Les six grandes batailles perdues par la Troïka

Les six grandes batailles perdues par la Troïka
National
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Le gouvernement en exercice est déjà de l'ordre du passé. L'heure du bilan est arrivée. L'alliance au pouvoir s’est notamment illustrée (dans le mauvais sens) à travers six chantiers ratés. L'échec dans la rédaction de la constitution n'étant pas mentionné car il s'agit d'une responsabilité collective où le pouvoir et l'opposition sont impliqués. 1 - Rationaliser et discipliner sa base Quand on parle de bases, on pointe principalement du doigt le parti Ennahdha, car le CPR et Ettakatol n'ont plus de bases populaires actives. Pendant toute la phase pré-électorale et même après les élections, la base du parti Ennahdha a été omniprésente dans la rue comme sur la toile. Les pages facebook alliées au mouvement comptent des dizaines, voire des centaines de milliers de fans et assurent un service en continue. Les dirigeants n'ont pas su encadrer leurs militants. Ainsi, à force de propager des messages de haine et de division, des intox, des diffamations ou des insultes envers les opposants, ces pages ont perdu leur crédibilité et leur impact sur la rue. De même les manifestations et les marches du parti ne sont plus assez populaires vu les slogans de haine et les appels à la violence qui sont parfois embarrassantes pour le parti devant ses alliés américains et européens. Le message identitaire et religieux très instrumentalisé jusque là a également perdu son effet surtout après les incidents du palais Abdellia et la position de Ghannouchi sur la Chariaâ. Ennahdha s'est rendu compte… trop tard du danger que présente une telle base indisciplinée après l'attaque de l'ambassade américaine à Tunis d'où le début de rupture avec la mouvance salafiste très active. 2 - Rassurer les Tunisiens et le monde La Troïka a réussi à se mettre tout le monde à dos… ou presque. Sa relation avec l'UGTT, l'UTICA, les journalistes, les juges, les avocats, les médecins, les enseignants, les salafistes, l'opposition, l'opinion publique internationale, les voisins algériens et libyens, la France, la société civile et beaucoup d'organisations non gouvernementales étrangères est très tendue. Tout cela est la conséquence d'un message agressif et non conciliant. Les responsables de la Troïka défilent dans les radios et les plateaux télé pour dire la même chose : "Nous sommes légitimes, le peuple nous a élus et tous les autres veulent nous mettre les bâtons dans les roues… Ils font partie de l'ancien régime ou des ennemis de l'Islam et ont un agenda politique étranger". Toute personne qui s'oppose aux choix de la Troïka incarne la contre révolution et devient cible de toutes sortes d'insultes. En plus, le laxisme du gouvernement devant la violence politique et les appels à la haine et le recours à la force pour réprimer des mouvements sociaux lui a coûté la confiance même de ses sympathisants. Les agissements de la Troïka, l'arrogance de plusieurs de ses interlocuteurs et l'échec à présenter une feuille de route claire pour la seconde phase de la transition et donner ainsi une visibilité aux différents acteurs politiques, ont contribué à instaurer une atmosphère politique tendue où règne la méfiance. 3 - Protéger le panier du citoyen Les braves de Gafsa, Sidi Bouzid et Kasserine se sont insurgés contre Ben Ali et son régime à cause de la pauvreté, le chômage et la marginalisation de leurs régions. Qu'est-ce qui s'est passé après ? Les bureaux locaux d'Ennahdha ont substitué les cellules du RCD et les postes de responsabilités dans les régions et les localités continuent à être accordées selon les appartenances partisanes sans tenir compte de la compétence et de la connaissance des régions. Aucun modèle de développement à la hauteur de la révolution qu'a connue le pays n'a été proposé et la politique des calmants (petit projets et avantages fiscaux) de Ben Ali se poursuit. La situation s'aggrave même. En effet, faute de mécanismes efficaces de régulation du marché et face à la passivité du gouvernement vis-à-vis des contrebandiers et autres malfrats, la vie est de plus en plus chère et l'inflation a atteint des taux alarmants. Selon un rapport de l'ODC publié récemment, 50% des produits passés illégalement en Libye bénéficient d'une aide de la caisse de compensation. Le danger de la pauvreté menace maintenant la classe moyenne. De plus, le pays a connu plusieurs pénuries comme l'eau potable, quelques médicaments, le lait, etc. Les prix de l'électricité, des carburants et de plusieurs produits alimentaires ont été revus à la hausse. Les mouvements de protestation sociale comme ce fut le cas à Siliana et dans plusieurs régions ont été sévèrement réprimés par la police. Face au déficit budgétaire, les lois des finances (loi complémentaire de 2012 et loi de 2013) ont instauré l'augmentation de plusieurs taxes sur les appels téléphoniques, les timbres fiscaux du passeport et de la carte d'identité nationale, etc. Le consommateur/citoyen qui assume la plus grande charge fiscale est encore une fois ciblé. Les entreprises continuent à avoir des avantages fiscaux. La situation est tellement ironique que ceux qui payent leurs impôts sont plus pénalisés que ceux qui y échappent. 4 - Maintenir son poids populaire Le jour ils ont opté une alliance avec Ennahdha, le CPR et Ettakatol on perdu beaucoup de leurs bases populaires et structures régionales. Leurs représentations à l'Assemblé Constituante se sont réduites de moitié un an après les élections. Le paradoxe est qu'un parti comme Ettakatol est devenu une carcasse vide sans aucune profondeur populaire et est menacé de disparition à la prochaine échéance électorale. Cependant, avec 14 députés, il représente actuellement 7% du poids politique dans le pays. L'usure du pouvoir a affecté Ennahdha. Le mouvement islamiste n'as pas tranché avant les élections sur plusieurs points et a adopté un double discours là où les modérés parlent aux modérés et les radicaux parlent aux radicaux. Une fois au pouvoir, le mouvement devait prendre des décisions. A chaque fois il y a cette peur de frustrer les modérés et l'opinion internationale ou décevoir les plus durs. Ces derniers ont été perdus après la décision de ne pas inscrire la Chariaâ dans la Constitution. 5 - Faire oublier l'image de l'ancien régime Ennahdha et ses alliés ont échoué à faire oublier aux Tunisiens cette image de l'ancien régime qu'ils méprisent. En effet, il suffit de voir la composition du gouvernement pour se rendre compte que le népotisme continue à subsister. Les gendres de Rached Ghannouchi et de Mohamed Ben Salem sont ministres. Le fils de Moncef Ben Salem fait partie des délégations officielles sans avoir un statut officiel. En plus, les postes de responsabilités ont été octroyés sur la base de l'appartenance partisane. Les compétences continuent à être marginalisées. Après une année de trêve précaire, la relation entre le citoyen et les forces de l'ordre s'est dégradée suite aux interventions musclées, l'usage disproportionné de la force, les cas de torture et d'abus. L'ombre du système policier répressif de Ben Ali revient de plus en plus dans les esprits. La Troïka continue également à compter sur des personnes ayant servi fidèlement l'ancien régime à l'image de Chedly Ayari qui occupe le prestigieux poste de Gouverneur de la Banque centrale et Habib Essid. La Troïka et surtout sa composante CPR avait promis pendant sa campagne électorale une coupure totale avec l'ancien régime et le jugement des responsables de la dictature et de la corruption. 6 - Apprendre de ses erreurs et ses échecs Le comble est que malgré tous ses échecs et la situation fragile du pays, la Troïka ne veut pas reconnaitre ses fautes et ses faiblesses. Aucun bilan ou critique internes ne semble être faites. Au contraire, la fuite en avant se poursuit et les mêmes erreurs continuent à être commises. Les responsables d'Ennahdha et du CPR tiennent encore leurs discours hostiles à toute critique ou opposition et à remettre tous les échecs sur le dos des autres. On dirait que la classe politique gouvernante vit un état de déni de tout ce qui passe ou dérange. La base de la Troïka adopte les mêmes stratégies et l'indiscipline a regagné même les cadres des partis qui continuent à charger les sympathisants avec un discours haineux et violent. La situation économique et sociale continue dans le pays à empirer.

mac




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