerne la solidité des banques, à la 126ème position pour ce qui est du poids des procédures douanières, à la 121ème pour ce qui se rapporte à la disponibilité des services financiers, à la 111ème en ce qui concerne l’efficience du marché du travail, à la 101ème pour ce qui est du crime et de la violence et à la 97ème place pour le crime organisé. Quant au facteur des risques terroristes, nous nous trouvons à la 128ème place mondiale. Ce sont là des signes alarmants et qui n’augurent rien de bon pour l’avenir si les pouvoirs publics ne réagissent pas de manière radicale et surtout courageuse pour contenir et limiter les multiples abus qui se poursuivent dans les activités économiques et commerciales.
"La révolution de la liberté et de la dignité" transformée en véritable liberté de tout faire
En fait, l’impression qui se dégage est que l’après 14 janvier 2011 a ouvert une véritable « boîte de Pandore », contribuant à une course échevelée et frénétique vers les richesses ajoutée à une impuissance totale de l’Etat, considérablement affaibli par les gouvernants qui se sont succédé à sa tête. Cette situation nous a permis de constater la richesse soudaine de nombreuses personnes généralement liées, comme cela est de coutume, à ceux qui ont gouverné le pays, les multiples affaires sulfureuses dont les auteurs ont avalé des dizaines de milliards dans l’impunité totale, ceux qui agissent dans l’ombre dans des affaires spéculatives que l’on peut assimiler à de vastes escroqueries, ceux qui s’organisent en bande pour faire du commerce illégal parfois au vu et au su des différents organes de l’Etat, la multiplication des délits d’initiés et de tout autres délits financiers etc. C’est dire que « la révolution de la liberté et de la dignité » s’est transformée en véritable liberté de tout faire, sans limite et avec la complicité des nouveaux dignitaires de l’Etat. Cette frénésie de la recherche du gain a déteint sur l’ensemble des couches sociales, ce qui explique, en partie du moins, le développement des revendications sociales qui ont foisonné ces derniers temps contribuant à la création d’une forte tension sociale particulièrement nocive sur tous les plans.
La Tunisie à la recherche de sa crédibilité
Ce contexte a fait perdre à la Tunisie sa relative crédibilité sur le plan de l’efficience de ses institutions politiques, financières et économiques. Aujourd’hui, les chantiers pour remettre l’économie nationale sur le chemin de la croissance et du développement sont certes nombreux mais, leur concrétisation passe par deux grands axes. En premier lieu des choix clairs en termes d’orientation économique et sociale avec une armada législative et réglementaire de nature à donner les moyens de son action à l’administration et à l’Etat, et en deuxième lieu, une gestion audacieuse de certains dossiers en commençant par la rupture des mystérieuses et douteuses relations entre les cercles économiques et les centres de pouvoir politique. C’est dire que les gouvernants doivent lever l’étendard de la probité et de la consécration d’une sorte d’éthique socio-économique qui les placent au-dessus de tout soupçon dans l’imaginaire populaire. Reste que nombre d’institutions doivent aussi tenir leur rôle comme il se doit et être à la hauteur de leur prestige à l’instar du pouvoir judiciaire ou de l’administration si on veut créer une onde de choc optimiste et capable de porter le pays vers de nouveaux horizons plus cléments. La Tunisie a plus que jamais besoin d’établir une nouvelle image d’elle-même, d’un pays et d’un peuple laborieux, lancé vers la recherche de la prospérité et de la modernité, et dans un environnement politiquement démocratique, et économiquement transparent.

L.L.




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