Tunisie, l’Etat-providence dans toute son insignifiance !

Tunisie, l’Etat-providence dans toute son insignifiance !
Tunis-Hebdo
print



Le régime d’Etat-providence qui consacre l’intervention des pouvoirs publics dans les domaines économique et social semble être en fin de cycle dans le monde. Pourquoi la Tunisie donne-t-elle l’impression de conserver un régime qu’elle n’est plus en mesure d’entretenir aujourd’hui.
La question de l’interventionnisme de l’Etat et du libéralisme et sur lequel des deux modèles peut-on se baser afin de réaliser le bien-être économique et social des peuples continue à partager les mouvances idéologiques de gauche et de droite. Les partisans de la gauche cautionnent l’appropriation collective des moyens de production et une plus grande intervention étatique, en tant que planificateur, alors que la droite est contre la mainmise de l’État sur le pouvoir économique. Elle défend, conséquemment, la propriété privée et la libre entreprise. Où en sommes-nous de ce « bipartisme économique » ? La Tunisie est-elle un Etat-providence au sens divin du terme, un Etat qui aiguille le destin des êtres et façonne les événements dans une sorte de fatalité quasi-religieuse, un Etat qui règle à l’avance le cours des choses ? Ou est-elle, en train, de s’affranchir de cette forme de gouvernance qui est, a posteriori, en fin de cycle dans le monde ? La Tunisie est-elle entrée, aujourd’hui, de plain-pied dans un modèle libéral duquel il lui est difficile de s’extirper, et, par conséquent, elle ne peut pas faire machine arrière ? Ou encore, notre modèle est-il un mélange d’Etat-providence et de libéralisme, si ce n’est ni l’un ni l’autre ?
Où en sommes-nous du "bipartisme économique" ?
Pour y répondre, on va faire simple. Dans l’absolu, les discours de nos gouvernants convergent, tous, vers la thèse que l’Etat tunisien veille au grain et qu’il joue le rôle de régulateur sur les plans économique et social selon les attributs que lui confère le régime d’Etat-providence. Mais dans les faits, rien n’est vérifié de tout cela, du moins aujourd’hui. Jugez-en vous-mêmes : Dans l’enseignement d’abord, la Tunisie se targue d’entretenir une gratuité à tous les niveaux des cycles d’éducation, mais dans la réalité cette gratuité est trompeuse. Dans le premier et deuxième cycle de base, les élèves sont contraints de suivre des cours particuliers, payants cela va de soi, pour pallier les défaillances humaines et matérielles de l’école publique dont l’Etat est responsable. Dans l’enseignement supérieur, les frais d’inscription, le logement et le transport réfutent les arguments surannés de gratuité. De plus, un pays qui prétend consacrer le principe d’Etat-providence n’accepte pas un enseignement à deux vitesses, un enseignement public délabré pour les pauvres et un enseignement privé pour les riches, avec toutes les commodités requises.
La gratuité de l'enseignement est trompeuse
Dans le secteur de la couverture sociale, de l’assurance maladie et de la prestation des soins dans les hôpitaux qui en découlent, peut-on parler, vraiment, d’Etat-providence au moment où les caisses sociales sont sous perfusion, que la CNAM est incapable de rembourser les frais de soins de ses affiliés et qu’il faut patienter des mois pour se faire faire une radio dans un hôpital public. Sur le plan économique, comment se fait-il qu’un Etat-providence, comme veulent le faire admettre nos gouvernants, concède à des lobbies de spéculer sur des matières, dites de première nécessité, subventionnés de surcroît, les écouler sur un marché dans les conditions qu’ils jugent le plus profitable et qu’ils fixent, eux-mêmes, au préalable ? Comment un Etat-providence peut-il prétendre encourager la demande intérieure au moment où la consommation est freinée par une inflation galopante et que l’investissement est confronté à un taux d’intérêt qui fera fuir les hommes d’affaires les plus redoutables face au risque.
Précarisation des emplois, appauvrissement de la population
Peut-on parler d’Etat-providence quand la précarisation des emplois n’a d’égale que l’appauvrissement soutenu de la population ? De quel Etat-providence devons-nous s’enorgueillir quand un logement social (s’il en existe encore) coûte 120.000 dinars minimum et que le SMIG est aux alentours de 400 dinars. Peut-on finalement parler d’Etat providence dans un pays où les précipitations clouent des populations entières dans leurs maisons et où les élèves meurent emportés par les torrents d’eau des oueds ? Décidément, plus providentiel que ça, tu meurs.

Chahir CHAKROUN Tunis-Hebdo du 18/11/2019




Nos banques : à radin, radin et demi !

Précédent

Franc-parler : Tunis-Munich !

Suivant