Quel rôle jouent les organisations américaines sur la scène politique tunisienne ?

Quel rôle jouent les organisations américaines sur la scène politique tunisienne ?
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S’intéressant à la situation en Tunisie, la Commission des affaires étrangères relevant du Congrès américain a consacré la séance du 4 décembre 2013 à la situation politique en Tunisie. Trois intervenants représentant des organisations politiques opérant dans la région et à l’échelle internationale ont été auditionnés au cours de cette séance. Il s’agit de Scott Mastic, directeur de l’Institut républicain international (IRI) pour la région Moyen Orient-Afrique du Nord (MENA) auprès de l’IRI ; Leslie Campbell, directeur régional des programmes MENA à l’Institut national démocratique (NDI), et Bill Sweeney, Président de la Fondation Internationale pour les Systèmes Electoraux. Les trois orateurs ont rappelé les circonstances qui ont conduit à la chute du régime de Ben Ali, les attentes du peuple tunisien, les actions mises en œuvre dans le cadre de la transition démocratique et les difficultés qui endiguent la progression du processus. Au delà de leurs propos à la fois élogieux et sceptiques, leurs interventions démontrent que les trois organisations américaines qu’ils représentent se sont réparties les rôles pour accompagner le processus en cours et l’orienter dans le sens qui garantit la réussite du printemps arabe. Leur apport respectif sur la scène politique se présente comme suit : * L’Institut républicain international (IRI) pour la région Moyen Orient-Afrique du Nord (MENA), apporte son assistance aux partis engagés dans les élections. Basé à Washington, c’est une organisation US qui œuvre à promouvoir les libertés politiques et économiques, la bonne gouvernance et les droits humains dans le monde par l'éducation des gens, des partis politiques et des gouvernements sur les valeurs et les pratiques de la démocratie. * L’Institut national démocratique (NDI) est une organisation ayant pour mission de soutenir et renforcer les institutions démocratiques partout dans le monde en plaidant pour la participation citoyenne, l’ouverture et la responsabilité dans la gouvernance. Elle apporte des conseils aux dirigeants politiques pour la réussite du dialogue. * La Fondation Internationale pour les Systèmes Electoraux (International Foundation for Electoral Systems (IFES) apporte son appui à l’ISIE pour garantir la transparence des élections Les conclusions émises par la présidente de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants Ileana Ros-Lehtinen indiquent en premier lieu que «les États-Unis doit rester engagés en Tunisie et soutenir sa transition vers la démocratie partant du fait qu’une Tunisie stable, sûre et démocratique est dans l'intérêt supérieur de la sécurité nationale des Etats-Unis» a dit Ileana Ros-Lehtinen signalant au passage «qu’il reste encore beaucoup à faire pour atteindre les objectifs et les aspirations du peuple tunisien» notamment parce que le processus politique, la Constitution et des élections sont bloqués. S'ajoutent à ces problèmes politiques les défis économiques et de sécurité. Cependant, un des problèmes les plus urgents du point de vue des États-Unis, c'est la menace de l'extrémisme islamique en Tunisie et de la menace d’Al-Qaïda (AQMI) dans la région sachant que la frontière de la Tunisie avec l'Algérie est connue pour être une zone d'entraînement pour les groupes terroristes, et la frontière avec la Libye reste vulnérable. Ileana Ros-Lehtinen rappelle, à ce titre, que les attentats terroristes comme celui de l'ambassade des États-Unis en septembre 2012 ainsi que l'assassinat de deux hommes politiques laïques menacent de faire dérailler le processus politique. Toutefois, elle affirme que les Etats-Unis doivent continuer à soutenir la Tunisie dans cette transition et qu’elle est considérée comme le test grandeur nature pour les transitions démocratiques dans le monde arabe. «Il est dans l'intérêt vital de la sécurité nationale des Etats-Unis de voir un pays sûr, stable et démocratique une Tunisie», a-t-elle assuré insistant sur le soutien à la Tunisie et aux organisations comme l'IRI, le NDI, l’IFES. Scoott Mastic : L’IRI apportera son assistance aux partis engagés dans les élections Dans son intervention, Scott Mastic a indiqué que malgré les difficultés et les obstacles, la situation en Tunisie est loin d’être comparable à celle qui a prévalu en Egypte où les frères musulmans ont adopté une politique autoritaire, celle qui caractérise la Libye où l’insécurité fragilise le processus transitionnel et celle qui sévit en Syrie qui est en proie aux horreurs de la guerre civile. Il a précisé que la classe politique tunisienne, toutes tendances confondues, a choisi le dialogue et la concertation pour surmonter les obstacles et mettre en place les institutions de la nouvelle République. Selon M. Scott, trois facteurs résument la situation en Tunisie. Le premier réside dans le choix du dialogue en tant que mécanisme adéquat pour activer le processus et mettre un terme à l’organisation provisoire des pouvoirs. Ce choix a été celui des islamistes au pouvoir et de l’opposition dont il a cité Nidaa Tounes. Ils ont fini par accepter de négocier les démarches à suivre avant les prochaines élections et débloquer la crise politique par le dialogue. Le second facteur est en rapport avec l’insécurité suscitée par la menace terroriste. A ce propos, l’intervenant a mis en exergue l’attitude laxiste qui a caractérisé, au départ, la position des islamistes au pouvoir face à cette menace et s’est félicité des dernières mesures prises par les autorités en décrétant Ansar Achariaa comme organisation terroriste et en se lançant résolument dans la lutte contre le fléau. Enfin, le troisième facteur consiste en la dégradation des conditions sociales et du pouvoir d’achat des citoyens qui commencent à perdre patience face aux lenteurs des reformes socio-économique. Sur ce plan, la situation est en passe de s’aggraver suite aux exigences liées à la dette extérieure, au repli des investissements et au fléchissement du taux de croissance. Mr Scott conclut son intervention en appelant à l’octroi d’une aide à la démocratie en Tunisie et plus particulièrement les partis politiques qui ont commencé à approcher l’IRI pour bénéficier d’une assistance technique en prévision des prochaines élections. Leslie Campbell : Le NDI apporte des conseils aux dirigeants politiques pour la réussite du dialogue Après avoir passé en revue les pas franchis lors de la première étape marquant la période de transition qui a conduit aux élections du 23 octobre, M. Leslie Campbell a fait savoir que la coalition au pouvoir est parvenue au cours des deux premières années qui ont suivi ces élections à se maintenir malgré les tensions qui caractérisent les relations entre ses membres. Mais depuis l’écoulement du délai imparti à l’ANC pour l’élaboration de la Constitution et l’organisation des prochaines élections, les réactions de la société civile et d’une partie de l’opposition ont fragilisé les institutions provisoires. M. Campbell impute les lenteurs qui marquent la prestation de l’ANC à la désorganisation, au manque d’expérience et aux interférences entre les fonctions législatives et institutionnelles et le contrôle de l’activité gouvernementale. Sur un autre plan, la dégradation de la situation économique dans le pays a généré des contestations de différentes formes suite, notamment, à la persistance du chômage qui a atteint au cours du troisième trimestre de l’année en cours la proportion de 16% de la population active pour toucher près de 34% des diplômés de l’Université. Dans le même sens, l’augmentation du coût de la vie a accentué le malaise social. D’un autre côté, une étude menée par le NDI en mars 2011 a démontré qu’un grand nombre de Tunisiens ne font plus confiance dans les institutions de l’Etat dont l’autorité s’est considérablement affaiblie face à la violence, la corruption et l’inefficacité des services publics. Rappelant les assassinats politiques qu’a connu le pays durant les sept premiers mois de l’année en cours et les attentats terroristes qui s’en sont suivis, M. Campbell a rapporté que de nombreux Tunisiens et en particulier la gauche, rejettent la responsabilité de la violence politique et la prolifération du terrorisme sur le mouvement Ennahdha qui a négligé le phénomène et ne l’a pas traité en temps opportun. Aujourd’hui, la seule réalisation dont peuvent s’enorgueillir les Tunisiens après la révolution du 14 janvier est la liberté d’expression ainsi que le démontre une étude menée par le NDI auprès d’un groupe de discussion crée par l’Institut. M.Campbell estime que la transition est vulnérable et peut se solder par un échec si la situation ne change pas dans le sens souhaité. Pour qu’il n’en soit pas ainsi, il a insisté sur la reprise du dialogue national et le renforcement du soutien de la communauté internationale à la transition en Tunisie. A cet effet, le NDI a fourni aux dirigeants politiques des conseils et des informations pour la conduite d’un dialogue constructif. Dans ce cadre, le NDI a reçu des fonds de l’agence américaine pour le développement international (USAID) et de la Middle East Partnership Initiative du département d'État (MEPI), ayant permis de mettre en place des programmes visant à soutenir et renforcer la démocratie en Tunisie. Bill Sweeney : L’IFES apporte son appui à l’ISIE L’intervention de Bill Sweeney a été axée sur les élections du 23 octobre 2011, les résultats de ces élections et les conditions requises pour l’organisation des prochaines élections de manière transparente et dans des délais raisonnables. Il a rappelé l’assistance apportée par l’IFES à l’ISIE à laquelle l’institut a fourni les moyens techniques et logistiques, encadré ses activités et mis à sa disposition sa compétence et son expérience pour que les élections se déroulent selon les attentes de la population et en vertu des normes requises. L’IFES a également financé les activités de l’ISIE et les médias qui contribuent à la couverture des élections. A ce titre, le financement a porté sur la création, l’impression et la diffusion de 10.000 affiches publicitaires et 2 millions de prospectus distribués aux électeurs et ce, à côté de la prise en charge de la formation et du coaching des membres recrutés dans les bureaux de vote. Aujourd’hui encore, l’IFES continue à prodiguer le conseil aux autorités et à encadrer les activités législatives en rapport avec les élections. Pour les prochaines élections, l’Institut tiendra compte de l’évaluation de l’expérience du 23 octobre pour que son intervention soit davantage efficace.



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