Le billet de Hatem Bourial - Talibans tunisiens, iceberg terroriste et Troika médusée

Le billet de Hatem Bourial - Talibans tunisiens, iceberg terroriste et Troika médusée
National
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Sur fond de présence terroriste au Djebel Chaambi et ailleurs, la grave question du djihadisme tunisien prend de plus en plus d'acuité. Au Canada, un étudiant tunisien se retrouve impliqué dans la planification d'une opération terroriste. En Italie, ce sont plusieurs Tunisiens qui viennent d'être découverts par la police alors qu'ils projetaient des attentats et faisaient l'apologie de la violence. Ceci pour n'évoquer que les affaires les plus récentes. Quelle frénésie, quel endoctrinement, quel lavage de cerveau se sont emparés de la jeunesse d'un pays réputé serein? LES TROIS MENACES La menace terroriste se précise davantage encore ces derniers jours. Et, il devient clair que les islamistes armés s'apprêtent à frapper la Tunisie. Si l'on se réfère à leur mode opératoire, trois types d'actions pourraient se produire à des moments choisis. En premier lieu, les terroristes pourraient chercher par des attentats à briser l'élan pris par la saison touristique. Cette méthode d'action a déjà permis de frapper en Egypte et au Maroc. Elle a aussi eu pour cible en Tunisie des touristes en 1987 et plus près de nous le sanctuaire de la Ghriba à Djerba. Avec les conséquences que nous connaissons... D'autre part, les agents de l'islamisme radical pourraient tenter de choquer l'opinion avec des attentats aveugles au cours du mois de Ramadan. Ce risque existe bel et bien et constitue un cas d'école puisque les intégristes algériens ont souvent eu recours à ces crimes barbares. De manière plus classique, les caches d'armes et les abris forestiers des islamistes armés pourraient avoir pour but de déclencher une campagne de terreur et d'intimidation à l'approche des élections à venir. Cette dernière hypothèse est fort probable et s'inscrit dans le droit fil des exactions commises lors de plusieurs meetings de l'opposition laïque. Elle serait aussi dans la continuité des agissements qui ont mené au meurtre de Chokri Belaïd et qui cherchent à intimider par des menaces de mort des acteurs politiques et civiques. Enfin, les intégristes de tout poil pourraient aussi entreprendre des actions d'éclat sans stratégie concertée ou bien des gestes meurtriers témoignant d'une fuite en avant des desperados de l'islam. LES EXALTES DU CHAAMBI Ces remarques ne cherchent ni à propager la panique ni à jeter la pierre à qui que ce soit. Elles tentent plutôt d'analyser sommairement une situation devenue inquiétante avec les évènements en cours au Djebel Chaambi. Le risque terroriste existe bel et bien et il faudrait ni le minimiser comme semble le faire le discours apaisant des autorités ni l'exagérer comme le font quelques confrères. Il s'agit juste de prendre la pleine mesure de ce qui se passe et anticiper les risques qui nous guettent. Plusieurs facteurs se sont conjugués pour que nous en arrivions à ce drame du Chaambi qui choque, car encore une fois, une opération préventive, un ratissage ciblé, fait couler le sang de nos vaillants hommes. Car au Chaambi, si l'on en croit les autorités, il ne s'agit pas de combats, mais seulement d'une traque qui aurait mal tourné. Examinons les facteurs mentionnés plus haut : - D'abord, ces actes de terreur dans lesquels sont impliqués des djihadistes au nom d'une foi pervertie ne sont pas une première. De Bir Ali à Rouhia, des fusillades ont émaillé ces dernières années faisant des victimes parmi nos hommes. Pire, depuis décembre2012, la menace se précise avec des heurts à Kasserine et Jendouba, la découverte de plusieurs caches d'armes, notamment à Medenine et Mnihla, aux portes de Tunis. Ceci est balayé du revers de la main par les autorités qui parlent d'une cinquantaine d'exaltés au bord de la rupture de forces. Pourtant, l'opinion publique demande d'être clairement rassurée, d'autant plus que plusieurs islamistes en vue ont cautionné et minimisé cette exaltation qui désormais menace ce qui reste de la stabilité de la Tunisie. Monsieur Ghannouchi avait-il raison en proférant ses propos de sinistre mémoire à propos des djihadistes? Les stratèges d'Ennahdha considèrent-ils cette menace diffuse comme un atout, une sorte de joker de nature à perturber à leur profit la transition démocratique? Les faucons islamistes chercheraient-ils, comme le soulignent leurs détracteurs, à laisser pourrir la situation? La TERREUR AUX PORTES DES VILLES Loin de ces supputations, il est toutefois aisé de constater que la peur est bien là et que les Tunisiens craignent désormais une lente et inéluctable dérive. - Ensuite, le fait même qu'une cache d'armes ait été découverte aux portes de Tunis, à Mnihla, induit que des caches similaires pourraient exister sur les marges de nos villes les plus importantes. Et cela n'est pas de nature à rassurer, surtout lorsque les autorités, par la voix du Premier ministre, répondent par l'absurde en évoquant les attentats de Boston pour souligner que " nul n'est à l'abri". Souvenez-vous aussi des caches d'armes découvertes dans des mosquées dissidentes. Qu'en est-il de cette autre réalité? Qu'ont fait les autorités dans ce domaine précis et quel est le nombre exact de ces mosquées qui, prétendument, échappent à tout contrôle. Ceci sans évoquer les trafics en tous genres auxquels sont confrontés militaires et gardes nationaux sur nos frontières. - Enfin, que dire de la présence de Al Qaida en Tunisie? Qu'en est-il véritablement des cellules dormantes de cette nébuleuse, car les activistes traqués au Chaambi ne sont, selon toute hypothèse, que l'une des faces apparentes de l'iceberg terroriste? Une question encore : on a beaucoup glosé ces derniers temps à propos du recrutement dans les mosquées de djihadistes tunisiens pour la Syrie. A-t-on en ce sens émis la simple hypothèse d'école que ces mosquées auraient un lien avec Al Qaida? Et pour quelle raison n n’y a-t-il pas d'enquête publique sur ce phénomène inquiétant? Une commission est nécessaire et un rapport pour que l'opinion puisse comprendre cette incroyable mue de nos mosquées. On me dira que, comme les autres, si rapport il y a, il sera enterré. Cela serait, à tout le moins révélateur d'intolérables complicités... ACTIVISME ET DIVERSIONS Pour conclure ce billet, je voudrais souligner quelques points qui poussent à la réflexion. Je vous les livre afin de démêler ensemble la complexité de la situation que nous vivons et qui chaque jour mutile davantage notre pays et son image. 1- La Tunisie vit à l'heure de l'activisme islamiste. Deux ans après la révolution de janvier 2011, les islamistes au pouvoir sont parvenus avec la complicité de leurs alliés dans et en dehors de la Troika à rendre diffuse la présence d'un Islam intolérant, vindicatif et sanguinaire dans notre pays. Il suffit d'entendre quelques prêches et écouter quelques militants pour s'en convaincre. De fait, la traque du Chaambi se passe avec pour toile de fond une montée du salafisme, des tournées de prédicateurs radicaux, des appels au Djihad et un essor de la violence sous toutes ses formes via les fameuses ligues aux redoutables arguments. 2- Cette nouvelle atmosphère a eu un effet somme toute attendu. Forte de ces "acquis", Ennahdha a tempéré son discours dans plusieurs domaines et même effectué quelques rapprochements avec ses adversaires politiques les plus résolus. Ceci n'est pas vraiment étonnant, car si les stratèges d'Ennahdha le font, c'est bien parce que ce parti, malgré les sondages, sait qu'il contrôle l'assemblée, la rue au sens large et a fortiori l'agenda qui mènera ou pas aux élections que le peuple attend. Ce sont là les cyniques bénéfices de la légitimité engrangée le 23 octobre 2012. 3- Il ne manquait plus à cette main basse sur la Tunisie qu'une dose de terreur. On agite aujourd'hui l'épouvantail Al Qaida, on engage des opérations de ratissage, on promet des résultats rapides tout en louvoyant. TRISTESSE ET PRECARITE Ainsi même devant le terrorisme armé, on ne parlera pas d'éradication ou d'élimination concrète de la menace. Etrange cette mansuétude et ce discours lénifiant, surtout lorsque des représentants de l'ordre tombent, meurtris dans leur chair par des mines. Tel est le paysage dans lequel nous vivons. Telles sont les infamies que nous subissons. Tel est le triste sort d'une Tunisie tombée dans l'escarcelle des islamistes qui se présentent comme modérés, mais laissent se répandre la trainée de poudre terroriste en rêvant d'un nouveau totalitarisme. C'est vrai, la peur a changé de camp. Et ceux qui hier subissaient les foudres de la dictature tout en jouissant pour certains d'exils dorés se vengent aujourd'hui en détruisant le pays de leurs ancêtres. Et si Ben Ali et les Trabelsi ont mis la Tunisie en coupe réglée, c'est au tour aujourd'hui des islamistes de pratiquer népotisme, terre brûlée et délire de puissance. Quant au peuple, il s'installe de nouveau dans la peur et subit de plein fouet une affolante précarité.



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