Tunisie : L’IVD dans l’œil du cyclone !

Tunisie : L’IVD dans l’œil du cyclone !
National
print



L’un des piliers de la nouvelle Tunisie issue de l’après 14 janvier est en panne ! En effet, la justice transitionnelle, qui devrait sceller la réconciliation nationale sur des bases nouvelles est plus que jamais au centre des polémiques entre les différents acteurs de la scène politique, les uns semblant vouloir en accélérer le processus et tourner le plus rapidement cette page obscure de l’histoire de notre pays ; les autres semblant en faire un de leurs chevaux de bataille dans le proche avenir pour tenter de se remettre en selle et reconquérir une place sur l’échiquier politique par le biais de slogans populistes tournant autour de la résurgence de la « contre-révolution ». Aujourd’hui, la principale Instance chargée de la justice transitionnelle en Tunisie est au centre de critiques, parfois acerbes relativement à son fonctionnement, à son rôle et à la manière dont elle est gérée. Sa présidente, Mme Sihem Ben Sédrine, se retrouve donc dans le collimateur du fait de son comportement, de ses positions et de la gestion de l’Instance Vérité et Dignité. Si nous faisons un petit saut en arrière, nous remarquons que la justice transitionnelle a connu une naissance douloureuse dans la mesure où les principaux acteurs politiques ainsi que les institutions, sous la Troïka, puis sous le gouvernement de Mehdi Jemaâ, surtout la défunte ANC, ont adopté une démarche politicienne qui a faussé dès le départ sa mise en place. Sans nous prononcer sur la personnalité de la présidente ou des membres de l’IVD sur lesquels nous n’avons aucun préjugé défavorable, il est impérieux de reconnaître, quand même, que leur désignation par l’ANC à l’époque avait suscité divers commentaires et critiques. La principale critique est liée au caractère politicien de ces désignations. La controverse a surtout touché sa Présidente dont les liens avérés avec les Islamistes étaient bien établis, ce qui a pesé sur la crédibilité et la neutralité de l’IVD ainsi que sa véritable mission et ses desseins. Ce handicap a privé un départ dans la sérénité de cette IVD d’autant plus qu’elle a enregistré assez rapidement la démission de membres dont on ne peut douter ni du passé militant (Khemaies Chemmari, Noura Borsali) ou de l’engagement en faveur des droits humains sous la sombre période de la dictature. Ce manque de maîtrise de soi de la Présidente a déteint sur son comportement et sur la réputation de l’IVD. Elle a cruellement manqué de recul au moins dans deux situations : d’abord dans la gestion des membres qui composent avec elle l’Instance en question, les « conflits » entre ces derniers se cristallisant entre ceux qui sont favorables à ses positions personnelles et ceux qui lui sont opposés ; ensuite dans son attaque frontale du projet de loi de réconciliation économique en menant une véritable campagne non dénué d’agressivité à l’encontre du contenu du texte, de ses objectifs, et par conséquent, de ses promoteurs. Sur ce plan, il convient de dire que la réussite des institutions dépend intimement de la capacité, de la compétence et de la sagacité des hommes qui les gèrent. En ne parvenant pas à s’élever au-dessus des conflits et des humeurs de ses collègues, en manquant de sens de la mesure envers les institutions de l’Etat, elle s’est attirée les foudres de ses adversaires qui ne ratent aucune opportunité pour lui ôter toute fiabilité. Ce mouvement s’est accru avec la démission de Mohamed Ayadi, un magistrat au Tribunal Administratif connu pour son intégrité, puis par l’exclusion de son vice-président (Zouhaier Makhlouf) sur son initiative et au mépris des procédures prévues par la loi relative à l’IVD, et enfin par les fortes suspicions, réelles ou factices, autour de prétendus dépassements administratifs et financiers au point que soixante-deux députés appartenant à trois partis différents (Nidaa Tounès, Afek et l’UPL) ont demandé l’ouverture d’une enquête parlementaire sur la question. L’impression qui se dégage est que la Présidente et ses adeptes sont convaincus que la justice transitionnelle dans toute sa dimension doit nécessairement être du ressort de l’IVD. Ils souhaitent accaparer toutes les opérations relatives à la question et en faire leur chasse gardée. Or, rien dans la loi concernant la justice transitionnelle n’octroie une compétence exclusive à l’IVD, liant au contraire son action à ce qui a un rapport avec une violation des droits humains ; ce qui peut laisser croire, à moins d’une très large et peu convaincante interprétation, que les questions économiques peuvent lui échapper. Car les textes de ce genre ne peuvent être interprétés que de manière restrictive. Maintenant, il s’agit aussi de faire en sorte que le projet de loi de la réconciliation économique ne paraisse pas comme un subterfuge, une manière de tourner une page de notre histoire contemporaine caractérisée par la corruption ou des abus financiers avec précipitation ou en sombrant dans la complaisance, voire de la complicité avec les coupables présumés. L’idéal pour la justice transitionnelle afin qu’elle puisse atteindre ses véritables objectifs est qu’elle se déroule dans une conjoncture dépassionnée où la rigueur, le souci de faire prévaloir la justice et même l’équité, la volonté de préserver et garantir l’intérêt général et celui du pays, prédominent. Or, aujourd’hui, les différents acteurs réagissent sous leurs angles, nécessairement, étriqués, ce qui fausse totalement le processus, le transformant en un élément de tension, voire de crise au lieu d’en faire un élément d’apaisement social et politique. Il s’agit de faire en sorte que toute l’opération puisse se faire de manière juste, tout en se débarrassant de ses relents populistes, et en veillant à protéger les intérêts du peuple sans aucune faiblesse mais dans un esprit équitable. Sans abus, mais courageusement et fermement !

L.L.




André Parant juge nécessaire de préserver les acquis démocratiques en Tunisie

Précédent

Tunisie : Arrestation d’un deuxième terroriste

Suivant