Quand la Révolution tunisienne se fait sentir aux Etats-Unis

Quand la Révolution tunisienne se fait sentir aux Etats-Unis
National
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Durant la semaine du 13 janvier, toutes les chaînes de télévision, les sites Internet ou les premières pages des journaux ne parlaient que de la Tunisie et de sa Révolution au parfum de Jasmin. Le « non » populaire tunisien a défié l’Histoire notamment par l’absence (apparente ?) d’autre idéologie motrice que la volonté inébranlable d’une vie meilleure et plus libre. De quoi donner quelques cheveux blancs à ce bon vieux Marx qui ne pouvait envisager une révolution sans le rôle dirigeant d’une idéologie politique particulière… et sans l’implication décisive d’un guide « illuminé ». Mais c’est justement du guide que le peuple en a eu marre. Et c’est cela qu’on retiendra de ce mouvement de liberté dont on a entendu les échos… jusqu’en Amérique. Entre inquiétude et espoir A commencer, bien sûr, par la communauté tunisienne… et par l’inquiétude pour la famille, restée au pays. « J’ai suivi les événements avec beaucoup d’inquiétude et de peur pour mes proches, nous a dit Kaouther Ajroud, ancienne de la Faculté des Sciences de Tunis, travaillant actuellement à Chicago. Internet et les appels téléphoniques par Skype étaient mes principales sources d’information. Sur Facebook, les mises à jour des messages presque instantanées nous ont permis de suivre heure par heure les événements. Sachant qu’au même moment alors que nous sommes ici aux Etats-Unis, il y a des personnes innocentes, manifestant sans violence, qui sont en train de se faire tuer froidement me faisait mal au cœur. Lorsque les pillages et les incendies ont commencé, c`est devenu insupportable de savoir que nos proches n’étaient pas à l’abri. Selon Senda Ajroud, neurologue au centre hospitalo-universitaire de Northwestern University à Chicago, « la révolution a mis à nu l’hypocrisie du monde occidental qui pendant très longtemps a soutenu le dictateur. » Elle a aussi tenu à souligner la particularité de la Révolution tunisienne qui s’est faite « dans le calme, le civisme et le respect de l'autre », sans « guerre civile », ni « organisateur ». « C'est comme un réveil qui a sonné en même temps chez tout le monde, a-t-elle ajouté » Quant à Aniss Driss, ingénieur en informatique, il s’est montré tout à fait optimiste pour la Tunisie de demain. Selon lui le peuple tunisien est mûr et à l'abri de l'intégrisme religieux. Il a insisté particulièrement sur l'ambition des jeunes «devenir égaux aux Européens, aux Japonais ou aux Américains » ce qui « leur donnera des ailes et du courage pour reconstruire une Tunisie Moderne où la liberté d'expression et la culture fleurissent. » Une Tunisie Nouvelle qui, pour Kaouther, passe par le développement des énergies renouvelables et par la constitution d’une société civile et d’un tissu associatif qui « veilleront à ce que le peuple ne soit ni lésé, ni berné, ni abruti comme c'était le cas avant. » Quand les Américains veulent suivre l’exemple des Tunisiens Et puis, il y a les Américains… qui, chose plutôt rare, ont levé la tête de leur soucis quotidiens pour s’intéresser à ce qui se passe dans un tout petit pays dont on ne parle jamais. D’ailleurs, aux Etats-Unis, on regarde rarement ce qui se passe dans l’Etat voisin. Mais ce n’est pas le cas de Cecil Gonzales De La Font. Cet ingénieur de lointaine origine française ne rate pas une information provenant des pays parlant la langue de sa grand-mère maternelle. Selon lui, l’Amérique se mettrait très prochainement au parfum… du jasmin. A commencer par le Mexique, le pays dont est originaire son père, et qui « croule sous la corruption de ses dirigeants ». Mais ses prévisions n’ont pas épargné le pays de l’Oncle Sam et tout particulièrement l’Illinois dont le Gouverneur vient d’augmenter drastiquement les impôts sur le revenu en guise de cadeau de Noël. Quant à MJC, retraité, il a comparé la Révolution tunisienne à la Révolution américaine : le seul exemple jusque là où le peuple, seul, a pu se débarrasser d’un pouvoir que l’on croyait indéboulonnable. Seulement, l’avenir pourrait ne pas être aussi rose qu’on le croit. Car, selon lui, le régime autoritaire a déraciné toute opposition viable… sauf les islamistes qui, plus organisés et mieux financés, ne tarderont pas à récupérer, à long terme, la révolution du peuple. D’autant plus que les exemples de corruption dans les régimes laïques des deux côtés de la Méditerranée ne manquent pas, ce qui risque de faire pencher la balance des élections du côté des partis religieux. Il a aussi ajouté qu’au lendemain de l’euphorie de la victoire de la révolution qui a des causes essentiellement économiques, les gens se réveilleront avec les mêmes problèmes de chômage et de manque de perspectives. « Je n’aimerai pas être à la place des gouvernements qui vont se succéder ces quelques années », a-t-il conclu. Le jasmin fleurira-t-il en Tunisie ou en gardera-t-on seulement le parfum ? Vu la singularité de l’événement, une comparaison avec les événements du passé ne peut que donner des prévisions très approximatives. Ce qui est sûr, c’est que pour l’instant, le peuple tunisien a un atout fort entre ses mains qu’il ne doit pas laisser filer.



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