Cactus : une schizophrénie médiatique qui pique et…pique

Cactus : une schizophrénie médiatique qui pique et…pique
Culture
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Régime de Ben Ali déchu dites-vous ? Oui, c’est certain, mais les lèche-bottes squattent toujours le terrain… D’autant plus que la quasi-totalité des anciens vassaux du dictateur, et pour se racheter, se métamorphosent en de pauvres victimes ou souffre-douleur de l’ancien régime et du clan Trabelsi. Une «conférence de presse», si on peut appeler ça ainsi, a eu lieu mercredi dernier dans les locaux de la maison de production Cactus. Longtemps boudés par le propriétaire des lieux, à savoir Sami Fehri, les journalistes se sont trouvés pris au piège. En réalité, la conférence de presse s’est avérée être l'enregistrement d'une émission télévisée que «Monsieur» préparait pour sa nouvelle chaîne télé… Rien ne nous avait préparé à cela, et sûrement pas le fax que nous avons reçu ! Un one man show très... Fehri ! Puisque c'est «Cactus» et qu'un cactus ça pique, on peut se demander quelle mouche a piqué Sami Fehri, lui qui a toujours ignoré les (vrais) journalistes, pour redescendre sur terre et les convier dans ses locaux. Allait-il faire comme tous ceux qui se prétendent avoir été manipulés par l’ancien régime et se dire accusés à tort ? Ou comptait-il annoncer publiquement son mea culpa afin de se faire pardonner ? La réalité était tout autre. Le propriétaire de Cactus a donné l'impression d'être dans tous ses états : perturbé, instable, anxieux ; une image qui n’est pas celle qui correspondait à un homme que l’on disait trop sûr de lui, voire même hautain. Les journalistes ont été orientés vers les lieux de la conférence, un studio avec des caméras partout, et ont été installés au premier rang, place d’honneur… Derrière eux, le personnel de Cactus était là où devait se mettre le public. The show must go on. Projecteurs, écrans géants, matériels ultra sophistiqués, tout était en place… Pour une simple conférence de presse, rappelons-le ! Sami Fehri se lança dans un long et pompeux verbiage. Cours magistral, longue tirade, monologue ou show télévisé ? On ne savait plus à quoi on avait affaire. Il monopolisait la parole, ne tenant pas compte des réactions des journalistes qui se demandaient, au fil du temps, la raison de leur présence. Il a enchaîné avec un rythme effréné et démesuré son long discours, alors qu'au départ, il avait demandé aux journalistes comment ils voulaient procéder. L'objectif de ce long débat, qu’il anima seul, bien évidemment, était de démentir toutes les accusations faites à son encontre, clamer haut et fort son innocence quant aux manigances et privilèges dont il bénéficiait du temps de l’ancien dictateur. Il se posait lui-même les questions auxquelles il répondait. Nous, journalistes, n’étions en fait, que des spectateurs face à un show «télévisé», juste des bibelots dans le décor… Manipulation médiatique et mécontentement journalistique Durant 5 heures et demie non-stop, Sami Fehri n’a pas arrêté de pérorer, de donner des détails et descriptions à la Balzac ! Et comble de l’ironie, son personnel applaudissait à chaque fois que leur boss se justifiait, à croire que l’on était encore à l’ère de Ben Ali, et dire que les employés ne sont pas payés depuis deux mois maintenant… Se rendant compte de la comédie burlesque dans laquelle ils étaient à la fois spectateurs et comédiens, quelques-uns parmi nous se sont rebellés contre cette «conférence» dont Sami Fehri a fait un purgatoire malsain et beaucoup se sont indignés que ce soit-disant repentant utilise les gens de la plume comme moyen pour arriver à ses fins et comme vecteur de sa nouvelle propagande : faire de la pub pour sa nouvelle chaîne. Ainsi, il a voulu nous manipuler pour faire une émission avec nous sans même nous avoir demandé la permission, et lancer sa nouvelle chaîne télé avec des images de cette émission tournant en boucle et montrant une trentaine de journalistes tunisiens à l'image. A-t-il décidé cela pour montrer au monde que les journalistes tunisiens le soutiennent ? Ça sera une manipulation machiavélique. On se demande aussi d'où viennent les fonds pour le lancement de cette nouvelle chaîne, alors que Sami Fehri jouait les pleureuses sur ses comptes gelés, et sur le fait qu'il était fauché… Pour toute excuse sur l'enregistrement à l'insu des journalistes, le patron de Cactus a continué à caqueter en déclarant : «C’est que je ne suis pas habitué aux conférences de presse. Je ne sais pas comment il faut procéder !». Aurait-il oublié que certaines valeurs professionnelles et morales ne se vendent point dans les marchés aux puces ? Les temps ont changé, or, il y en a ceux qui oublient que l’ère des privilèges et des complots est bel et bien révolue…

Melek LAKDAR - Tunis-Hebdo (n°1889, du 21 au 27 mars 2011)




"19B" sélectionné pour le 44e Festival International du Film du Caire

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