L'Italie aux Italiens

L'Italie aux Italiens
Tunis-Hebdo
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Le Vice-président du Conseil des ministres italien, Matteo Salvini, n'a pas mâché ses mots concernant la question de l'immigration en Europe. Il a, ainsi, qualifié les migrants "d'esclaves" que l'Italie ne peut plus se permettre d'accueillir ni nourrir. Des propos chocs qui ont attisé la colère du ministre des Affaires étrangères luxembourgeois, Jean Asselborn, lors d'une conférence sur la sécurité et la migration à Vienne, vendredi 14 septembre. De telles déclarations sont la preuve d'une mauvaise foi sans pareille et d'un profond égoïsme de la part de M. Salvini. Une petite piqure de rappel historique s'impose...
Depuis le Printemps arabe, les plages d'Italie font office de terre promise pour des milliers d'Africains et de pauvres gens du Moyen-Orient qui fuient, littéralement, la misère humaine. En Tunisie, par exemple, la phrase "nahrek li Italia" (j'irai clandestinement en Italie) est tellement au goût du jour dans les quartiers populaires qu'elle a pris une dimension folklorique, voire tristement amusante. Débarquer au pays des macaronis est devenu un rêve, un fantasme pour nos jeunes diplômés sans emploi, pour les garçons qui doivent subvenir aux besoins de leur famille ou pour ceux qui ont perdu tout espoir dans l'avenir de leur pays. Se frottant quotidiennement à la mort, ces derniers préfèrent économiser plus de 3000 dinars pour un voyage extrêmement périlleux dans l'infime espoir d'atteindre les côtes européennes sains et saufs plutôt que de vivre au jour le jour dans un taudis miteux sans le moindre espoir d'avancer. Telle est la triste réalité de l'Afrique et du tiers-monde en 2018 ! Une réalité qui a été celle de l'Italie durant la première moitié du XXème siècle mais que M. Salvini tente de nous faire oublier, en vain.
Malaria et diaspora
En 1861, les rois de la maison de Savoie unifient la péninsule italienne par l'annexion des différents Etats divisés depuis des lustres. A cette époque, 70% de la population italienne vivent à la campagne. La nouvelle redistribution des terres ne permet pas aux agriculteurs et aux nouveaux propriétaires de s'en sortir. La misère gagne le pays et la famine fait sont apparition. En 1880, le manque de programmation des plans d'aménagements des zones marécageuses et foisonnantes de moustiques anophèles contribue à l'apparition d'une maladie mortelle que les Italiens appellent "malaria" ou maladie du mauvais air. Dès lors, commence la diaspora italienne à travers l'Europe, les Etats-Unis et... l'Afrique. Cette exode massif prit la forme d'un colonialisme violent qui s'est accaparé "senza vergogna" des territoires entiers par les armes. L'Ethiopie ou encore la Libye en ont fait les frais. Malgré ça, les Italiens ont été très bien reçus par tous les peuples du Maghreb et particulièrement par les Tunisiens qui ont épousé certaines de leurs traditions et enrichi la langue arabe avec quelques mots italiens. L'afflux massif d'Italiens durant les années 1920 aux Etats-Unis a inspiré les plus grands réalisateurs d'Hollywood qui ont, chacun leur tour et d'une main de maître, retracé l'histoire des mafiosi siciliens. Des films comme "Le parrain" de Coppola, "Les affranchis" de Scorcese ou "Les incorruptibles" de De Palma donnent une mauvaise mais réaliste image de la communauté italienne qui était sans cesse assimilée au grand banditisme et aux crimes de sang. Aujourd'hui, 500 millions de personnes dans le monde sont d'origine italienne. Qu'en pense Matteo Salvini ? Lui qui veut inciter les Italiens à faire plus de gosse.
Je suis rital et je le reste
Le leader du parti d'extrême droite La ligue du Nord, a déclaré qu'il est temps que l'Italie redevienne la puissante nation d'antan. Salvini a insisté sur le fait que les migrants ne doivent plus débarquer en Europe et profiter de l'argent des Italiens. M. Asselborn s'est alors empressé de lui lancer un "Merde alors !" tout en lui rappelant que le Luxembourg avait accueilli des milliers de migrants italiens dans le temps et que c'était grâce à eux que l'Italie a pu se relever des années Mussolini. Même s'il a été refroidi par la sortie du ministre luxembourgeois, le second de Giuseppe Conte campe sur ses positions ultranationalistes à la manière du jeune premier ministre autrichien, du nouveau parti d'extrême droite suédois et des jeunes néo-nazis allemands. En fin de compte, la montée du nationalisme en Europe illustre la véritable nature de certains Occidentaux qui exigent le respect des autres mais qui au final oublient ce que ces "autres" ont fait pour eux.

Mohamed Habib LADJIMI Tunis-Hebdo du 24/09/2018




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