Le contre-prêche du vendredi - Nous sommes tous salafistes !

Le contre-prêche du vendredi - Nous sommes tous salafistes !
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Et pourquoi pas moi ? Oui, pourquoi pas, comme tant d'autres, ne m'auto-proclamerai-je pas imam ? Oui, vous lisez bien, je vais moi aussi me bombarder imam et commettre des sermons du vendredi qui seront aussi "illégaux" que ceux prononcés dans certaines mosquées mais certainement moins féroces. Jamais, au grand jamais, mes chères ouailles, je ne prônerai haine et violence du haut de mon minbar numérique. Jamais, je ne prêcherai la fitna et, toujours je demeurerai dans les valeurs qui nous rassemblent : sunnisme malékite, république civile et liberté de culte. Oyez donc mes chères ouailles, mon premier sermon en ce vendredi qui nous rapproche des fêtes du Mouled qui interviendront dans quelques semaines et seront l'occasion de célébrer notre Prophète. Permettez-moi de vous raconter une aventure qui m'est arrivée récemment et vous demander de réfléchir à la morale qu'on pourrait en retirer. C'était mercredi dernier à une heure matinale. Il faisait encore noir et une affaire urgente m'a mené à arrêter un taxi alors qu'il était à peine six heures. J'embarquai dans la voiture et, sans surprise, le taximan écoutait des versets de Coran sur son poste radio. J'aime en ces heures matinales, écouter les voix comme celle du cheikh Barrak ou de Abdelbasset Abdessamad psalmodier la parole sacrée. C'est beau, c'est apaisant, c'est un moment de contemplation et de ferveur avant d'affronter une rude journée de travail. Nous écoutâmes donc en chœur... Barbu, cultivant un look clairement salafiste, mon chauffeur ne se contenta pas, à mon instar, d'une prière silencieuse. Il engagea la conversation et choisit de l'orienter vers un terrain religieux. Même si je trouvais qu'il avait tort d'agir de la sorte, je me pliai à sa volonté et acceptai de discuter. Seulement, il eût vite fait de m'entrainer sur un terrain glissant, en divisant les Tunisiens en mécréants et en personnes pieuses. Je lui demandai alors si nos accoutrements différents permettaient de me classer dans l'un des deux camps. Il répondit que non mais qu'il valait mieux suivre la Sunna du Prophète et adopter un costume à la fois plus oriental, plus politiquement correct et plus conforme à la mode salafiste. Je lui répondis alors que nous autres sunnites sommes par définition tous des salafistes. En effet, notre foi et nos rites nous demandent d'obéir aux préceptes du Prophète, à sa Sunna qui consigne ses dits, ses gestes et même ses silences. Seulement ajoutai-je, il y a deux manières d'être salafiste. La première consiste à adopter un look salafiste. La seconde à s'inspirer de notre Prophète. Je demandai à mon chauffeur de bien suivre ce que je disais et poursuivis en ces termes : "Prenons une amande verte. Vous viendrait-il à l'idée de manger la peau et jeter le fruit ? Bien sûr que non ! Nous jetons la peau (qchour) et mangeons le fruit (mammou). C'est pour cela que l'habit ou la barbe ne font pas le moine. Il faut en effet se méfier des apparences et une personne glabre habillée en veston cravate peut être plus fervente qu'un barbu en qamis". Je ne sais pas si mon chauffeur a été convaincu par ma démonstration. La fin de la course a interrompu notre conversation. Toutefois, il a accepté mon idée et dialogué civilement. C'est ce que je recommande à tous tout en vous demandant de réfléchir à cette aventure. Allez maintenant en paix et, surtout, aimez votre prochain...



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