Triche et mauvaise foi à l'Assemblée constituante

Triche et mauvaise foi à l'Assemblée constituante
National
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Il ne leur a pas suffi de tricher en votant doublement et même plus au nom de leurs collègues absents, les députés qui ont osé le faire cherchent à justifier leurs actes par des arguments qui font plutôt rire. Le scandale a été mis à nu lorsque le député Azad Badi, démissionnaire du CPR, a fait remarquer lors de la dernière séance plénière consacrée à l’interminable discussion du projet de loi des finances, que des députés ont voté plus d’une fois. Le président du groupe parlementaire Ennahdha, Sahbi Attig, l’a confirmé. Depuis, les facebookeurs ont commencé à s’intéresser à ce folklore en publiant des scènes montrant des députés en pleine action. L’information relayée à une grande échelle sur le réseau social a pris de l’ ampleur et des commentaires de tous genres ont envahi l’espace virtuel et para- médiatique. Au lieu de renoncer à cette pratique honteuse qui ne fait honneur ni aux députés qui la pratiquent ni à l’instance à laquelle ils appartiennent, la triche a été encore une fois au rendez-vous lors de la séance d’hier, mais cette fois-ci de façon très flagrante. Sur les 148 personnes présentes à la séance, le nombre des votes exprimés a été de 162 soit un écart de 24 fausses voix. Mustapha Ben Jâafar s’en est aperçu lorsque un brouhaha a éclaté dans la salle et des députés se sont mis à applaudir exactement comme le ferait un lycéen tout content d’avoir « fausse –copié » en présence du surveillant. C’est alors qu’il se rendit compte que le nombre des votes affichés sur le tableau électronique ne correspondait pas au nombre des votants. Il a donc proposé de reprendre l’opération en procédant à un vote à main levée, mais des députés s’y sont opposés au nom du règlement intérieur de l’assemblée. Le député d’Ennahdha Habib Khidhr, en bon juriste averti, a déclaré que même si le règlement intérieur ne le prévoyait pas, car au moment de sa conception on n’avait pas envisagé l’hypothèse de la fraude, rien n’empêchait d’y recourir. D’autres députés ont préféré plutôt compter le nombre des votants et le comparer au nombre des présents pour identifier les fraudeurs. Aymen Zouaghi, député d’El Aridha, qui s’est toujours plaint d’être marginalisé et coupé par le président de l’assemblée à chaque intervention, accusa les facebookeurs parmi la milice d’Ennahdha d’avoir exagéré l’affaire. Une députée Ennahdha l’interrompit alors pour lui demander de retirer ses propos et de s’excuser. Il a fallu l’insistance du Président de l’Assemblée pour l’obliger à revenir sur ses accusations. Après levée de la séance pour 15 minutes, les travaux ont repris avec une avalanche de points d’ordre. Des députés impliqués dans la triche ont reconnu leurs actes considérant qu’ils avaient voté au nom et pour le compte de leurs collègues qui leur ont demandé de le faire en leur lieu et place. Comme quoi, le vote par procuration est permis en matière législative à l’instar de ce qui est d’usage dans les affaires commerciales et civiles. L’un d’eux déclara qu’il n’a commis ni vol ni infamie en rendant service à une collègue qui lui avait demandé de voter à sa place. Pour arrêter la mascarade, un député insista pour que chaque membre de l’assemblée soit assis à sa place au moment du vote Proposition à inscrire dans la catégorie des idées à dormir debout, car il va de soi qu’il doit en être ainsi. Cette consigne, indique Mustapha Ben Jaafar, a été toujours rappelée aux votants, mais n’a jamais été respectée à 100%. La dernière a été la proposition d’un député inspirée de la politique du parti unique et de la médiocratie. Le député a demandé de limiter le direct télévisé à quelques images et à certaines interventions triées, car d’après lui, la réaction dans l’opinion publique a été le fait de la diffusion des séances parlementaires. En d’autres termes, il suggère que l’on opère en cachette. Ce scandale auquel l’on s’attendait le moins de la part des députés choisis par le peuple pour concevoir la constitution et faire face aux objectifs de la révolution, ne fait que compliquer davantage la situation à côté des longs débats sur le point et la virgule et des petites querelles politiciennes et à côté de l’absentéisme phénoménal qui rien que pour la journée d’hier à atteint près de 50%. Entre temps, des centaines de milliards sont bloqués, des projets sont en souffrance, des chômeurs ont perdu tout espoir et une bonne majorité de Tunisiens sont déçus.



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