La rubrique du lundi | Sicile chérie !

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Tunis-Hebdo
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J’ai suivi, récemment, avec intérêt, un programme télévisé, diffusé par «Al Jazira Documents», traitant de l’occupation de la Sicile par les Arabes durant près de 250 ans. Pour l’histoire, cette grande île a été conquise en 827 par l’amiral Assad Ibn al-Fourat, alors âgé de 80 ans et cela à partir de la grande base navale de Sousse. Sa puissance rayonnait sur une grande partie de la mer Méditerranée et cela, grâce à la bravoure des Fatimides et leur savoir-faire dans la construction des navires de guerre et marchands. La tombe d’Assad Ibn al-Fourat se trouve toujours dans cette grande île où elle est l’objet de fréquentes visites. La majorité des interviewés ont rendu hommage au savoir-faire de nos ancêtres et à leurs legs à ce petit pays où ils ont apporté leur civilisation qui était, à l’époque, grandement en avance par rapport à celles des autres pays européens. Les occupants maghrébins ont tout apporté à la Sicile et cela comme l’ont reconnu les érudits de ce petit coin de paradis parmi lesquels figurent d’illustres personnages : des réseaux de conduites d’eau et d’irrigation, l’agriculture y compris la culture des fruits dont divers types d’oranges, l’architecture, le tissage du coton, de la soie, les fondements de l’économie moderne dans son ensemble, ainsi que la bonne marche de l’administration. La musique, aussi, a été influencée par la nôtre. La base du solfège sicilien est d’origine arabe et le recours, entre autres, à la pratique du luth, identique au nôtre, est très courant. Leur danse n’est pas si différente de celle du ventre. Par ailleurs, plusieurs types de nos instruments musicaux sont toujours fabriqués manuellement dans cette île. Lorsqu’il s’agit d’aller à la pêche au thon, les Siciliens et autres Italiens, par exemple, chantonnent en arabe et cela depuis des siècles jusqu’à nos jours. La marche de l’administration se pratiquait en arabe et les Siciliens, à cette époque-là, ne parlaient que la langue du prophète Mohamed. Quant aux «occupants», ils se sont montrés très tolérants envers les chrétiens installés sur place. Ils pouvaient pratiquer leur religion à leur aise, ce que ces derniers ont peu toléré quand ils sont parvenus à renverser la situation à leur profit et à prendre leur revanche sur les Arabes. Ceux qui n’ont pas tenu à s’exiler, parmi les Maghrébins, ont dû, régulièrement, s’acquitter d’une dime pour rester dans cette île. Les vestiges arabes en Sicile sont très nombreux et constituent un témoignage vivace du savoir-faire de nos aïeux, alors qu’à l’époque, l’Europe entière se débattait encore dans l’ignorance et la vulgarité. Un grand savant, interviewé à Palerme, a déclaré que «si la Sicile n’a pas connu la même réputation que l’Espagne à propos des illustres legs arabes laissés, chez nous, c’est à cause de l’ignoble comportement de l’Eglise catholique. Celle-ci a tout fait - mais vainement - pour effacer les traces de la civilisation arabe dans notre pays.» Par ailleurs, il n’y a pas une différence notable entre ce que mangent les Siciliens, aujourd’hui, et nous autres. Savez-vous, par exemple, que les femmes siciliennes préparent, chaque dimanche, un couscous similaire au nôtre et cela avec les mêmes types d’ustensiles et d’ingrédients ? Lors de cette émission, on a présenté une dame dans sa cuisine. Elle pratiquait les mêmes gestes, pour la préparation du couscous, que nos mères. Elle l’étalait, d’abord, dans un grand récipient avant de l’arroser de sauce comme cela se fait chez nous. Elle a été jusqu’à répondre aux traquenards en leur lançant que «le couscous ne peut pas être sicilien. Ce sont les Maghrébins qui nous l’ont apporté avec eux, lorsqu’ils ont conquis le pays». Notons que, par ailleurs, tous les plats siciliens sont à base d’huile d’olive, produite chez eux. Quand les Normands, menés par le comte Roger Guiscard, se sont emparés du pays en 1072 par traîtrise, alors qu’un prince arabe en rébellion les avait appelés à son secours, le chef chrétien y a trouvé une administration arabe totalement compétente pour la bonne gestion du pays et le prélèvement des impôts ainsi que des soldats courageux et aguerris pour poursuivre ses conquêtes ravageuses.

M’hamed BEN YOUSSEF Tunis-Hebdo du 27/05/2019




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