Chauds les débats, chauds !

Chauds les débats, chauds !
National
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Tout récemment, à ma grande surprise, alors que nous faisions en commun du sport, un ami à moi abandonna ma compagnie, et cela pour l’unique raison de rentrer suivre, chez lui, les débats télévisés de la Constituante. Ici deux remarques s’imposent. Primo, notre télé nationale s’est libérée de ses carcans et les téléspectateurs sont de plus en plus nombreux à suivre ses programmes. Et tant mieux ! Secundo : les débats de la Constituante, nouvellement élue, sont attrayants et contradictoires. D’un bon niveau, ils se sont déroulés dans une ambiance démocratique que nous n’avions presque jamais connue auparavant. Dans le passé, tout était tracé et convenu d’avance, à telle enseigne que notre Chambre des députés était, à l’évidence, une simple chambre d’enregistrement et cela depuis plus de cinquante ans… Aujourd’hui, tout a, absolument, changé en commençant par la diversité des tendances politiques des nouveaux élus. Ils sont de tous âges, de tous bords et toutes les professions sont représentées. Y compris des chômeurs, un chauffeur, une étudiante et des femmes au foyer. Il s’agit là d’un parterre mixte et varié où siègent près d’un cinquième d’élues dames. Celles-ci sont pour la plupart voilées révélant, ainsi, une forte présence d’Ennahdha. Les débats qui s’y déroulent, depuis quelques semaines, n’ont pas manqué, parfois, de piquant surtout quand le doyen de la Constituante (74 ans environ), «papi Hmila», intervient en usant de quelques «succulentes anecdotes» qu’il a vécues, en notoire opposant déjà, sous Si Lahbib, puis sous le fuyard. Ce qui a attiré en particulier l’attention générale, samedi passé, ce sont les débats concernant l’indépendance financière et administrative réclamée au profit de la Banque Centrale et la réforme du ministère de la Justice. Il en ressort, malgré des débats parfois enflammés, qu’une B.C quelconque soumise aux desiderata de l’exécutif, finit, généralement, par vouer le pays à de graves difficultés économiques. Quant aux rouages judiciaires, ils doivent disposer de hautes instances élues afin de tirer le tapis sous les pieds des dévoyés au sein de ce corps. Et, il faut l’avouer, ça foisonne d’intrus dans nos tribunaux. Les interventions de la majorité des représentants du peuple ont été, grosso-modo, à la hauteur de la gravité des sujets traités. Parfois, face à autant de franchise dans le langage et la pertinence des remarques soulevées relevant, parfois, des règles de droit ou de l’économie, on ne cesse de se demander si on est bien en Tunisie ! Bravo, messieurs-dames ! C’est ça la liberté d’expression retrouvée ! C’est, aussi, le signe tangible, quoi qu’on dise, que la Tunisie est entre de bonnes mains. Et l’expérience s’acquiert toujours avec l’exercice et les entraînements. Car, aucune force politique, fût-elle la majorité constituée par la «troïka» (Ennahdha, Congrès de la République et Ettakatol) ne peut, un jour, dépasser les lignes rouges. Il y a bien, depuis une vingtaine de jours, une opposition à l’intérieur de la chambre doublée de manifestations et de sit-in tenus nuit et jour à l’entrée du Palais de la Constituante pour veiller au grain, voire faire pression sur les uns et les autres afin de les «ramener dans le droit chemin» ou au consensus. C’est ce qu’on appelle l’opposition populaire des «sans culotte» (terme désignant les révolutionnaires de 1789, en France). Nos gaillards, de plus en plus nombreux, campent en continu au Bardo et leurs sit-in changent de têtes, selon la nature des revendications. Donc, ils font fonction de contre-poids face à ceux qui seront appelés à diriger le pays, particulièrement le tandem de la «troïka». C’est tombé du ciel ! Et c’est un signe de bonne santé politique pour la Tunisie… Par contre, ce que je crains le plus, c’est de voir le «provisoire» appelé, par la force des choses ou par calculs politiciens, perdurer beaucoup plus qu’il le faut. Rappelons-nous la rédaction de notre première Constituante, élue au lendemain de l’Indépendance. Elle a duré pas moins de quatre longues années. Bourguiba y accéda, à l’époque, en tant que simple député. Il devint vite Premier ministre pour aboutir, finalement, Président de la République après avoir déraciné Lamine Bey. Les observateurs avertis, dont je partage le point de vue, pensent, à juste titre du reste, que tout le danger pour notre pays réside, entre autres, dans un manque de maîtrise du facteur temps par les instances provisoires y compris celles déjà élues ou à élire. Il faut fixer une date limite à la Constituante du fait qu’on reste persuadé que, par la suite, personne ne se laissera facilement «déposséder» du morceau : ni Moncef Marzouki, une fois accoutré du somptueux habit de chef de l’État, ni Hamadi Jebali, le futur Premier ministre nahdhaoui aux prérogatives immensément étendues, prenant ses aises au sein du fascinant palais de la Kasbah…

M’HAMED BEN YOUSSEF - Tunis-Hebdo




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