Le film tunisien "Noura rêve" au Festival du Film d'El Gouna

Le film tunisien "Noura rêve" au Festival du Film d'El Gouna
Culture
print



 

Après sa première mondiale au Festival International du Film de Toronto (Canada), et après sa projection en compétition au Festival International du Film de Saint-Sébastien (Espagne), le film tunisien Noura rêve de Hinde Boujemaa, a fait sa première dans le monde arabe au Festival du Film d’El Gouna en Egypte, où il est en compétition dans la section longs métrages fictions.

Cette projection était très attendue à El Gouna, surtout parce que le premier rôle féminin est tenu par la grande star du cinéma arabe Hend Sabry mais également parce que depuis ces dernières années, le cinéma tunisien a le vent en poupe.

Ont assisté à cette projection un très grand nombre de stars, dont Leila Eloui, Yosra, Mona Zaki, Asser Yassine, Salwa Mohamed Aly…..

[caption id="attachment_224331" align="aligncenter" width="700"]Hakim Boumsaoudi et Hend Sabry dans "Noura rêve" Hakim Boumsaoudi et Hend Sabry dans "Noura rêve"[/caption]  

Après avoir réalisé un très beau premier long métrage documentaire C’était mieux demain en 2012 et un très émouvant court métrage fiction Et Romeo épousa Juliette en 2014, Hinde Boujemaa écrit et réalise son premier long métrage fiction Noura rêve.

Employée dans la laverie d’un hôpital, Noura (Hend Sabry) essaye d’élever ses trois enfants en l’absence de son mari Jamel (Lotfi Abdelli), emprisonné. Amoureuse, elle entame une procédure de divorce pour refaire sa vie avec Lassaad (Hakim Boumsaoudi). Ses plans sont déjoués lorsque cinq jours avant le jugement du divorce, bénéficiant d’une grâce présidentielle, Jamel sort de prison….

Noura va se retrouver dans une situation difficile. Elle ne peut avouer sa relation de peur de se faire accuser d’adultère et risquer cinq ans de prison. Elle est obligée de se taire et d’accepter d’être encore l’épouse pendant quelques jours.

A travers ce film, Hinde Boujemaa dénonce l’implication de l’Etat dans les relations privées des citoyens, mais aussi et surtout l’inégalité homme/femme en Tunisie. Dès les premières minutes, une discussion avec l’assistante de l’avocate de Noura donne le ton. Bien que constatant que Jamel est un délinquant, elle demande à Noura si elle est consciente de ce qu’elle fait en demandant le divorce, si elle a pensé à ses enfants, si elle est sure que son amant ne la rejettera pas ? etc….

 

La question principale que pose ce film : est-ce qu’une femme a le droit de rêver à une autre vie ? En fait, dans notre société, est-ce qu’une femme, surtout une mère, malheureuse dans sa relation conjugale, a le droit d’aimer ailleurs et d’espérer refaire sa vie avec la personne qu’elle aime ?

Noura, qui ne veut plus avoir à trimer seule pour élever ses enfants, qui ne veut plus faire de visites à la prison, qui ne veut plus avoir peur de son mari, qui ne veut plus subir sa violence quotidienne, a-t-elle le droit de rêver à une nouvelle vie ?

Noura rêve dénonce également la violence. Jamel qui aime sa femme et ses enfants, qui réclame leur affection et leur tendresse, qui ne lève pas la main sur eux, est violent. Il est violent dans sa façon d’exercer son autorité, il est violent dans sa façon de faire passer sa propre satisfaction avant celle de tous les autres, il est violent par ses insinuations, il est violent par son égoïsme de mâle… Une violence sournoise et « ordinaire ». Une violence psychologique, mais usante, fatigante, démoralisante et qui fait vivre Noura dans la peur. Une violence qui en réalité existe dans bien des familles tunisiennes, mais qui est tolérée parce que émanant de l’homme, chef de famille, ayant tous les droits sur tous.

Mais tout en dénonçant, à aucun moment le film n’a jugé ou n’a caricaturé ou même forcé le trait. Les trois personnages sont réalistes. Ils sont tous les trois attachants et dans la nuance. La réalisatrice a beaucoup utilisé les gros plans, comme si elle voulait à chaque fois que le spectateur puisse scruter les visages et essayer de comprendre ce que peut penser ou ressentir le personnage.

[caption id="attachment_224332" align="aligncenter" width="700"]Hend Sabry dans "Noura rêve" Hend Sabry dans "Noura rêve"[/caption]

Le film a été très applaudi par le public d’El Gouna, ému par la sincérité de l’histoire d’amour, surtout que dans nos sociétés, il est rare de voir des hommes aimer et vouloir épouser une femme, non seulement divorcée, mais avec enfants. D’ailleurs, contrairement à ce que l’on aurait pu croire, les spectateurs ont été solidaires avec Noura, sans la juger et surtout sans la condamner pour son adultère.

Ce qui d’ailleurs a attiré l’attention de certains journalistes égyptiens qui, étonnés de cette solidarité, se sont demandés comment une réalisatrice tunisienne pouvait raconter un adultère sans le condamner et ensuite comment ce film pourrait être perçu par un public arabe, réputé conservateur ? Une journaliste a même demandé à Hend Sabry si elle ne craignait pas des répercussions sur sa carrière ou le courroux de ses admirateurs. Cette dernière a répondu que le film n’encourage en aucun cas l’adultère, il ne fait que raconter une histoire, mais qu’en plus il ne faut pas oublier que le métier d’acteur est de jouer un personnage, non de le juger, et qu’il faut savoir dissocier l’acteur de son personnage. En jouant Hannibal Lecter, Anthony Hopkins n’a ni encouragé le cannibalisme, ni n’est devenu cannibale. Pareil pour Marlon Brando qui en jouant Vito Corleone n’a ni encouragé le crime ni n’est devenu un criminel lui-même.

https://www.facebook.com/ElGounaFilmFestival/videos/451770702102809/  

Noura rêve sera en compétition aux Journées Cinématographiques de Carthage – Edition Nejib Ayed, qui se déroulera du 26 Octobre au 2 novembre 2019. L’occasion pour le public tunisien de découvrir ce film.

Neïla Driss




Commentaires

Festival International du Caire : une équipe permanente et un travail continu sont le secret de sa r...

Précédent

L'Italie, invité d'honneur de la Foire internationale du livre de Tunis

Suivant