Nouri Lajmi (HAICA) : «Plus on s’approchera des élections, plus les sanctions seront sévères»

Nouri Lajmi (HAICA) : «Plus on s’approchera des élections, plus les sanctions seront sévères»
Tunis-Hebdo
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Le président de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA), Nouri Lajmi, revient sur les propositions de la HAICA concernant la couverture médiatique des prochaines élections, sa position vis-à-vis des médias tunisiens qui diffusent à partir de l’étranger et sur l’«affaire Andi Mankolek». Vous avez présenté, la semaine dernière, à l’ANC, des propositions concernant certains volets de la loi électorale. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce sujet ? Nous avons proposé, en effet, un certain nombre d’amendements visant la loi électorale, et ce, afin d’obtenir plus de précisons concernant les compétences de l’Instance Supérieure Indépendante pour les Élections (ISIE) et de la HAICA, notamment par rapport à la couverture médiatique pendant la période électorale. Parmi les propositions que nous avons présentées, la répartition de la période électorale en quatre étapes: la première étape étant la pré-campagne, la période qui couvre les trois mois précédant le lancement officiel de la campagne, la deuxième étant la période de la campagne, qui dure vingt-deux jours, la troisième étant la période du silence électoral, c’est-à-dire les vingt-quatre heures avant le scrutin, durant lesquels on n’a pas le droit d’évoquer les élections, et enfin la journée du scrutin et tout ce qui vient après.

«Certains pensent que la HAICA est venue limiter leurs rentrées publicitaires et/ou leurs libertés»

Bien évidemment, les mesures que nous avons proposées seront progressives dans le sens où plus on s’approchera des élections plus les sanctions visant les médias, commettant des infractions, seront sévères. Quelles sont les infractions à ne pas commettre, durant la période électorale ? Il y a plusieurs points que les médias doivent respecter. La période électorale est, comme vous le savez, une période très sensible, durant laquelle il faudra éviter, par exemple, tout genre de discours haineux ou diffamatoire. D’ailleurs, je tiens à souligner dans ce même cadre, que la HAICA entend organiser, après l’adoption de la loi électorale, des rencontres avec les représentants des médias afin de mettre sur pied une espèce de code de conduite, définissant les moyens susceptibles d’assurer une couverture médiatique équitable, transparente et neutre.

«Des régulateurs étrangers nous aideront à contrôler les médias tunisiens qui diffusent à partir de l’étranger»

Nous allons organiser, aussi, des rencontres et des workshops avec l’ISIE pour bien dispatcher le travail entre nos deux instances. Car il faut préciser, en effet, que si la HAICA s’intéresse aux infractions commises par les médias (les journalistes, les reporters, etc.), l’ISIE, elle, supervise les infractions commises par les candidats eux-mêmes. C’est vous dire que le travail entre les deux instances doit être bien coordonné. Comment allez-vous procéder avec les médias tunisiens qui diffusent à partir de l’étranger ? En ce qui concerne ces chaînes-là, nous allons étudier avec les instances de régulation des autres pays une façon de collaborer ensemble afin d’éviter les dépassements qui pourraient avoir lieu durant la campagne électorale, à savoir favoriser tel ou tel parti ou tel ou tel candidat aux dépens d’un autre. La HAICA est déjà membre du Réseau francophone des régulateurs des médias (REFRAM) et nous sommes en train d’établir des contacts avec d’autres régulateurs en vue de les sensibiliser à ces problématiques. Y-a-t-il d’autres difficultés que vous rencontrez au sein de la HAICA ? Les difficultés que nous rencontrons sont celles que rencontrent toutes les autorités de régulation. La régulation étant, en effet, un phénomène nouveau en Tunisie. Et les gens n’y sont pas forcément très accueillants. Certains pensent, en effet, que la HAICA est venue limiter leurs rentrées publicitaires et/ou leurs libertés. Ils ne sont pas habitués, en effet, à ce qu’une autorité impose le respect d’un certain nombre de règles déontologiques.

«Ce n’est pas parce qu’on veut faire de l’audimat qu’on se permet de porter atteinte à la vie privée des gens ou d’inventer des histoires»

Nous savons qu’il faut encore du temps pour que les gens s’y habituent. D’ici là, nous essayons de sensibiliser les gens qui travaillent dans les médias audiovisuels à bien lire les textes qui existent, à bien les appliquer et à en tenir compte. Car, ce n’est pas parce qu’on veut faire de l’audimat qu’on se permet, par exemple, de porter atteinte à la vie privée des gens, de diffamer ou d’inventer parfois des histoires. De quel œil la HAICA voit-elle la médiatisation des sondages d’opinion ? Les sondages d’opinion représentent un outil pour les partis politiques pour tâter le pouls de l’opinion publique. Mais cet outil peut, en effet, influencer l’opinion publique. C’est pour cela que nous avons demandé à ce que ces sondages ne soient pas diffusés pendant les trois semaines de la campagne officielle. D’autant plus qu’on a remarqué que les journalistes ne font pas la même lecture d’un même sondage d’opinion. Certains interprètent, en effet, ces résultats d’une manière erronée. Et ceci a été même constaté par les bureaux d’études, eux-mêmes. Quelle position adoptez-vous face à la présence polémique des symboles de l’ancien régime dans les médias ? Nous n’avons pas de position à ce sujet car cette affaire relève d’un autre registre. La HAICA n’entre pas dans la politique éditoriale des chaînes, du moment que celles-ci respectent la loi. La HAICA se base, je le répète, sur les lois. Pour le reste, ça relève de l’éthique de chacune de ces institutions-là. Une semaine seulement après votre décision de suspendre l’émission «Andi Mankolek» sur Ettounisia TV, une autre émission portant presque le même titre («Andi Manghanilek») et présentée par le même animateur (Alaa Chebbi) a été lancée. Ne voyez-vous pas en cela une sorte de provocation envers la HAICA ? Au sein de la HAICA, nous ne voyons pas les choses de cette façon. Nous sommes une instance constitutionnelle, qui est en train d’introduire progressivement la culture de la régulation. Parfois, on essaye de nous entraîner sur le terrain de la provocation, mais nous ne répondons pas et n’entrons pas dans ce jeu-là. Pour ce qui est de la chaîne Ettounisia TV, nous avons rencontré des représentants de cette chaîne, qui ont exprimé leur respect face à notre décision. A partir de là, nous considérons cette affaire comme close, et ce, jusqu’à nouvel ordre. Sinon, en ce qui concerne le lancement d’une nouvelle émission, nous ne voyons pas d’inconvénients, tant que cette émission ne reproduit pas les mêmes manquements de la première. Y aura-il des modifications au niveau du décret-loi 116, relatif à la liberté de communication audiovisuelle ? Il y aura certainement des modifications, mais pas pour le moment. Le texte n’est pas parfait donc. Peut-être dans l’avenir, et plus précisément après les élections, il y aura quelques amendements. Ceci est un long débat. On y reviendra au moment propice.

Propos recueillis par Slim MESTIRI




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