Avec ou sans spaghettis ?

Avec ou sans spaghettis ?
Tunis-Hebdo
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Les premiers westerns dont je me souviens avaient pour héros John Wayne, Gary Cooper ou James Stewart. C’était le bon vieux temps du noir et blanc, des trains qui sifflaient trois fois  et des « lonesome cowboys ».

De nos jours encore, je garde une certaine tendresse de rétine pour ces œuvres qui, parfois, n’ont pas pris une ride. C’est que du temps de John Huston, les chevauchées derrière les diligences, les combats homériques pour repousser la frontière et les apparitions claironnantes de la cavalerie avaient les saveurs des débuts.

Faut-il le rappeler ? Ces films sont inséparables des salles de cinéma de nos enfances. On attendait toute une semaine, on économisait chaque sou pour pouvoir louer son fauteuil le jour voulu. En ce temps, les  places les plus chères dans la mezzanine  du Palmarium coûtaient 400 millimes et le billet le plus abordable au Studio 38 ne valait que 160 millimes.

De même, cette génération de films était déjà sur le déclin. On était depuis longtemps passé à la couleur et le noir et blanc faisait plutôt désuet.  Pour ma part,  j’ai quasiment vécu les deux époques. Je me souviens bien des derniers grands films western en noir et blanc puis j’avais pleinement vécu l’avènement de la couleur.

C’était le temps de la relève et si les grands comédiens étaient toujours là, il fallait aussi compter avec les jeunes stars qui étaient à l’époque Paul Newman,  Steve Mc Queen ou encore Charles Bronson. Toutes les couleurs du western étaient alors à l’écran et, je crois que des films comme « La Horde sauvage » ou « Les sept mercenaires » resteront inoubliables.

Difficile de se faire une religion toutefois ! Si on me demandait mon film western préféré de tous les temps, je répondrais sans hésitation aucune « La Conquête  de l’Ouest ». Ce film ne m’a jamais quitté et représente pour moi la plénitude du genre. Avec un superbe Kirk Douglas et un Karl Malden des grands jours, ce film fait partie de la génération de ces œuvres qui pouvaient durer jusqu’à quatre heures.

Souvenez-vous ! C’était l’époque de « Cléopâtre », « Les Dix commandements »,  « Autant en emporte le vent »,  « Le jour le plus long » et d’autres films-fleuves qui vous tenaient en haleine et vous en mettaient plein les yeux.  « La Conquête de l’Ouest » appartient à cette catégorie et, à vrai dire, il m’arrive encore de le regarder deux ou trois fois par an avec le même plaisir.

Mon second western préféré est une œuvre plus ancienne, en noir et blanc, avec un John Wayne au  summum de ses moyens.  Il s’agit du film « Qui a tué Liberty Valance », un drame humain, social et politique qui pourrait être tourné avec des habits neufs, tellement sa trame s’apparente au théâtre  tragique. C’est une œuvre de répertoire qui souligne bien l’universalité du western.

Enfin, pour compléter ce podium, j’ajouterai « Little Big Man », un western complètement décalé qui brisait les  poncifs du genre et instaurait ce qu’on appelera à une époque donnée l’anti-western. C’était au début des années 1970 et des films comme « Soldat Bleu » ou « Un homme nommé cheval » avaient défrayé la chronique. Avec « Little Big Man », Dustin Hoffman avait joué l’un de ses plus beaux rôles.

Bien sûr, chacun a été marqué par des films ou des acteurs. Ils sont nombreux qui évoqueront Robert Redford, Henry Fonda ou Jack Palance. Comme ceux d’ailleurs qui se souviendront des dames du cinéma western à l’image de Jane Fonda ou Ursula Andress et Claudia Cardinale.

Mais dans ce domaine précis, les souvenirs de tous sont innombrables et marqués des sceaux du Technicolor et du cinémascope…

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Ceux qui ne pouvaient pas aller au cinéma avaient toujours la possibilité de se rattraper avec les bandes dessinées.

Dans cet esprit, les magazines ne manquaient pas et la palette allait de Bonanza à Rintintin en passant pour Blueberry. Mais les plus populaires étaient suivis à travers des illustrés comme Kit Carson, Buck John ou Tex Tone. Ces petits bouquins valaient quatre sous et vous faisaient rêver des grands espaces de l’Ouest américain.

Plus tard, il y aura Mustang, Ombrax ou Carabina Slim dont tous ceux de mon âge se souviennent. Mais les maîtres du genre n’étaient autres que Miki, Tex Willer, Zagor et Kit Teller dont les aventures étaient publiées dans les inoubliables Rodéo, Nevada et Yuma.

C’est loin tout cela mais ces héros de papier et leurs acolytes ont laissé des  traces vivaces. Qui d’entre vous, chers lecteurs, se souvient encore de Double-Rhum, Saignée, Frankie à la moustache fleurie ou Chico et son légendaire « Caramba y carambita » ? C’est du passé tout cela mais ce sont aussi toutes nos adolescences.  Bien sûr, avec quelques poils au menton, on se détournait vite de ces illustrés des années cinquante.

Pourtant, je suis certain que n’importe lequel d’entre nous laisserait tout tomber séance tenante s’il fallait se replonger dans un de ces illustrés miraculeusement retrouvé !

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Et puis un jour, il y eut le western spaghetti, avec Clint Eastwood de préférence…

C’était l’époque du duo Sergio  Leone et Ennio Moriconne lorsque le western se mit subitement à parler italien. Tournés à Cinecitta ou en Espagne, de nouveaux films western ont déferlé sur les écrans, avec plus de violence, plus d’action, des gros plans et des travelings  à n’en plus finir et des héros qui rompaient avec les conventions.

Parmi ces films,  « Le bon, la brute et le truand » ainsi que le cultissime « Il était une fois dans l’Ouest » comptent parmi les œuvres les plus représentatives. Inoubliables, ces films ouvriront la voie au western spaghetti avec son cortège de héros improbables, de méchants sanguinaires et de pistoleros  de pacotille. Le défilé des desperado allait commencer avec le fameux Ringo auquel Giuliano Gemma offrait ses traits.

Puis, l’un après l’autre, les nouveaux héros allaient s’installer dans l’univers des mordus du western à la sauce spaghetti. Il y aura Django avec Franco Néro puis le terrible Sabata avec Lee Van Cleef. Le bal des méchants allait ensuite continuer avec Sartana et Trinita.

Bientôt, le duo Terence Hill-Bud  Spencer (tous les deux sont Italiens, soit dit en passant) allaient imposer son style entre burlesque et hémoglobine. Et lentement, ces films allaient sombrer dans la débilité avant de disparaître de nos radars.

Depuis, le western s’est assagi, avec de temps en temps des œuvres puissantes comme « Danse avec les loups » qui est venu à point pour rappeler aux enfants que nous fûmes que certains westerns étaient un éloge des tentations génocidaires, que ce cinéma était idéologique à souhait et que les Indiens méritaient une pleine réhabilitation, eux qui ont été confinés dans le cliché du peau-rouge et du sauvage imprévisible, eux qui avaient été exterminés et dépossédés de leurs terres puis voués aux gémonies du septième art.

De nos jours, les derniers westerns à la mode ne savent plus qui inventer. C’est parfois une violence extrême qui y domine, pour souci de réalisme. Dans d’autres cas, on mettra en avant les aventures paradoxales de cowboys homosexuels ou bien celles de pétroleuses qui n’ont rien à envier à Raquel Welch ou Brigitte Bardot. De toute évidence, le genre s’est essoufflé mais demeurent nos nostalgies ..

Car qui dit western évoque les cinoches d’antan et les yeux fascinés du public qui aimait se retrouver au Capitole, au Cinémonde ou au Marivaux pour se projeter dans un far west imaginaire, peuplé de chasseurs de primes, de charlatans roulés dans les plumes et le goudron et de saloons, bruyants où le whisky coule à flots …

Hatem Bourial Tunis-Hebdo du 08/10/2018




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