Esquisse d’un nouveau paysage politique en Tunisie : une scène en quatre valses

Esquisse d’un nouveau paysage politique en Tunisie : une scène en quatre valses
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Les premiers jours qui ont suivi la révolution, une multitude de partis politiques sont arrivés sur la scène formant ainsi une mosaïque diversifiée de courants. Depuis, de l’eau a coulé sous le pont et si certains partis continuent d’exister, d’autres ont carrément disparu de la circulation. Mais le nouveau paysage politique obéit aussi au jeu des alliances, fronts, blocs et groupes qui se font et défont avec pour seul objectif les futures échéances électorales qui se profilent. Après la création du Front Populaire puis l'annonce de l'alliance entre Nidaa Tounes, le Parti Républicain (Al-Joumhouri) et la Voie Sociale Démocrate (Al-Massar), la scène politique tunisienne semble prendre forme et les choses (politiques) semblent se tasser avec l'avènement de quatre principales grandes familles politiques, ces pôles devenus incontournables et résumant les tendances actuelles. Il y a d’abord le courant conservateur dominé par le Mouvement Ennahdha et quelques formations islamistes satellites. Ce courant est le plus compact et le mieux organisé malgré les nombreuses critiques à l’encontre du gouvernement qu’il domine de bout en bout. Il doit sa solidité essentiellement à la personnalité de son leader Rached Ghannouchi, à une base fidèle et disciplinée et à une forte pénétration au sein des classes populaires. Trois notions essentielles dans la réussite d’un courant. Il y a ensuite la gauche tunisienne, la vraie ; celle qui défend les agriculteurs et les ouvriers, incarnée par le Front Populaire. Ce front réunit plusieurs partis dont le Parti des Travailleurs, les Mouvements Patriotes Démocrates, le Mouvement du Peuple et le Mouvement des Démocrates Socialistes. Ce courant semble avoir évolué dans ses idées et dans son discours pour présenter des thèses modernes et plus adaptées à notre époque. Le POCT vient, par exemple, de se débarrasser de son label communiste. Le Front Populaire jouit d'une forte présence dans les classes populaires. Il possède également des militants très actifs et très déterminés. Ses leaders Chokri Belaïd est surtout le charismatique Hamma Hammami ne cessent de gagner en popularité. Puis, il y a la famille démocrate à tendance plutôt libérale représentée par l'alliance entre Nidaa Tounes, le Parti Républicain et la Voie Sociale Démocrate. La classification de Nidaa Tounes avec les démocrates et non pas avec les destouriens provient du fait que si l'on observe de près les personnalités qui composent ce mouvement - au moins le premier et le second rang -, il n'y a qu'une poignée d'anciens destouriens (ou ex-RCD). A l'exception de Béji Caïd Essebsi, aucune d'elles n'a assumé de hautes responsabilités dans les régimes de Ben Ali et de Bourguiba. Des politiciens comme Taieb Baccouche, Mohsen Marzouk, Abdelmadjid Sahraoui font partie de la famille démocrate et fournissent des garantie contre tout déraillement. L'alliance avec Al-Joumhouri et Al-Massar permet de lui rajouter une couche de légitimité démocratique. Le plus grand défit pour cette nouvelle formation politique est de savoir et pouvoir trouver des synergies et se passer des egos sachant que beaucoup d'ingrédients de réussite sont déjà là. Un premier pas serait la fusion totale et longuement attendue entre Al-Massar et Al-Joumhouri. Il y a enfin la famille Destourienne regroupant les anciens destouriens de Bourguiba et les RCDistes de Ben Ali. Les destouriens sont encore timides et discrets. Ceci peut être un choix stratégique en attendant le passage de la tempête de la loi d'exclusion. Les démocrates mènent, soit dit en passant, une guerre par procuration contre cette loi. Et plus le temps passe, en l’absence d'un vrai processus de justice transitionnelle, plus il sera difficile de juger les responsables de l'ancien régime. Toute poursuite engagée contre eux à l'approche d'une échéance électorale serait vue comme un règlement de compte politique et embarrasserait les décideurs tunisiens sur la scène internationale. Le porte drapeau de cette famille serait probablement Kamel Morjane qui a déjà tiré son épingle du jeu lors des dernières élections malgré l'exclusion et les listes invalidés. Les Baccouche et les Karoui qui se détachent de plus en plus du Parti Ennahdha pourraient également jouer un rôle déterminant tout comme Mohamed Jegham ou Ahmed Mansour. Un rapprochement avec Nidaa Tounes semble peu probable car l'ancienne garde destourienne ne semble pas accepter le fait que Béji Caïd Essebsi se soit entouré de syndicalistes et personnalités de gauche, ennemis jurés des destouriens. Les destouriens peuvent profiter d'un large vote de sanction si la situation économique continue à empirer. Le manque de confiance des Tunisiens dans la classe politique qui est passé en avant plan après les élections de l'Assemblée Nationale Constituante jouerait en leur faveur. En plus de ses quatre forces nous trouvons quelques partis qui jouent encore en solo à l'instar de l'Alliance Démocratique, la Pétition Populaire, le Mouvement Wafa ou encore le Congrès Pour la République (CPR), le Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés (Ettakatol) s'ils consomment leur rupture avec Ennahdha. Ces acteurs ont d’ailleurs tout intérêt à trouver des alliances, sinon, la sélection naturelle fera son travail. L'avenir de la jeune démocratie tunisienne dépend de l'établissement d'un équilibre politique entre un pouvoir et une opposition forte et constructive que peuvent constituer ces quatre forces politiques.

mac




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