Point d'Orgue | Sans voix !

Point d'Orgue | Sans voix !
Tunis-Hebdo
print



Face à la mascarade que l’on voit se jouer au Bardo, ces derniers jours, je suis, comme beaucoup de Tunisiens, resté sans voix ! Vous connaissez tous les détails de cette farce indigne, je ne vais pas vous la rappeler, afin de vous éviter un nouveau coup de sang, mais on peut la résumer en ces termes brefs ; il s’agit pour le chef du gouvernement et ses alliés de couper la voie (qassa arbi) à des concurrents électoraux qui montent dans les sondages et qui risquent de faire le plein de voix aux prochaines élections. Pour cela, on va couvrir la basse manœuvre d’un voile pudiquement démocratique, et si le coup réussit, voilà donc le président du gouvernement sur une voie royale pour le palais présidentiel ! Autour de ce projet, une coalition se forme au Bardo, qui ressemble plutôt à un chœur à plusieurs voix, et dans une grande variété de tons : des voix graves par-ci, des voix aiguës par-là, des voix de basse, des voix de soprano, etc. Seulement, dans cette cacophonie où tout le monde chante faux, il manque une voix de ténor, celle d’un véritable chef capable de mener la danse, si l’on peut dire cela à propos de chant. Dans cette foire d’empoigne, où chacun emprunte, dans un style particulier, «la voix de son maître» (le logo d’une marque de disques du siècle dernier dont la mascotte est un chien), chaque membre de la chorale veut faire entendre sa voix, pour la récompense que l’on connaît. Beaucoup d’entre eux ignorent certainement que «élever la voix ne donne pas raison» (proverbe chinois), et ils donnent donc de la voix, tant qu’ils peuvent. Mais «rien ne sert de crier, il faut convaincre avant», comme aurait pu dire notre brave La Fontaine. Face à des concurrents qui croient être la «voix du peuple», laquelle est, dans un adage célèbre, assimilée à celle de Dieu (Vox populi, vox Dei !), les supporters du chef du gouvernement crient d’une seule voix : «Attention ! Ce sont des imposteurs, des arnaqueurs !». Et sur le fond, ils n’ont pas tort, peut-être. Mais sur la voix empruntée pour contrecarrer leurs adversaires, il y a beaucoup à dire, si l’on veut entendre la voix de la raison. Mais peut-on parler de sagesse lorsque c’est la voix de la passion qui prend le dessus ? Quant à moi, je me sens, face à cette affaire, un peu comme Jeanne d’Arc : j’entends des voix ! Une voix active (comme en grammaire) qui m’appelle à m’indigner et une voix passive qui m’invite à me comporter en spectateur amusé. Mais comme l’événement m’a laissé sans voix, je ne sais pas comment je vais faire, le jour «J», pour aller aux urnes !

Adel LAHMAR Tunis-Hebdo du 17/06/2019




Commentaires

Nos banques : à radin, radin et demi !

Précédent

Franc-parler : Tunis-Munich !

Suivant