La polémique engagée entre l’organisation américaine des droits de l’homme, «Human Rights Watch» et le ministère de la Justice à propos du limogeage des magistrats prend aujourd’hui une autre proportion. Il faut cependant rappeler que Human Rights avait déjà critiqué cette mesure qui avait touché 82 magistrats en mai dernier jugeant que le ministère avait pris une décision unilatérale sans respecter les droits de la défense ni suivi les procédures légales pour la prise de décisions de ce genre.
Aujourd’hui et forte de l’appui d’une dizaine parmi ces magistrats qui lui avaient accordé leur consentement, Human Rights avait sollicité du ministre de la Justice d’accéder à ces dix dossiers. En fait, ces juges qui se voyaient refuser le droit d’accéder à leurs propres dossiers, avaient cherché un appui auprès d’une organisation internationale de protection des droits de l’homme. Une démarche à laquelle recourent tous ceux qui estiment avoir été lésés par les autorités de leurs pays, et qui n’ont aucun espoir de recouvrir leurs droits, ici le droit d’accéder à son propre dossier.
Le ministère de la Justice a donc répliqué en «déniant à Human Rights la qualité l’habilitant d’avoir accès aux données personnelles des magistrats révoqués. Ces données sont régies par les lois et standards internationaux relatifs à la protection des données personnelles.»
Une curieuse réplique de la part du ministère qui se réfugie derrière la protection des données personnelles pour justifier son refus à Human Rights. Elle a ajouté que «l’autorité de contrôle des décisions de l’administration n’est pas du ressort de Human Rights Watch ou d’autres structures, mais celle du Tribunal administratif qui est seule habilitée à annuler une décision faisant l’objet d’un recours.»
Une position qui nous laisse quelque peu perplexes sur la compétence des personnes qui traitent ce dossier.
Relativement au premier argument, il est évident que Human Rights Watch pourrait avoir la possibilité de consulter ces dossiers surtout après que les dix magistrats concernés ont accepté que leurs dossiers personnels soient consultés par cette organisation. Ce consentement est nécessaire et suffisant pour permettre cette opération. Autrement dit, le ministère de la Justice est plus «royaliste que le Roi», refusant ce que la personne a accepté pour lui-même !!!
D’ailleurs, Human Rights n’a demandé que les dossiers des magistrats dont elle a eu l’accord.
Secundo, en consultant ces dossiers, Human Rights Watch n’exercera aucun contrôle sur la décision du ministre, cela est du ressort de la justice administrative, et, à fortiori, n’est pas apte à l’annuler. Ce second argument du ministère est du genre, «on défonce des portes ouvertes» dans la mesure où Human Rights Watch n’avait jamais prétendu à l’annulation de la décision de révocation, mais simplement d’avoir accès à ces dossiers pour information et pour les mettre à la disposition des dix magistrats concernés par cette décision qualifiée justement d’inique.
Car le ministère de la Justice a fait preuve dans cette affaire d’un manque de transparence flagrant, ce que critique Human Rights Watch, en refusant de permettre aux magistrats de consulter leurs propres dossiers, et donc de connaître les véritables motifs de leur révocation. Il s’agit là du plus élémentaire droit dont bénéficie chaque personne accusée d’un fait quelconque. Cela lui permet de comprendre les raisons de sa révocation et lui permet surtout de préparer sa propre défense, la défense de ses droits et de sa dignité. L’attente à ce droit de la défense a d’ailleurs été régulièrement sanctionnée par le tribunal administratif tunisien.