"God save the Queen" : Aux origines des relations tuniso-britanniques

"God save the Queen" : Aux origines des relations tuniso-britanniques
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L'actualité douloureuse vient de resserrer les liens historiques des peuples tunisien et britannique. Frappés ensemble par la terrible attaque terroriste d'El Kantaoui, la Tunisie et le Royaume Uni restent debout ensemble et s'apprêtent à affronter la violence aveugle et barbare. Les relations entre nos deux pays sont ancrées dans un passé lointain et nous tenterons dans cette chronique de remonter leur généalogie. En commençant par mentionner la visite d'Etat en Tunisie de sa majesté la reine Elisabeth en octobre 1980, visite durant laquelle elle avait découvert Sousse et El Kantaoui ainsi que le musée du Bardo. Mais remontons d'abord le cours de l'histoire...
LES COMPAGNONS DE LORD EDWARD
C'est en 1270 que celui qui allait devenir le roi Edward I est arrivé en Tunisie à la tête d'une flotte de plusieurs vaisseaux. Son objectif : rejoindre le roi français Saint Louis et l'accompagner dans sa croisade en Orient. Seulement, arrivant à Tunis, Lord Edward découvrira que Saint Louis était mort de la peste. Il décidera alors de mettre le cap sur la Sicile puis se dirigera vers la Terre sainte. Selon la tradition, l'installation des premiers Britanniques date de cette période. En effet, quelques uns parmi les accompagnateurs de Lord Edward préférèrent s'établir à Tunis pour y commercer. Ils s’installèrent dans des locaux situés non loin de Bab Bhar. Ce sont ces mêmes locaux qui seront concédés au dix-septième siècle par les autorités tunisiennes pour y installer le consulat britannique du temps de Charles I puis l'ambassade du Royaume Uni en Tunisie indépendante.
LE PREMIER TRAITE TUNISO-BRITANNIQUE
Hamish Cowell, l'actuel ambassadeur du Royaume Uni en Tunisie, est le chainon le plus récent d'une tradition diplomatique qui remonte au dix-septième siècle. En effet, le premier traité tuniso-britannique date de 1662 du temps de Charles II. Il est venu officiellement établir la présence des consuls britanniques en Tunisie et organiser le commerce entre les deux nations. Toutefois, avant même ce premier traité, des consuls anglais existaient à titre informel. Ils étaient désignés parmi leurs pairs commerçants et étaient chargés d'arbitrer les conflits toujours potentiels. Ce sont des tombes dans l'ancien cimetière anglais de Tunis qui l'attestent par leur épigraphie. Notons que ce cimetière a servi de terrain pour la construction de l'église anglicane Saint-George qui se trouve toujours à Bab Carthagène. Notons également que ce traité entre la Tunisie et le Royaume Uni est historiquement le second, après celui avec l'empire ottoman, à avoir vu le jour.
CIMETIÈRE BRITANNIQUE ET ÉGLISES ANGLICANES
C'est le consul Campion, nommé en 1640, qui reçut en donation le terrain sur lequel fut installé le cimetière britannique de Tunis. Il y fut d'ailleurs enterré en 1661. De nombreuses tombes sont encore présentes sur le site de l'église anglicane, parmi lesquelles celle de John Payne, un consul américain du dix-neuvième siècle surtout connu pour la célèbre chanson "Home, sweet home" dont il est le compositeur. Notons également une plaque commémorant sir Thomas Read, un consul britannique qui joua un rôle important dans l'abolition de l'esclavage en Tunisie. L'église que nous connaissons aujourd'hui a pour sa part été construite en 1901 grâce à une souscription lancée par le vicaire Cameron Flad. Auparavant, les Anglicans se réunissaient dans une église dédiée à Saint Augustin. Fondée en 1834, cette église anglicane a aujourd'hui disparu. Elle se trouvait dans les parages de l'actuel Marché central.
CORSAIRES, CAPTIFS ET RENÉGATS
Les premières traces de Britanniques en Tunisie sont celles de marchands. Citons par exemple John Tipton qui sera élevé à la dignité de consul en 1585. Citons également William Lithgow qui achetait en Tunisie du corail ou des amandes. Citons aussi le fameux renégat John Ward qui, Anglais d'origine, fut l'un des plus redoutables corsaires tunisiens. Il était relativement fréquent que des flottilles britanniques se présentent devant les ports tunisiens. Par exemple, Robert Blake, l'un des généraux de Cromwell, qui détruisit plusieurs bateaux corsaires tunisiens à Porto Farina, l'actuel Ghar el Melh où se trouvait alors le port principal de la Régence de Tunis. Dans cet esprit, l'expédition du capitaine John Stokes à bord du Lyme est demeurée célèbre. En effet, ce capitaine avait obtenu la libération de 72 captifs britanniques, en menaçant de bombarder Tunis. En règle générale, les corsaires tunisiens ne s'attaquaient pas aux vaisseaux de la Royal Navy mais des crises ont souvent vu le jour. La pire faillit en 1816 déboucher sur une guerre lorsque Lord Exmouth dirigea une flotte contre les corsaires barbaresques. Heureusement, la situation fut sauvée in extremis.
LA RÉSIDENCE DES AMBASSADEURS DU ROYAUME UNI
La résidence des ambassadeurs anglais en Tunisie se trouve à la Marsa depuis 1850 et a été construite par Richard Wood, il a fallu du temps et des moyens pour que les consuls qui habitaient à Bab Bhar s'installent à la Marsa. On raconte ainsi qu'à cause de problèmes de trésorerie alors qu'il construisait la nouvelle résidence, le consul Richard Wood fut acculé à louer le rez-de-chaussée du consulat de Bab Bhar pour pouvoir achever les travaux. C'est le même Wood qui a fait l'acquisition du palais Ben Ayed et des terrains qui l'entourent pour y bâtir la nouvelle résidence. Les travaux durèrent quatre ans et coûtèrent 12.000 livres sterling. Ben Ayed était l'un des courtisans les plus en vue de cette époque. En conflit avec le bey, il s'enfuira en Angleterre avec un passeport britannique et sur un vaisseau anglais.
RICHARD WOOD, UNE LONGUE HISTOIRE TUNISIENNE
Richard Wood reste dans l'histoire l'un des consuls les plus actifs. Il a occupé son poste durant 23 ans. On retrouve sa trace lors de la fondation de la première banque tunisienne. En outre, il a introduit en Tunisie des compagnies britanniques spécialisées dans la recherche de gaz naturel en 1860. Il fut aussi à l'origine du train dont la gare de départ se trouvait au Passage, à l'emplacement actuel du métro. Cette gare desservait la Marsa, avec un arrêt devant la résidence britannique. Jusqu'au milieu du vingtième siècle, cette station "Consulat" survivra dans la mémoire collective. Wood est mort à l'âge de 91 ans, après une retraite en Italie.
ALTESSES ROYALES EN TUNISIE
La reine Elizabeth d'Angleterre a effectué une visite d'Etat en Tunisie en octobre 1980. Elle avait à l'époque planté un olivier dans la résidence des ambassadeurs britanniques de la Marsa. La reine avait aussi visité le musée du Bardo. Elle avait également, à bord du yacht royal, visité Sousse et El Kantaoui, la station touristique qui venait de voir le jour. Plusieurs visiteurs de la famille royale ont honoré la Tunisie de leur présence. Le prince de Galles s'est ainsi rendu dans notre pays en mars 1990 et demeura durant quatre jours dans la résidence de la Marsa. Notons également les visites de la princesse Margaret (1976), du duc d'Edinburgh (1982) ou du duc de Gloucester (1985). Toutes ces visites d'altesses royales avaient contribué à ancrer le tourisme anglais en Tunisie et consolider les relations entre nos deux pays. Après l'attentat criminel d'El Kantaoui, c'est aussi dans la profondeur de leur amitié commune que Tunisiens et Britanniques iront chercher leurs certitudes et leur désir d'aller de l'avant...
Nota bene : Nous poursuivrons prochainement ces chroniques britanniques avec un regard sur Winston Churchill et l'engagement du Royaume-Uni en Tunisie pendant la Deuxième Guerre mondiale.



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