Ces militaires qui tuent d’autres militaires

Ces militaires qui tuent d’autres militaires
National
print



Ce qui s’est passé ce lundi 25 mai à la caserne du Bardo n’est pas une première. Des militaires qui se mettent soudain à tuer leurs camarades, cela arrive plus souvent qu’on ne croit, autant en Tunisie, qu’ailleurs dans le monde. Peut-on expliquer ces faits tragiques, y a-t-il un fil conducteur, quelque chose qui pourrait aider à comprendre le pourquoi de tels actes ? Ce qui est sûr, c'est que de tels actes ne sont pas nouveaux ?
Tunisie
En novembre 2014, un soldat en a tué un autre en l’égorgeant devant la caserne de Zaarour, dans la délégation de Menzel Bourguiba. Des dissensions personnelles seraient à l’origine du drame. D’autres parmi nos militaires sont morts de façon pour le moins étrange durant ces trois dernières années. Wajdi Khedher, 20 ans a a été tué, semble-t-il par erreur, en novembre 2014 avec sa propre arme, à Chambi. Wajdi a reçu une balle dans la poitrine et deux autres au bras. Deux expressions semblent ne pas coller dans cette phrase : « par erreur » et « avec sa propre arme ». On attend encore les réponses… En juin 2013, Mokhtar Mbarki, 45 ans, tombe à Chaambi sous sept balles. Il se serait éloigné de ses compagnons d’armes, en pleine nuit, afin de satisfaire un besoin naturel. A son retour, quelques minutes plus tard, ses collègues ne l’auraient pas « reconnu » et lui auraient sommé de s’arrêter. Ce qu’il n’aurait pas fait d’où sept balles dans le corps. La version officielle parle « d’erreur » et de « bavure ». En mars 2013, un « incident » qui aurait pu tourner au drame s’est fort heureusement bien terminé. Lors du ratissage mené par l’armée et la Garde nationale, dans la région de Garn El Halfeya, un agent de la Garde nationale a été blessé par l’un de ses camarades. Par chance, la blessure était sans gravité. Encore une histoire qui finit bien heureusement mais qui pose aussi beaucoup de questions. Courant août 2013, Un sergent de la Garde nationale du poste frontalier de Sidi Boubaker à la frontière tuniso-algérienne a été blessé par deux balles, à l’épaule et à la jambe. Le sergent se dirigeait vers le lieu de son travail, vers 01H30 du matin. Il a été sommé de s’arrêter par les gardes frontaliers mais a décidé quand même de continuer son bonhomme de chemin. Résultat des courses : deux balles dans le corps. Et la palme de l’étrangeté revient, sans conteste, à ce drame de Medjez El Bab, survenu en septembre 2014. Un caporal-chef a été retrouvé mort par balle dans la caserne de Medjez El Bab, balles tirées par sa propre arme à la poitrine. Ici aussi, on hésite entre suicide, tir par erreur (accident) ou meurtre.
Maroc
En mai 2014, un militaire marocain a été abattu par plusieurs coups de feu tirés dans la tête par un de ses collègues. La pression que subissent les soldats marocains dans la zone sud du Maroc aurait été à l’origine de ce drame et de bien d’autres. En 2013, trois officiers ont été abattus par un de leurs collègues dans leur caserne, aux frontières avec la Mauritanie.
Turquie
En février 2015, Un soldat a tué trois de ses collègues en leur tirant dessus à bout portant. Il souffrait d’une dépression grave. En décembre 2014, un militaire a tué deux de ses collègues avant de retourner l'arme contre lui au sud du pays, près des frontières syriennes.
Corée du Sud
En juin 2014, Un jeune sud-coréen de 22 ans qui était sur le point d’achever son service militaire a tué cinq de ses collègues, avant de s’enfuir. Il a été arrêté quelques heures plus tard et son « coup de folie » aurait été la conséquence de harcèlements et maltraitances. En 2011, un soldat de 19 ans a tué quatre de ses collègues sur l'île de Ganghwa, près de la frontière. En 2005, un conscrit (qui effectue son service militaire obligatoire) de 22 ans a tué huit soldats et blessé grièvement deux autres en les arrosant de balles alors qu'ils dormaient.
Etats-Unis
En avril 2014, sur la base Fort Hood, la plus grande base militaire des USA, un soldat a tué trois de ses collègues et blessé une quinzaine d’autres avant de se suicider. Il avait servi quatre mois en Irak en 2011 et souffrait de dépression. Cette même base avait été le théâtre d'une fusillade encore plus meurtrière en 2009. Le major Nidal Hasan avait fait feu sur ses collègues, faisant 13 morts. L'enquête a montré qu'il était lié à Al-Qaïda. En 2009, sur une base militaire en Irak, un soldat américain a tué cinq de ses collègues, trois soldats hospitalisés et deux médecins-officiers. Il est à noter que son supérieur avant une semaine avait fait une demande afin que son arme lui soit confisquée, jugeant son état instable. Au juge qui lui demandait la raison de son geste, il a répondu : «Je l'ai juste fait parce que j'avais la rage».
Thaïlande
Le 11 mai courant, un soldat âgé de 57 ans a ouvert le feu dans sa caserne, tuant deux autres soldats, avant de se rendre. Selon l’enquête, il avait des problèmes d’ordre personnel avec eux. En novembre 2014, un jeune militaire de 21 ans a ouvert le feu à l'arme automatique dans sa caserne, tuant quatre gradés, avant de retourner l'arme contre lui. La dureté du service militaire en serait la cause. Les jeunes Thaïlandais effectuent un service de 18 mois dans des conditions de tensions extrêmes où ils doivent faire face à des attentats et des guet-apens dans un conflit qui s’enlise depuis dix ans et qui a fait des milliers de morts. Si l’on écarte les motivations terroristes, qui sont loin d’être une généralité dans ces drames souvent imprévisibles, le coupable tout désigné semble être le stress énorme que subissent les militaires. Défendre un pays n’est pas tâche facile et voir ses collègues mourir, penser qu’on peut soi-même mourir d’un moment à l’autre doit être un poids humainement très lourd à porter. Y a-t-il un moyen de prévoir et d’empêcher ces passages à l’acte ? La question est posée…

Sonia Bahi




André Parant juge nécessaire de préserver les acquis démocratiques en Tunisie

Précédent

Tunisie : Séance inaugurale du conseil des régions et des districts

Suivant