Zakaria Amara

Zakaria Amara
National
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Tunis Hebdo | Le geste accompli par le ministre de l’Education nationale en faveur du petit Zakaria Amara en l’accompagnant et en l’inscrivant personnellement à l’école «Imam Sahnoun», à La Manouba, a ému un grand monde à l’échelle de la République et même au-delà. Néji Jalloul, dont le nom caracole dans les sondages, a fait l’objet d’un vibrant hommage de la part de milliers de personnes qui se sont exprimées à travers les réseaux sociaux, la presse nationale ou de vive voix sur la voie publique, pour le remercier d’avoir sauvé la vie de ce petit garçon, handicapé de naissance par de sérieux problème de vue. «Sauvé» ? D’aucuns en doutent. Pour eux, la noblesse du geste ne saurait occulter la difficulté majeure à laquelle le jeune Zakaria sera confronté, eu égard à l’épaisseur de son mal. Car, disent-ils, à l’école, comme en conduite, la vue c’est la vie. Pour suivre le rythme et réussir, il faut jouir pleinement de sa faculté de vision. Pétris de cet argument, certains vont jusqu’à affirmer qu’en scolarisant cet enfant, le ministre «lui compromet irrémédiablement l’avenir» ! Ce genre de raisonnement maximaliste est assez exagéré, même s’il renferme un grain de vérité, comme dit Heidegger. Après tout, l’Histoire regorge de génies et de sommités handicapés, qui ont marqué le Temps de leurs empreintes indélébiles. Taha Husseïn, Al-Maârri, Bachar Ibnou Bord, pour ne citer qu’eux, n’étaient pas malvoyants mais complètement aveugles de naissance. Ou presque. Rien à voir avec le petit Zakaria qui, lui, est loin d’être un cas désespéré. Avec un peu plus de sollicitude en famille et à l’école, il saura sûrement s’en sortir. Peut-être même avec brio. Les personnes en bonne santé ne sont pas, «a priori», plus intelligentes que les personnes souffrant d’un handicap physique. Bien au contraire, il en est parmi ces dernières qui battent des records d’intelligence, de loin supérieurs à ceux des «métazoaires» normalement constitués. Sait-on que le plus grand astrophysicien du monde, depuis Einstein, est un handicapé moteur qui dirige aujourd’hui les plus importantes recherches dans cette discipline, à l’université de Cambridge ? Stephen Hawking, qui vit depuis 48 ans cloué sur sa chaise roulante, paralysé et sans voix, a révolutionné la physique moderne en démontrant que «le temps disparaît dans les trous noirs». Hawking a eu la chance de naître au pays de la science. Le soutien «aveugle» du pouvoir politique aux hommes du Savoir lui a permis de développer son génie et d’exercer son talent de la plus belle manière qui soit. Malheureusement, cette chance a manqué – et manquera probablement encore longtemps – à de nombreux Tunisiens nés handicapés. Prodiges «à l’état brut», ces derniers manquent de structures adéquates pour apprendre et rayonner. La Tunisie a fait beaucoup pour l’enseignement public au point de figurer parmi les Etats les plus avancés en la matière. Mais elle a cruellement négligé les secteurs des handicapés. De Bourguiba à BCE, en passant par Marzouki et ses prédécesseurs, l’effort déployé dans ce domaine est, à peu près, égal à zéro. En plus d’un demi-siècle d’indépendance, notre pays ne compte que trois blêmes institutions à l’échelle territoriale relevant du ministère de l’Education et de la Formation. Ce sont : l’école primaire des aveugles «Ennour», à Bir Al-Kassaâ (enseignement de base), l’école primaire des aveugles «Ennour», à Gabès (enseignement de base), et l’Institut de l’Aveugle, à Sousse (enseignement secondaire). A part ces trois institutions, on chercherait vainement à repérer d’autres espaces publics pour l’intégration scolaire des handicapés. L’Etat a, bien sûr, cherché à combler cette grosse lacune en s’en remettant aux associations caritatives et humanitaires dont les résultats, dans cet univers précis, sont forcément chétifs et malingres. Notre reproche ne s’adresse nullement au ministre de l’Education actuel, en l’occurrence M. Néji Jalloul. Homme de terrain et «fighter» résolu, il a accompli en moins de cinq mois ce que d’autres n’ont pu réaliser durant de très longues années. Notre souhait est que cette lacune figure parmi les dossiers concernés par la réforme. Le Savoir, c’est la Lumière. Il est capable – qui sait ? – de nous produire un Hawking tunisien.

Tahar Selmi




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