Le billet de Hatem Bourial - Medersas afghanes et bordels thaïlandais

Le billet de Hatem Bourial - Medersas afghanes et bordels thaïlandais
Chroniques
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À mes yeux, ils sont aussi pathétiques les uns que les autres. Ceux qui, esquivant les difficultés du réel, se laissent pousser la barbe et ceux qui, installés dans le même déni, fuient dans l’alcool. Elles sont tout aussi pathétiques : celles qui semblent tout droit sorties d’une medersa afghane avec leurs voiles d’un autre monde et celles, dénudées, dont les voiles vaporeux montrent plus qu’ils ne cachent. Ces dernières semblent se rendre en nuisette vers un bordel thaïlandais et sont aussi scandaleuses, outrancières et pornographiques que les illuminées en noir. Comme si les accoutrements pouvaient résoudre quoi que ce soit à la crise que nous vivons… Pourquoi se draper d’idéologie pour les unes et de légèreté pour les autres ? La réponse est limpide : pour fuir en avant, pour évacuer le réel, pour tourner le dos à ce qui nous interpelle dans l’urgence et que personne ne veut regarder en face. La drôle de révolution continue et s’assume de plus en plus en tant que révisionnisme ciblant l’héritage moderniste de la Tunisie. L’espoir né le 14 janvier 2011 s’évapore chaque jour davantage devant le déferlement des cheikhs intégristes et des militants fondamentalistes. Dire que la semaine prochaine, le tristement célèbre Qardhaoui viendra nous répéter que toutes les révolutions arabes sont sorties de sa propre abaya… Les roitelets de toute sorte semblent tenir leur revanche contre la Tunisie. Tous les rétrogrades du monde arabe et islamique se sont unis, se donnent la main et jubilent : avec la complicité de leurs agents locaux, ils ont mis à genoux la Tunisie. La Tunisie, ce pays qu’ils haïssent au fond d’eux-mêmes, ce pays qu’ils considèrent avoir été défiguré par « les mécréants de la génération Bourguiba », ce pays qui leur fait peur parce que les femmes y sont libres, ce pays qu’ils redoutent, car il est longtemps demeuré la seule république civile du monde arabe. La plus douce revanche de tous ces fondamentalistes de l’étranger, c’est voir la Tunisie se nier, s’oublier, se méprendre, perdre sa singularité et son originalité. Décidément, on ne peut pas grand chose lorsqu’il s’agit de lutter contre des pétrodollars… Je suis mal placé pour discuter de la liberté des uns et des autres. Chacun est majeur, citoyen et électeur et sait ce qu’il (ou elle) fait. En ce qui me concerne, je suis plutôt surpris lorsque je vois des enfants voilés, des fillettes en niqab. Je suis tout autant circonspect lorsque je vois des fillettes maquillées outrancièrement et déguisées en Lolitas bédouines. Ces enfants sont mineurs et ne doivent pas être les jouets de leurs parents. La responsabilité de ces derniers et engagée clairement. Aujourd’hui, la télévision montre des enfants voilées, des jardins d’enfants ont des élèves voilées. Je trouve cela franchement discutable. J’affirme même que cela procède du lavage de cerveaux innocents. Je ne vais pas ouvrir un débat maintenant. Toutefois, il est temps que la société civile et les institutions réagissent face à ces bricolages qui touchent des enfants. De manière symptomatique, l’un des avocats de la partie civile au Procès Nessma argumentait en affirmant : « Quand bien même il s’agit de l’imaginaire d’un enfant, cela ne doit pas être représenté, car il affecte l’imaginaire de tous les enfants de l’âge de la fillette du film, encore innocente et influençable ». On ne pourrait mieux dire dans la bouche d’un sympathisant islamiste ! Tous les enfants sont innocents et influençables, et c’est bien pour cela qu’il vaut mieux les garder en dehors et à l’abri des options politiques ou idéologiques de leurs parents qui eux sont libres d’adopter le look de leur choix. Libre à eux de ressembler aux ombres d’une medersa afghane ou au frou-frou d’un bordel thaïlandais. Qu’ils épargnent simplement les enfants… Et se souviennent que l’islamisme militant n’a pas grand-chose à voir avec l’Islam de notre pays…



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